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Démocratie : bras de fer entre la Cédéao et le Mali sur fond de présence russe

La Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest sanctionne la junte de Bamako pour sa lenteur à rendre le pouvoir aux civils. Le Mali quant à lui rappelle ses ambassadeurs dans les pays concernés.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les soldats français de Barkhane le 14 décembre 2021, lors de leur retrait de Tombouctou, au Mali. (FLORENT VERGNES / AFP)

A toi, à moi ! Les relations s’enveniment entre le Mali et la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sur la question du retour à la démocratie à Bamako et de la restitution du pouvoir aux mains des civils.

Dimanche 9 janvier, la Cédéao a tapé du poing sur la table et a décidé de couper les aides financières au Mali, et de geler les avoirs du pays à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Les pays membres de la Cédéao (quinze moins le Mali) ont également choisi de fermer les frontières avec le Mali et de suspendre les échanges économiques, à l’exception des produits de première nécessité.

C’était la réponse au nouveau calendrier proposé par la junte de Bamako, qui demandait 5 ans à compter du 1er janvier 2022 pour rendre le pouvoir aux civils. Inacceptable pour la Cédéao qui, malgré la visite d’émissaires maliens porteurs d’un nouvel agenda, a sanctionné Bamako. Des sanctions économiques déjà prises lors du putsch de 2020, vites abandonnées grâce, à l’époque, à la bonne volonté de la junte.

"La contre-proposition malienne est une transition de quatre ans. C'est de la rigolade", a commenté un haut responsable ghanéen à l’AFP, sous couvert d’anonymat. Rappelons qu’après le premier putsch d’août 2020, les militaires avaient promis des élections législatives et présidentielle en février 2022. Mais aujourd’hui, ils réclament plus de temps pour mener à bien des réformes indispensables à la crédibilité des élections.

Sanctions et réactions

La réplique de Bamako est revenue comme un boomerang. Le gouvernement a décidé de rappeler ses ambassadeurs en poste dans les pays membres de la Cédéao et de fermer également ses frontières. Selon le porte-parole de la junte, le colonel Abdoulaye Maïga, "le gouvernement de la République du Mali a appris avec stupéfaction les sanctions économiques et financières prises à l’encontre du Mali". "Le gouvernement du Mali regrette que des organisations sous-régionales ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extra régionales aux desseins inavoués", a poursuivi le colonel.

(Traduction : "Des conseillers militaires russes aideraient le Mali à former ses forces de sécurité. Des pays occidentaux critiquent le Mali pour avoir autorisé les mercenaires du groupe russe Wagner à opérer dans un pays ouest-africain.")

Le Rubicon est bel et bien franchi par la junte militaire, alors même que depuis des jours des informations circulent quant à la présence des fameux mercenaires russes du groupe Wagner sur le terrain au Mali. Des informations que la junte n’a pas commentées. Dans le communiqué lu à la télévision nationale, le colonel Abdoulaye Maïga annonce également "des résultats spectaculaires des Forces armées maliennes dans la lutte contre le terrorisme. Ce qui n’était pas arrivé depuis plus d’une décennie." Sous-entendu, la présence de Barkhane n’a servi à rien. Ces "résultats spectaculaires" font probablement référence à un accrochage en pays Dogon intervenu entre Russes et jihadistes, selon Le Monde.

Mise en garde de la France

Or, les instances diplomatiques françaises soutenues par plusieurs de ses alliés ont dénoncé dans un communiqué commun le déploiement de mercenaires sur le territoire malien. "Ce déploiement ne peut qu’accentuer la dégradation de la situation sécuritaire en Afrique occidentale, mener à une aggravation de la situation des droits de l'Homme au Mali…" Le ton employé est sévère. Le journal Le Monde annonce de son côté que plus de 300 mercenaires mais aussi des soldats russes "seraient désormais déployés au nord de Bamako."

La junte à Bamako entend donc poursuivre sur sa propre logique qui est de s’émanciper de la tutelle de la France. La rue réclame de plus en plus souvent le départ de la force Barkhane accusée d’inefficacité. La seconde rupture est désormais également régionale.

Le colonel Assimi Goïta semble faire peu de cas des sanctions de la Cédéao et en appelle à la population face au "caractère inhumain de ces mesures qui viennent affecter les populations déjà durement éprouvées par la crise sécuritaire et la crise sanitaire". De son côté, la Cédéao active sa force militaire "qui doit se tenir prête à toute éventualité".

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