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Mali : les militaires veulent rester au pouvoir

La junte militaire a informé la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qu'elle souhaitait une période de transition de cinq ans, au grand dam de l'opposition.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Le président malien par intérim, le Colonel Assimi Goïta (au centre), lors de son investiture le 7 juin 2021.  (ANNIE RISEMBERG / AFP)

Une période de transition de cinq ans. C'est ce que souhaite la junte militaire au pouvoir au Mali. Les autorités maliennes, comme elles s'y étaient engagées, ont transmis leur proposition, le 31 décembre 2021, au président ghanéen Nana Akufo-Addo dont le pays assure la présidence en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).

Dans un communiqué daté du 1er janvier 2022, l'organisation sous-régionale a décidé de consacrer un sommet extraordinaire à la situation politique qui prévaut au Mali le 9 janvier, et son médiateur devrait se rendre à Bamako le 5. Le calendrier soumis par la junte est un nouvel obstacle à un retour rapide à l'ordre constitutionnel depuis le coup de force d'août 2020. C'est du moins le sentiment de plusieurs formations politiques qui n'ont pas participé aux récentes assises nationales censées être le cadre de référence "du redressement" du Mali. Mais elles n'ont pas fixé la durée de la transition, une urgence politique pour le pays. 

Une transition aux allures de mandat

Les Assises nationales de la refondation (ANR), "le Rendez-vous pour un Mali nouveau", qui se sont tenues du 11 au 30 décembre 2021, ont été l'occasion de "débats houleux" selon la presse malienne. Cette consultation nationaledécrite par le président de la transition Assimi Goïta comme "un exercice démocratique", a seulement recommandé une fourchette pour la période de transition : entre six mois et cinq ans. "Conformément aux recommandations issues des Assises nationales de la refondation, le gouvernement mettra très prochainement en place un chronogramme visant à assurer le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé", avait promis le 30 décembre le dirigeant malien en clôturant les travaux des assises. 

La junte militaire a finalement tranché en proposant l'équivalent d'un mandat présidentiel à la Cédéao. Interrogé par la télévision publique malienne (ORTM) au sortir de son audience avec le président ghanéen, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a indiqué qu'il s'agissait d'une durée de cinq ans "tout au plus". Il a par ailleurs précisé que les responsables politiques maliens restaient "ouverts" et "disponibles" pour "poursuivre les discussions" avec la Cédéao.  

Des assises nationales pour rien ?

Cependant, plusieurs formations politiques, réunies au sein du Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, ont rejeté via un communiqué "ce chronogramme unilatéral et déraisonnable" qui prolonge "la transition pour une durée cumulée de six ans et six mois". "Le cadre informe l’opinion nationale et internationale que ce chronogramme transmis par le Colonel Assimi Goïta, président de la transition et chef de l’Etat, à la (Cédéao), outre qu’il viole la Charte de la transition, n’a pas fait l’objet de discussions au Mali et ne saurait être en aucun cas une aspiration profonde du peuple malien". La coalition avait déjà boycotté les ANR afin que "le délai de la transition ne soit pas lié aux Assises", avait expliqué à l'AFP Sékou Niamé Bathily, chargé de communication du "Cadre d'échange", avant d'ajouter : "On veut les dissocier pour aller à l'organisation rapide des élections."

C'est pour l'heure peine perdue. D'autant que le colonel Goïta leur avait adressé comme une mise en garde à la clôture des Assises. "Ceux et celles de nos compatriotes qui, pour une raison ou une autre, se sont désolidarisés de ce processus national doivent désormais comprendre que la sauvegarde de la nation est un devoir de citoyen qui s'impose à nous tous", a-t-il déclaré. 

Aujourd'hui, le Cadre d'échange "se réserve le droit d’user de tous les moyens légaux afin que les principes démocratiques obtenus de longue lutte et au prix de nombreux sacrifices ne soient liquidés par une quelconque tentative de confiscation du pouvoir par la force et la ruse".  

Bamako fait de la résistance 

Il n'y a pas que l'opposition malienne qui soit dépitée par la décision de la junte. En proposant une transition de cinq ans, les autorités maliennes font fi du souhait de la Cédéao de voir Bamako "respecter la date du 27 février 2022 pour la tenue des élections", comme précisé dans le communiqué final du somment extraordinaire du 12 décembre dernier. L'organisation sous-régionale, qui se disait "préoccupée par la lenteur de la préparation de l'élection", avait décidé "de maintenir les sanctions déjà imposées". Elle avait également indiqué que "si d'ici à la fin décembre 2021, aucun progrès concret (n'était) réalisé dans la préparation de l'élection, des sanctions supplémentaires (seraient) mises en place à partir du 1er janvier 2022".  Elles comprendraient notamment "des sanctions économiques et financières". Le colonel Goïta souhaite néanmoins "que les pays frères de la Cédéao accompagnent davantage le Mali dans la réalisation d'actions soutenant l'organisation prochaine d'élections".

La Cédéao s'était aussi montrée "préoccupée" par "le risque pour la région de l'intervention de sociétés de sécurité privées au Mali". Une inquiétude qu'elle partage avec la France et l'Union européenne. Pour ce qui est des Etats-Unis, qui sont sur la même longueur d'onde que leurs alliés occidentaux, le cas du Mali a été tranché. Washington a confirmé le 1er janvier 2022 l'exclusion du Mali, à l'instar de la Guinée (qui a connu également un coup d'Etat) et de l'Ethiopie (en guerre), de l’African Growth opportunities Act (AGOA) qui permet à plusieurs pays africains d'être exemptés de droits de douane quand ils exportent vers les Etats-Unis.

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