Sahel : ce qu'il faut retenir des annonces d'Emmanuel Macron sur le retrait de l'armée française au Mali
Après neuf ans d'opérations militaires au Mali, Emmanuel Macron a présenté les modalités de retrait des forces françaises, jeudi.
Neuf ans après le lancement de l'opération militaire Serval au Mali, le président Emmanuel Macron a confirmé le retrait "ordonné" des troupes françaises. L'annonce a été faite jeudi 17 février, avant l'ouverture d'un sommet Union européenne-Union africaine, à Bruxelles.
A l'heure où la France et ses partenaires européens sont poussés dehors par la junte au pouvoir à Bamako, l'armée française fait un bilan de 53 soldats morts dans ses rangs. Quelque 4 600 militaires français sont déployés dans la bande saharo-sahélienne, dont 2 400 au Mali.
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Reconnaissant le "rôle fédérateur" de la France dans cette mobilisation internationale de 25 000 hommes et femmes, Emmanuel Macron a souligné le "message de continuité à notre engagement dans la lutte contre le terrorisme au Sahel". Voici ce qu'il faut retenir des annonces du président de la République.
Des militaires seront redéployés du Mali vers le Niger
"La France et ses partenaires engagés dans des missions de lutte contre le terrorisme, à savoir les participants à la task force Takuba, ont pris la décision de retirer leur présence militaire au Mali", a annoncé Emmanuel Macron. Ce retrait sera effectué "de manière ordonnée avec les armées maliennes et avec la mission des Nations unies au Mali".
Pendant cette période, des militaires européens des forces spéciales Takuba "seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali".
"Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d'autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés. C'est la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui au Mali", a estimé le président en référence à la junte au pouvoir dans le pays depuis le putsch de mai 2021, le deuxième en moins d'un an. "La lutte contre le terrorisme ne peut pas tout justifier. Elle ne doit pas, sous prétexte d'être une priorité absolue, se transformer en exercice de conservation indéfinie du pouvoir", a-t-il ajouté.
Trois unités militaires françaises fermeront
Après Kidal, Tessalit et Tombouctou en 2021, les "emprises" françaises de Gossi, de Ménaka et de Gao vont donc fermer, selon le président. En revanche, les missions de sécurisation de la mission onusienne Minusma continueront. Créée en 2013, la Minusma rassemble 55 pays contributeurs pour plus de 15 000 hommes et femmes déployés au Mali.
Dans les prochaines semaines et mois, un "appui" sera fourni "à chacun des pays de la région sur la base des besoins [qu'ils] auront exprimés". Cet appui pourra être "de l'aide en matière d'entraînement, de la fourniture d'équipements, voire un appui à leurs opérations contre le terrorisme".
"Les attentes de nos partenaires ont évolué. La sensibilité des opinions publiques des pays de la région a elle aussi changé", a constaté Emmanuel Macron. Il faut en "tirer les conséquences" et "nous recentrer sur demande de nos partenaires, là où notre contribution est attendue".
Interrogé sur le calendrier de retrait des forces françaises, Emmanuel Macron a estimé que la fermeture des bases au Mali allait "prendre quatre à six mois". Pour rappel, ce matin, l'Elysée mentionnait "juin 2022" comme échéance pour la définition du nouveau dispositif au Sahel.
A la fin du retrait, le nombre de militaires français déployés au Sahel sera de 2 500 à 3 000 hommes, contre 4 600 actuellement, selon le porte-parole de l'état-major des armées françaises, le colonel Pascal Ianni, interviewé par l'AFP.
Les programmes d'aide ne doivent pas financer des mercenaires ou le terrorisme
Pour le président français, la lutte contre le terrorisme "ne peut pas non plus justifier une escalade de la violence par le recours à des mercenaires dont les exactions sont documentées en République centrafricaine et dont l'exercice de la force n'est encadré par aucune règle ni par aucune convention." En effet, au 14 février, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, estimait qu'un millier de mercenaires russes Wagner se trouvaient désormais au Mali. Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron les a accusés de sécuriser la junte au pouvoir à Bamako.
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Le soutien à divers programmes est conditionné à ce que ces derniers "ne puissent être détournés pour financer des activités de mercenaires ou le terrorisme lui-même". Cela concerne notamment le maintien du soutien à la mission onusienne pour la stabilisation au Mali Minusma et les engagements auprès des populations maliennes de l'Alliance Sahel.
Les pays du golfe de Guinée seront plus impliqués dans la lutte contre le terrorisme
A la suite d'attaques dans le nord du Bénin, Emmanuel Macron souhaite impliquer et appuyer "davantage les pays voisins, la bande sahélienne, à savoir les pays du golfe de Guinée". En effet, ces Etats sont "de plus en plus exposés à des tentatives d'implantation des groupes terroristes sur leur territoire".
En plus du G5 Sahel et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'initiative Accra doit devenir un "cadre de référence", sans toutefois "créer de nouvelles structures régionales", pour lutter contre le terrorisme. Cette initiative rassemble le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin.
Des programmes civils et sociaux seront déployés à destination des populations
Si les populations civiles du Sahel sont "la première cible des exactions d'Al-Qaïda et de Daech", "elles ne peuvent pas pour autant être réduites à un rôle de victime", estime Emmanuel Macron. Elles sont aussi le "rempart contre ces groupes [terroristes]". Ce "sursaut civil" ne peut seulement être traité "par le prisme trop étroit de la sécurité".
Il s'agira de "déployer des programmes civils et sociaux", qui "viendront prévenir l'expansion des groupes terroristes et consolider les stratégies des autorités nationales". Le président a par ailleurs rappelé le travail de coordination de l'Alliance pour le Sahel, qui "réunit (...) plus de 25 partenaires, dont bientôt les Etats-Unis, 22 milliards [d'euros] d'engagement financier, plusieurs milliers de projets".
Emmanuel Macron récuse tout échec au Mali
Le président "récuse complètement" l'idée d'un échec français au Mali, affirmant que cette présence a "évité le pire". "Que se serait-il passé en 2013 si la France n'avait pas fait le choix d'intervenir ? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l'Etat malien", a-t-il fait valoir, avant de souligner "de nombreux succès", comme l'élimination de l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) en juin 2020.
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