Cet article date de plus de trois ans.

L’enlèvement d’enfants, "une nouvelle tactique" des groupes jihadistes au Mozambique

L’ONG Save the Children alerte contre cette pratique dans le nord-est du pays.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Une famille mozambicaine réfugiée à Pemba, la capitale de la province de Cabo Delgado dans le nord du pays, dont la fille de 14 ans a été prise en otage par des hommes armés.  (Sacha Myers / Save the Children)

Au moins 51 enfants, des filles pour la plupart, ont été enlevés en 2020 par les groupes jihadistes qui terrorisent le nord-est du Mozambique depuis plus de trois ans, selon l'ONG Save the Children. Mais ce nombre pourrait être beaucoup plus élevé.

Une terreur sans limite

Save the Children s'appuie sur des données relevées entre janvier 2020 et janvier 2021 par l'ONG américaine Acled qui collecte des données sur les conflits armés dans le monde. Lors de cette période, une cinquantaine d’enfants dont une majorité de filles ont été signalés comme portés disparus dans l’extrême nord du Mozambique.

Dans cette partie du pays, un mouvement insurrectionnel devenu islamiste est monté en puissance ces dernières années. Depuis 2017, Al Shabab (les jeunes, en arabe) multiplie les attaques violentes dans la province pauvre à majorité musulmane du Cabo Delgado, frontalière de la Tanzanie. Massacres, décapitations, enlèvements… Une terreur sans limite vise hommes, femmes et enfants.

"L'enlèvement d'enfants est devenu une nouvelle tactique, d'une régularité alarmante, de la part de groupes armés impliqués dans le conflit""

Save The Children

dans un communiqué, le 9 juin 2021

Des exactions pas toujours recensées

La région de Cabo Delgado où sévit le groupe Al Shabab semble hors de contrôle et il est extrêmement difficile de savoir ce qu'il s’y passe vraiment. Aucun média n’a accès à la ville de Palma, tombée fin mars aux mains des jihadistes, et toutes les exactions commises ne sont pas forcément signalées. En revanche, les témoignages des survivants ou de ceux qui ont pu fuir sont glaçants.

Des parents de quatre enfants ont raconté à Save The Children comment ils ont été arrêtés par des hommes armés qui ont gardé en otage une de leurs deux filles. Depuis, ils vivent dans un camp de déplacés à Pemba, la capitale de la province de Cabo Delgado et n’ont aucune nouvelle de l’adolescente de 14 ans. Ce phénomène nouveau inquiète l’organisation qui précise que "les enlèvements intentionnels d'enfants" dans la région n’existaient pas avant 2020.

"Être enlevé, être témoin d'enlèvements, subir des attaques, être contraint de fuir des groupes armés – ce sont des événements extrêmement traumatisants pour les jeunes enfants et les adolescents"

Chance Briggs, directeur national de Save the Children pour le Mozambique

Des "enlèvements massifs"

Les enlèvements d’enfants et leur exploitation pourraient être beaucoup plus importants et plus graves qu’on ne le pense. Des filles qui ont réussi à s’évader parlent de "rapts massifs" d'insurgés dans le nord du Mozambique, comme le rapporte un article publié en avril par The Guardian. Selon le journal britannique, des centaines de femmes et de filles ont été enlevées et sont détenues dans des camps où elles sont choisies pour "épouses" par les combattants du groupe et forcées à des relations sexuelles. Les captives sont par aileurs obligées d'assister à des sessions d'instruction coranique et de conférences idéologiques, selon de nombreux témoignages. La majorité de ces otages sont mineures.

Ces histoires de filles enlevées, puis "mariées" de force, rappellent celles des jeunes filles nigérianes kidnappées par le groupe islamiste Boko Haram en 2014. Leur sort avait suscité une vive émotion dans le monde. Depuis, des milliers de jeunes filles et garçons continuent d’être exploités par des groupes armés dans des zones de conflits inaccessibles aux journalistes ou aux organisations internationales qui tentent malgré tout de lancer l'alerte pour les sauver.

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