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Présidentielle, et législatives, en Tunisie : "le grand chambardement"

Le premier tour de l’élection présidentielle tunisienne se tiendra le 15 septembre 2019. 26 candidats sont en lice. La campagne a été lancée le 2 septembre.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Une Tunisienne pose en compagnie de soldats et d'un policier devant un bureau de vote à Tunis (pour les municipales le 6 mai 2018). (REUTERS - ZOUBEIR SOUISSI / X02856)

L’élection présidentielle en Tunisie aurait dû avoir lieu le 17 novembre 2019. A la suite du décès du président Béji Caïd Essebsi, elle a été avancée au 15 septembre pour le premier tour. La date d’un éventuel second tour n’a pas encore été décidée mais s'il a lieu, celui-ci pourrait se tenir en novembre. Le pays va ainsi connaître deux scrutins à trois semaines d’intervalle puisque les législatives ont été programmées le 6 octobre. Pour la première fois dans le monde arabe, trois débats télévisés incluant tous les candidats auront lieu les 11, 12 et 13 septembre.

Le pays vit "un grand chambardement" politique avec "le délitement des alliances", une gauche mal en point et la montée d’un phénomène populiste, constate l’association Nachaz Dissonances.

Le populiste emprisonné reste candidat

Concernant la présidentielle, 26 candidats ont été retenus, a annoncé le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Nabil Baffoun. On trouve ainsi Nabil Karoui, issu des rangs de Nidaa Tounès (le parti de Béji Caïd Essebsi). Cet homme d’affaires, patron de la chaîne Nessma TV, est aujourd’hui souvent qualifié de "populiste". Il a commencé sa campagne en lançant des opérations de charité médiatisées… par Nessma TV. Accusé de "blanchiment", l’homme est… en prison. Mais reste candidat.


Nabil Karoui, homme d'affaires et propriétaire de la chaîne Nessma TV (REUTERS - ZOUBEIR SOUISSI / X02856)

Autres candidats : le Premier ministre sortant Youssef Chahed, issu lui aussi de Nidaa Tounès, qui a créé un parti tout exprès et annoncé qu’il n’avait pas l’intention de démissionner pendant la campagne ; l’ancien ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, qui fut aussi ministre de la Santé sous Ben Ali ; un universitaire néophyte en politique, Kais Saïed, qui rejette ouvertement l’homosexualité ; l’ancien président Moncef Marzouki.

Pour la première fois, le parti islamiste Ennahdha aura un représentant dans la course, Abdelfattah Mourou, un avocat apprécié pour son humour et président par intérim de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le Parlement tunisien. Il sera concurrencé par un dissident, Hamadi Jebali, ancien Premier ministre.

Inventaire à la Prévert

Seules deux femmes figurent parmi les 26 prétendants : Salma Elloumi, ancienne ministre du Tourisme, et Abir Moussi, qui regrette la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali.

La liste de la centaine de candidats qui avaient initialement postulé est un véritable inventaire à la Prévert. Parmi eux, on trouvait notamment un artiste-peintre, un défenseur des droits des LGBT, un avocat de salafistes. Mais aussi "un agent de sécurité et un ancien membre de la Ligue de protection de la révolution, une milice à tendance islamiste" (Le Monde)…

Constatant l’émiettement de la gauche "séculaire" (non-islamiste), le cercle Kheireddine, qui se présente comme un think tank indépendant, a lancé "un appel solennel et urgent à tous les candidats de la mouvance démocratique et moderniste pour qu’ils se désistent au profit du candidat fédérateur le mieux placé, celui dont le patriotisme, la probité, l'expérience et la confiance qu'il suscite sont les plus reconnus". Dans le même temps, il exprime sa préoccupation face à "la situation de précarité économique et financière à laquelle est confronté le pays et par l’érosion inquiétante de l'autorité de l’Etat". Le chômage s’élève à 15%, l’inflation atteint presque 7%.


Le Premier ministre tunisien et candidat à la présidentielle, Youssef Chahed, en campagne à Tunis le 2 septembre 2019 (REUTERS - ZOUBEIR SOUISSI / X02856)

Scrutin très ouvert

Des sondages (officiellement interdits) donnent en tête Nabil Karoui, à qui l’emprisonnement pourrait conférer un statut de martyr. "La résurgence de la question sociale, notamment celle de la pauvreté, combinée au vent de fronde anti-élite, explique notamment (son) essor", analyse Le Monde. L'homme d’affaires "est le monstre du système qui se pose en alternative au système. Le pur produit du capitalisme de la fraude et des pots-de-vin qui se pose en porte-parole des plus pauvres", estime Nachaz Dissonances. Sa fulgurante ascension "dans les sondages et dans le baromètre du café du commerce démontre la redoutable efficacité des médias audiovisuels".

Pour autant, le scrutin présidentiel est très ouvert. "Cela soulève beaucoup de doutes et d’incertitudes chez les Tunisiens qui se demandent : 'Pour qui vais-je voter ?'", explique un observateur tunisien à franceinfo Afrique. On sent aussi de l’inquiétude : le pays ne risque-t-il pas de devenir ingouvernable ? "Le contexte de délitement de la vieille société politique bouleverse les priorités et brouille l'ordre des questions", précise Nachaz Dissonances. "Les élections de 2019 sont à tous égards fatidiques. Seront-elles le tremplin vers le pire ou un tournant salutaire pour nos institutions et notre vie commune ?", demande l’association.

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