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Bosco Ntaganda, chef de guerre congolais, reconnu coupable des crimes de ses hommes dans un verdict inédit de la CPI

Sa condamnation est une première, tant par ses motifs, que par sa portée. L'ancien milicien encourt la perpétuité, mais peut encore faire appel.  

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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L'ancien chef de guerre congolais Bosco Ntaganda arrive à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye (Pays-Bas), le 8 juillet 2019. 
 (EVA PLEVIER / POOL)

La Cour pénale internationale (CPI) a reconnu coupable lundi 8 juillet 2019 l'ex-chef de guerre congolais Bosco Ntaganda de "18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité" pour des massacres de civils et des viols de jeunes filles enrôlées comme enfants soldats en Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), en 2002-2003. Surnommé Terminator, Bosco Ntaganda, aujourd'hui âgé de 45 ans, a joué un rôle central dans la planification des opérations de l'Union des patriotes congolais et de son bras armé, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). 

Selon des ONG, plus de 60 000 personnes ont perdu la vie depuis l'éclatement en 1999 de violences sanglantes dans cette région du nord-est du pays, région instable et riche en minéraux. Dans le conflit en RDC, le FLPC de Ntaganda, dominé par les Hema, a visé les Lendu, groupe ethnique rival, en vue de son expulsion de l'Ituri. Des centaines de civils ont été tués et des milliers d'autres ont été contraints de fuir.

L'ex-chef de guerre, qui est apparu devant les juges le visage fermé, entendra sa peine lors d'une prochaine audience. Il risque la prison à perpétuité, mais peut encore faire appel du jugement dans un délai de trente jours.

Des accusations et un verdict inédits 

Cette condamnation est unique dans l'histoire de la CPI : les charges dont il a été déclaré coupable comprennent des crimes commis par ses subordonnés dont il était responsable en tant que commandant militaire. L'ancien vice-président congolais, Jean-Pierre Bemba, avait été initialement reconnu coupable des crimes commis par des combattants qu'il avait envoyés en République centrafricaine, mais il avait été acquitté en appel. 

En outre, il s'agit de la première affaire jugée sur la situation en RDC à inclure des accusations de crimes sexuels et basés sur le genre. 

"Cette décision de la CPI est un réconfort pour les victimes et l'ensemble de la population de la province d'Ituri, victime des atrocités de la rébellion de Bosco Ntaganda", a déclaré Xavier Macky, directeur de Justice Plus, un groupe de défense des droits de l'Homme basé à Bunia, chef-lieu de la province de l'Ituri. Pour lui, cette condamnation est une "contribution à la guerre contre l'impunité".

Ce verdict est une "grande victoire pour les survivants", a estimé dans un communiqué Kenneth Roth, le directeur de Human Rights Watch. La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) s'est réjouie de ce "jour de joie pour les victimes de l'Ituri".

Des "ordres directs pour tuer des civils"

Viols et esclavage sexuel de mineurs, enrôlement d'enfants soldats âgés de moins de 15 ans, meurtre d'un prêtre : l'effroi se dessinait sur les visages des personnes présentes dans la salle d'audience du tribunal au fil de l'énumération de la longue liste de violences commises par le Congolais.

Ntaganda a donné des "ordres directs pour tuer des civils". Il "remplissait une fonction militaire très importante et avait un rôle déterminant pour mettre sur pied un groupe armé puissant à même de chasser la population locale", a déclaré le juge Robert Fremr.

Au cours d'une attaque menée sous son commandement, ses soldats ont tué à coups de bâtons, couteaux et machettes au moins 49 personnes dans une bananeraie près d'un village. "Des hommes, des femmes et des enfants, dont des bébés, ont été retrouvés dans la plantation. Certains des cadavres étaient nus, certains avaient les mains liées, d'autres avaient le crâne écrasé", a déclaré le juge Fremr. Des corps de femmes enceintes éventrées jonchaient les lieux.

Féru de chapeaux de cow-boys et amateur de bonne cuisine, il a toujours assuré être un "révolutionnaire" et non un criminel, rejetant son surnom de Terminator. Les juges l'ont pourtant reconnu coupable d'avoir exécuté un prêtre de ses propres mains.

En fuite, Ntaganda a demandé son transfert à la CPI

Il est l'un des cinq chefs de guerre congolais à avoir été traduits devant la Cour, fondée en 2002 pour juger des pires atrocités commises dans le monde. En mars 2012, la CPI a condamné à 14 ans de prison Thomas Lubanga, ancien chef de Ntaganda dans les FPLC. Le tribunal a également condamné l'un de leurs opposants pendant le conflit, Germain Katanga.

Un mandat d'arrêt contre Bosco Ntaganda avait été lancé en 2006 par la CPI. En 2013, à la suite de dissensions accompagnées de combats au sein du mouvement, l'ex-chef rebelle avait été contraint de fuir au Rwanda et de se réfugier à l'ambassade des Etats-Unis à Kigali, d'où il avait demandé son transfert à la CPI, une initiative inédite dans l'histoire de la juridiction.

Né au Rwanda, où il a fait ses armes avec le Front patriotique rwandais (FPR), Bosco Ntaganda, issu d'une famille tutsie, avait la réputation d'être un leader charismatique. Général de l'armée congolaise de 2007 à 2012, il est ensuite devenu l'un des membres fondateurs du groupe rebelle M23, qui a finalement été vaincu par les forces du gouvernement congolais en 2013.

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