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RDC : l’affaire du passeport "le plus cher au monde" devant les justices belge et congolaise

Les Congolais paient plus de 185 dollars pour obtenir un passeport biométrique. Les ONG anti-corruption veulent savoir où va l'argent.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2min
Passeport biométrique de la Répubique démocratique du Congo, février 2017. (STRINGER  / REUTERS)

La République démocratique du Congo a annoncé la non-reconduction du très controversé contrat, signé en juin 2015 avec une société belge, pour la fabrication de passeports biométriques. Les ONG anti-corruption réclament des comptes dans cette affaire portée devant la justice, comme l’explique à franceinfo Afrique Jean-Jacques Lumumba, lanceur d’alerte congolais et cofondateur de la plateforme panafricaine Unis.

"Une gifle au peuple congolais"

Les Congolais paient 185 dollars pour obtenir un passeport biométrique. Un prix exorbitant dans un pays où la population est l'une des plus pauvres au monde. Les documents sont fabriqués par la société belge Semlex, conformément à un contrat passé sous la présidence de Joseph Kabila. L'homme qui lui a succédé à la tête de l'Etat, Etienne Tshisekedi, avait promis de mettre un terme à cet accord très controversé. Mais aujourd'hui, c’est le flou. Le gouvernement parle d’un "arrangement transitoire" qui consisterait à proroger le contrat jusqu'à la fin de l'année. Il s'agit d'un "désaveu", voire d'"une gifle" aux Congolais, selon le lanceur d'alerte Jean-Jacques Lumumba.  

Tout le monde savait que ce contrat arrivait à échéance. Il y a un manque de préparation et de la mauvaise foi. Le flou continue et ravive les soupçons de corruption

Jean-Jacques Lumumba, lanceur d'alerte congolais et cofondateur de la plateforme Unis

à franceinfo Afrique

Où va l’argent ?

Les organisations anti-corruption veulent que le contrat signé en 2015 sans appel d'offres soit annulé et que l’entreprise belge Semlex, ainsi que toutes les personnes impliquées, soient condamnées. Des activistes congolais ont porté plainte à Kinshasa et une enquête judiciaire est ouverte depuis 2017 à Bruxelles sur des soupçons de fraudes et de blanchiment d’argent dans l’affaire dite "Passeportgate". Ils veulent savoir pourquoi le passeport biométrique congolais est particulièrement cher, où va l’argent et quel est le rôle des actionnaires proches du clan Kabila.

On dénonce la présence de sociétés écrans liées à la famille Kabila. Nous privilégions l’action judicaire pour mettre au clair toutes les questions de détournement de fonds publics

Jean-Jacques Lumumba, lanceur d'alerte congolais et cofondateur d'Unis

à franceinfo Afrique

Les Congolais lésés

Dans une enquête détaillée publiée en 2017, l’agence de presse Reuters avait révélé que le gouvernement congolais ne percevait que 35% du prix du coûteux passeport, l'essentiel des 185 dollars versés par les Congolais revenant à la société belge Semlex et une société, LRPS, basée aux Emirats arabes unis.

Les organisations congolaises insistent sur la nécessité d’établir les responsabilités dans l'affaire des passeports biométriques. Elles misent sur les instances nationales et internationales pour obtenir justice en sachant pertinemment que "beaucoup d’affaires de corruption en Afrique trouvent leur dénouement en dehors du continent", comme l'indique Jean-Jacques Lumumba qui vit depuis 2016 en exil, après avoir dénoncé les détournements de fonds publics dans son pays.

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