60 ans des accords d’Evian : en 1962, sur 250 000 harkis, 40 000 vont rejoindre la France, plus de 60 000 seront assassinés par le FLN
Au lendemain de l'indépendance, la plupart des Algériens engagés dans l'armée française vont rentrer dans leurs villages. Si, selon les historiens, le Front de libération nationale (FLN) n'a pas donné l'ordre de les exécuter, un très grand nombre a été emprisonné ou assassiné.
Les accords d'Evian, signés le 18 mars 1962, devaient mettre fin à sept années de guerre en Algérie et protéger les différentes communautés. Ils annoncent le rapatriement précipité de 800 000 pieds-noirs et l'abandon des harkis (le mot désigne les Algériens engagés dans l'armée française).
De Gaulle ne veut pas accueillir les harkis
Sur les quelque 250 000 harkis dénombrés en Algérie en 1962, 40 000 seulement rejoindront la France – 90 000 en comptant leurs familles. La moitié d'entre eux traverseront la Méditerranée par leurs propres moyens, avec l'aide d'officiers qui refuseront d’abandonner "leurs frères d’armes", désobéissant ainsi aux ordres venus de Paris.
De Gaulle, pressé d'en finir avec "la question algérienne", ne veut pas les accueillir malgré les menaces. Il ne considère pas les harkis comme des rapatriés, ni même comme des réfugiés, puisqu'ils sont censés être protégés par les accords signés. Paris est déjà surpris par le départ accéléré de centaines de milliers de pieds-noirs qui quittent en catastrophe leur Algérie natale.
La grande majorité des harkis restent donc en Algérie où ils vont subir de violentes représailles de la part du Front de libération nationale (FLN). Les accords d’Evian avaient acté le principe de non représailles contre les musulmans qui s’étaient engagés avec la France. Il n’en sera rien. Le FLN les considère comme des traîtres. Après les jugements expéditifs de "tribunaux populaires", entre 60 000 et 80 000 d'entre eux seront assassinés dans les mois suivant l’indépendance.
Ces hommes engagés au côté de l'armée française ne l'ont pas fait "par choix idéologique", indique l’historien Pierre Daum, auteur de l'ouvrage Le Dernier tabou. Certains ont refusé de rejoindre le FLN à cause de ses méthodes d’intimidation, d'autres parce qu’ils étaient partisans des réformistes du Mouvement national algérien (MNA) de Messali Hadj, d'autres encore en raison de vieux différends claniques.
"Mais pour la plupart d’entre eux, s'ils se sont engagés du côté français, c'est parce que leur famille était en train de mourir de faim dans des camps de regroupement", affirme Pierre Daum. A partir de 1955, l'état-major français avait décidé de vider les campagnes pour couper les combattants de l'Armée de libération nationale (ALN) de toute base arrière. 2,5 millions de paysans sur un total de 8 millions d'Algériens avaient alors quitté leurs villages pour rejoindre ces camps de regroupement.
Conditions indignes
Pour les 90 000 harkis qui rejoignent la France, les souffrances sont loin d’être terminées. Si une moitié se disperse dans l'Hexagone, une autre moitié se retrouve parquée dans des "camps de transit" entourés de barbelés. Ils vivront dans des conditions indignes dans ces baraquements surveillés par des gardiens durant de longues années, puisque les derniers ont été fermés en 1975.
Le président François Hollande a solennellement reconnu le 25 septembre 2016 les "responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.