RDC : les bars et les mœurs de Kinshasa au cœur d'une croisade contre "l'insalubrité"
Elu en avril 2019, le nouveau gouverneur de la capitale congolaise Gentiny Ngobila veut imprimer sa marque sans tarder. Il lance l'opération "Kin bopeto" (Kin propre).
Les nuits bruyantes et festives de Kinshasa sont-elles en sursis ? Une chose est d'ores et déjà certaine : les bars ne pourront plus ouvrir que de 18h à 23h, avec un peu plus de souplesse les week-ends et jours fériés. Cette décision fait référence à l'ancienne ordonnance-loi du 31 mai 1975 qui réglemente les heures d'ouverture et des fermetures des débits de boissons. Un texte exhumé pour l'occasion.
Autre contrainte nouvelle : la vente de boissons doit prendre fin une heure avant la fermeture, exigent les autorités locales, qui dénoncent les partisans du laissez-faire actuel dans la troisième plus grande ville d'Afrique. Dans ses quartiers chauds (Huilerie, Matonge, Bandal), bien des terrasses servent des bières et des brochettes tant qu'il y a du monde, sur fond de sono saturée de notes de rumba.
La nostalgie de "Kin la belle"
De manière plus large, l'opération "Kin bopeto" vise un "changement de mentalité et de comportements" pour "refuser l'insalubrité", a expliqué le ministre provincial de l'Environnement Didier Tenge Litho sur plusieurs radios, après l'annonce de la campagne qui doit commencer le 3 août 2019. Une petite musique qui traduit la nostalgie de "Kin la belle", l'ancien surnom de Kinshasa, alors capitale du Zaïre, devenue au fil du temps "Kin la poubelle", en raison des sacs en plastique qui jonchent ses "avenues" en terre battue et étouffent ses cours d'eau.
De son côté, le nouveau gouverneur Gentiny Ngobila met le paquet. Il annonce des moyens afin d'obtenir des résultats dans six mois : de l'argent pour chacune des 24 communes, et dans chaque commune des "brigades d'assainissement" d'au moins 40 agents...
Une campagne tous azimuts
Les mœurs sont aussi dans le viseur des autorités. Celles-ci veulent voir disparaître les fauteurs de troubles, responsables désignés de l'insécurité dans la capitale, comme les "shégué" et les "kuluna" (enfants des rues et petits délinquants), ou encore les "ujana" (des gamines soupçonnées – souvent à tort – de se prostituer parce qu'elles ne portent pas de soutien-gorge). Les responsables se sont aussi donné pour mission de combattre le commerce informel "le long des grandes artères, à moins d'un mètre de la route", pour que personne ne tombe malade "dans les endroits insalubres".
Personne ne sait au juste combien de millions d'habitants vivent dans la capitale de la République démocratique du Congo, faute de recensement depuis 1984. L'estimation de 10 à 12 millions revient fréquemment.
Seule certitude : l'immense majorité survit dans le secteur informel, dont les petits commerces de rue. Et les débits de boissons. L'opération "kin bopeto" pourrait, comme une conséquence non désirée, déséquilibrer l'économie locale.
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