Tunisie : mobilisation contre un projet de loi accordant l'impunité aux policiers et aux militaires
Pour plusieurs associations et ONG, ce projet de loi "menace les droits et libertés des citoyens, malgré les amendements dont le texte a fait l'objet" sous la pression de la société civile.
Des ONG tunisiennes et Amnesty International se mobilisent contre un projet de loi controversé visant à "protéger" les forces de sécurité en Tunisie. Ce texte menace, selon ces organisations, les libertés fondamentales. Des représentants de la société civile et des dizaines d’avocats se sont rassemblés le 6 octobre 2020 devant le Parlement tunisien pour exprimer leur opposition au texte de loi qui accorde l'immunité aux forces sécuritaires. Composé de 15 articles, la loi présentée devant le parlement entend garantir "la protection des agents des forces armées" – policiers, militaires et douaniers – contre "les agressions menaçant leur sécurité et leur vie, afin de garantir la stabilité de la société tout entière".
Cette loi va renforcer l'impunité des forces de sécurité et les protégerait de toute responsabilité pénale pour l'utilisation de la force meurtrière pour protéger les bâtiments de sécurité
Amnesty Internationalà l'AFP
Lutte contre le jihadisme
Proposé en 2015 et transmis au Parlement peu après l'attaque jihadiste contre le musée du Bardo à Tunis, qui avait fait 22 morts dont un policier tunisien, le projet prévoit des sanctions contre les agressions à l'encontre des agents des forces armées et retire toute responsabilité à un agent dans l'exercice de ses fonctions, surtout quand "il se trouve en situation de danger".
Après les attentats qui ont frappé le pays en 2015, "des interrogatoires très musclés, voire des formes de torture (comme rester debout plusieurs jours sans dormir, et être frappés) sont devenus monnaie courante pour interroger les suspects", selon l'avocat Imen Triki. Des cas de torture pour faire avouer des suspects après l'attentat du musée du Bardo de l'aveu même du procureur de la République de Tunis Bechir Akrimi, qui témoigne dans le documentaire Daech le dilemme de la justice. "Avec parfois des bavures, masquant les incompétences et de la police et de la justice" affirme l'avocat Anouar Ouled Ali.
Une trahison de la révolution
Dans un communiqué commun, 23 ONG tunisiennes et internationales, comme la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, Avocats sans frontières et l'Organisation mondiale contre la torture, ont condamné "la tentative d'adopter ce projet de loi quelques mois avant le dixième anniversaire de la révolution" et appelé les parlementaires tunisiens "à rejeter ce projet de loi".
"Elles considèrent que le projet représente une grave menace pour la paix sociale et l'équilibre du système juridique", poursuit le texte. "Ce projet de loi vise à se venger des Tunisiens et des Tunisiennes et de leur révolution", a déploré lors d'une vidéoconférence Yosra Frawes, présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates et militante des droits de l'Homme.
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