Vacances à Hawaï, soutien à l'industrie du charbon… Pourquoi le Premier ministre australien est fustigé sur sa gestion des incendies
Scott Morrison a annoncé samedi le recours à 3 000 réservistes militaires pour lutter contre les flammes. Une décision jugée tardive par l'opposition.
La scène a fait le tour des médias australiens. Venu apporter, jeudi 2 janvier, son soutien aux habitants de Cobargo (Nouvelle-Galles du Sud) meurtris par les incendies qui ravagent l'Australie, Scott Morrison a reçu un accueil glacial. Un pompier a refusé de saluer le Premier ministre libéral, tandis qu'une résidente n'a accepté de lui serrer la main que si son gouvernement "donnait plus de moyens à [leur] agence de lutte contre les incendies". Et d'insister, sous le regard gêné du chef de gouvernement : "Tellement de personnes ont perdu leur maison… Nous avons besoin de davantage d'aide !"
La scène résume bien le ressentiment grandissant envers Scott Morrison, au moment où les incendies ont déjà ravagé huit millions d'hectares en Australie et tué au moins 24 personnes. Franceinfo revient sur trois raisons de la colère envers celui que la population et la presse surnomment "ScoMo".
Parce qu'il est parti en vacances à Hawaï quand les feux faisaient rage
"Where the bloody hell are you ?" ("Où diable êtes-vous donc ?"). Ce slogan, tiré d'une campagne de publicité du milieu des années 2000 destinée à faire la promotion du tourisme en Australie, a été recyclé au milieu du mois de décembre pour interpeller Scott Morrison, qui passait ses vacances en famille à Hawaï. La destination paradisiaque du dirigeant a été autant critiquée que son absence, au moment où les flammes ravageaient l'est du pays.
Scott Morrison : WHERE THE BLOODY HELL ARE YOU??? #AustraliaBurns #AustraliaFires
— Lara Worthington (@MsLWorthington) December 18, 2019
Let’s face it. This is what @ScottMorrisonMP really thinks!! #Nero #NotMyPM #bullshitboy #wherethebloodyhellareya pic.twitter.com/xTsgnWYDtM
— bmac (@bmac23768441) December 20, 2019
Revenu en catastrophe après la mort, jeudi 19 décembre, de deux pompiers volontaires qui luttaient contre les flammes, Scott Morrison s'est confondu en excuses auprès de sa population.
Je comprends que les gens aient été choqués que je sois en vacances avec ma famille pendant que la leur était en grande souffrance.
Scott Morrison
"Si je pouvais remonter le temps, en sachant ce que je sais aujourd'hui, nous aurions pris une autre décision", a déclaré le dirigeant à son retour. "Je suis sûr que les Australiens sont justes et comprennent que lorsqu'on fait une promesse à ses enfants, on tâche de la tenir", a-t-il expliqué. Mais "en tant que Premier ministre, on a d'autres responsabilités".
Parce qu'il est un infaillible soutien de l'industrie du charbon
Les feux de brousse sont endémiques en Australie. Mais de nombreux scientifiques affirment que les températures records et les vents violents, qui ont aggravé la situation, ont été influencés par le changement climatique. Or, Scott Morrison est un fervent défenseur de la lucrative industrie du charbon : l'Australie produit en effet un tiers des exportations mondiales de ce minerai, et le secteur fournit des emplois dans des circonscriptions électorales clés.
Malgré les circonstances, Scott Morrison a donc répété qu'il n'était pas question pour lui d'entamer une transition énergétique au détriment du charbon. "Nous n'allons pas nous engager dans des objectifs irresponsables, destructeurs d'emplois et nuisibles à l'économie", a lancé fin décembre le dirigeant sur la chaîne de télévision Channel 9 (en anglais).
Je ne vais pas rayer de la carte l'emploi de milliers d'Australiens en m'éloignant des industries traditionnelles.
Scott Morrisonsur la chaîne Seven Network
Le secteur du charbon est pourtant très polluant. Alors que les émissions nationales de CO2 de l'Australie sont faibles par rapport aux principaux pays pollueurs, ses exportations de combustibles fossiles représentent environ 7% des émissions mondiales de carbone.
Plus généralement, l'équipe de Scott Morrison a été pointée du doigt pour avoir tenu des propos franchement défavorables à la protection de l'environnement. Le 11 novembre dernier, alors que les flammes dévastaient déjà la côte est du pays, le vice-Premier ministre Michael McCormack assurait à la radio que les responsables politiques qui faisaient le lien entre les incendies et le réchauffement climatique n'étaient que des "écolos fanatisés de la capitale" et des "tarés de centre-ville".
Parce que son gouvernement a tardé à réagir
Le New York Times (en anglais) rappelle en outre que "ScoMo" a balayé "pendant des mois (…) les appels à une intervention plus forte de son gouvernement, comme un vaste déploiement militaire ou une déclaration symbolique d'urgence nationale". Le Premier ministre arguait notamment que la lutte contre les incendies relevait de la responsabilité des Etats fédérés. Il a finalement changé de cap samedi, en annonçant le recours à 3 000 réservistes militaires pour lutter contre les flammes et le déblocage de deux milliards de dollars australiens (1,2 milliard d'euros) dans un fonds national de sauvegarde de l'environnement.
"Le chemin sera long, mais nous serons au côté des populations au cours de chacune des étapes de la reconstruction", a promis le chef du gouvernement. Il n'est pas certain que cet appel à la patience soit partagé : l'opposition à Scott Morrison a déjà prévu des manifestations contre sa gestion de la crise climatique vendredi dans les principales villes du pays.
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