Reportage "On doit continuer à se battre" : trois ans après le coup d'État, la Birmanie s'enfonce dans la guerre civile

Il y a trois ans, la junte militaire prenait le pouvoir en Birmanie. Depuis, les forces rebelles regagnent du terrain mais l'avenir du pays reste incertain.
Article rédigé par franceinfo - Carol Isoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une manifestation contre la junte au pouvoir en Birmanie, à Yangon (ex-Rangoun), le 18 mai 2022. (STR / NURPHOTO / AFP)

Cela fait trois ans, jeudi 1er février, que la junte militaire a pris le pouvoir en Birmanie. Le pays s’enfonce dans la guerre civile alors que les forces rebelles avancent, partout dans le pays. Le chef de la junte, le général Min Aung Hlaing est affaibli mais la question de l’avenir politique de ce pays multiethnique est loin d’être réglée.

Des débris métalliques et des gravats entre les colonnes, c’est tout ce qui reste du poste de police de Mese, une ville birmane à une cinquantaine de kilomètres de la frontière thaïlandaise. Les jeunes combattants locaux des forces de défense Karennis l’ont pris d’assaut et tué une vingtaine de représentants des forces de l’ordre birmanes.

Fusil d’assaut à l’épaule, au milieu des débris Aung Naing, 22 ans, se souvient des opérations : "Les soldats et les policiers étaient barricadés, là, à l’étage. Ils nous tiraient dessus. Ils refusaient de se rendre. Les échanges de tirs ont duré pendant trois heures. Alors on a lancé deux bombes, qu’on avait fabriquées nous-mêmes avec du carburant et puis on est entré. Les combats, dans le reste de la ville, ont duré un mois environ, puis la ville est tombée, les soldats birmans sont partis. Mais on sait qu’on doit continuer à se battre."

"L'éducation de nos enfants est à l'arrêt"

Trois ans après le coup d’État, les forces rebelles, mieux organisées, gagnent du terrain partout en Birmanie, surtout dans les zones frontalières avec la Chine, la Thaïlande ou l’Inde. Les armées ethniques y contrôlent désormais la majeure partie du territoire. Les combats incessants et les frappes aériennes ont fait fuir des millions de villageois, aujourd’hui réfugiés dans des camps.

Outre le manque d’eau potable et de nourriture, John Soe, père de trois enfants, s’inquiète de l’arrêt des systèmes scolaires dans le pays : "L’éducation de nos enfants est à l’arrêt, c’est une catastrophe. Il y avait eu le Covid, puis la guerre a éclaté. On se retrouve avec des enfants de 10 ans qui ne savent pas lire. Les adolescents, leur seul point de repère, ce sont les vidéos en ligne, où des enfants de leur âge paradent avec des armes. Ça et les bombardements. C’est ce qui m’inquiète le plus, l’absence d’éducation."

Barricadée dans les villes principales, la junte n’a jamais été aussi affaiblie, mais la question de l’avenir politique du pays et d’un modèle de gouvernance qui pourrait convenir à plus de 140 groupes ethniques différents, reste entière.

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