Crash d'un avion en Corée du Sud : le flou persiste sur les causes de l'accident, qui a fait 179 morts

Les experts tentent de comprendre pourquoi le Boeing 737-800 de la compagnie Jeju Air s'est écrasé contre un mur après un atterrissage d'urgence, avec 181 personnes à bord. Seuls deux membres d'équipage ont survécu.
Article rédigé par franceinfo
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Des équipes de secours sur les lieux du crash d'un Boeing 737-800 avec 181 personnes à bord, le 29 décembre 2024 à l'aéroport international de Muan (Corée du Sud). (CHRIS JUNG / NURPHOTO / AFP)

Des cris, des pleurs et le désespoir. La Corée du Sud observe un deuil national de sept jours après le crash d'un avion de la compagnie Jeju Air, dimanche 29 décembre. Ce Boeing 737-800, en provenance de Bangkok (Thaïlande), transportait 175 voyageurs et six membres d'équipage. Toutes les personnes qui se trouvaient à bord ont été tuées, selon le bilan définitif des secours, à l'exception d'une hôtesse et d'un steward.

Les enquêteurs tentent toujours d'identifier des victimes et d'établir les causes de la catastrophe à l'ampleur inouïe, dont les images ont fait le tour du monde. Selon les autorités, la cause présumée du drame est une collision avec des oiseaux. Pour autant, les zones d'ombre sont loin d'être levées.

Un "impact d'oiseaux" en question

Le drame s'est déroulé à l'approche du tarmac de l'aéroport international de Muan. A 8h57, la tour de contrôle a prévenu l'équipage que l'appareil avait été heurté par des oiseaux. Deux minutes plus tard, le pilote a lui-même évoqué un "impact d'oiseaux" en émettant son message de détresse, selon le ministère des Transports cité par le média local MBC.

A 9h03, il a ensuite posé l'appareil sur le ventre sur la piste 19, dans la direction opposée à la piste d'atterrissage initialement prévue. De la fumée s'échappait alors des moteurs, selon les images diffusées par MBC. Ni les trains d'atterrissage, ni les volets de freinage présents sur les ailes n'étaient alors déployés. L'engin a terminé sa course dans un mur situé en bout de piste, avant d'être englouti par les flammes.

"La cause de l'accident présumée est une collision avec des oiseaux combinée à des conditions météorologiques défavorables", a déclaré dimanche Lee Jeong-hyun, chef de la caserne de pompiers de Muan. "L'ingestion d'oiseaux dans les réacteurs peut les faire arrêter ou exploser, comme c'est arrivé à plusieurs reprises", a commenté Gérard Feldzer, consultant aéronautique, auprès de France Télévisions.

Depuis 1988, les collisions aviaires ont causé 262 décès humains et détruit 250 avions dans le monde, selon l'Australian Aviation Wildlife Hazard Group, un groupe de travail spécialisé. Mais aucun décès n'était à déplorer depuis 2007 et la mort de sept personnes dans le crash d'un Antonov-12 à Moscou.

Ces collisions, quotidiennes, se produisent la plupart du temps (90%) au décollage et à l'atterrissage. "Il est plausible que des canards, qui sont répandus dans la région, aient joué un rôle majeur dans l'accident", estime auprès de l'AFP Choi Chang-yong, professeur de sciences forestières à l'université nationale de Séoul. Mais ces collisions n'entraînent normalement pas l'arrêt immédiat des moteurs des gros appareils, comme le Boeing 737-800, ce qui devrait laisser le temps aux pilotes de réagir.

Des trains d'atterrissage bloqués

Reste notamment à savoir pourquoi les trains d'atterrissage sont restés bloqués. Leur système hydraulique de déploiement est indépendant des moteurs, mais celui-ci a tout de même "besoin d'électricité" pour fonctionner, explique à l'AFP Kim Kwang-il, professeur de sciences aéronautiques à l'université coréenne de Silla. Une collision avec un oiseau pourrait avoir provoqué une défaillance électrique, mais même en cas de panne, il est toujours possible de les activer manuellement, souligne Xavier Tytelman, consultant aéronautique. Cela suggère que les pilotes, selon lui, ont eu l'"obligation" de faire "un atterrissage relativement précipité".

Lundi matin, déjà, un autre Boeing 737-800 de Jeju Air avait rencontré un problème lié au train d'atterrissage. "Le commandant de bord a communiqué avec le contrôle au sol et, après avoir pris des mesures supplémentaires, le train d'atterrissage s'est remis à fonctionner normalement. Cependant, il a été décidé de retourner à l'aéroport" de Gimpo peu après le décollage, a relaté à la presse Song Kyung-hoon, un responsable de la compagnie. A ce stade, rien ne permet d'établir un lien entre les deux cas, mais la Corée du Sud a tout de même lancé une "inspection complète" des 101 Boeing 737-800 utilisés par les compagnies aériennes du pays.

Selon le site spécialisé Flightradar, l'appareil, un Boeing 737-8AS de la compagnie sud-coréenne low cost Jeju Air, était entré en service en 2009. Son âge se situait donc dans la moyenne des flottes des grandes compagnies.

En outre, on ignore encore pourquoi les pompiers étaient absents autour de l'avion après le crash, alors que les pilotes avaient émis un message de détresse quatre minutes plus tôt. Est-ce la conséquence d'un changement de plan en catastrophe, quand les pilotes ont choisi une piste à l'opposé de celle initialement prévue ? "Le changement de direction s'est fait assez tardivement, ce qui a alourdi la charge de travail", a déclaré à Reuters Marco Chan, maître de conférences en opérations aériennes à la Buckinghamshire New University.

Un mur en béton armé critiqué

Les critiques se concentrent également sur la présence d'un mur en béton armé qui a largement contribué au drame. "Malgré l'urgence, l'atterrissage a été remarquablement bien exécuté", souligne pour l'AFP Kim Kwang-il, professeur de sciences aéronautiques à l'université de Silla et ancien pilote. Mais "normalement, il n'y a pas de tel obstacle solide en bout de piste : c'est contre les standards de sécurité de l'aviation internationale", affirme-t-il, jugeant que "la plupart des passagers sont morts à cause de cet obstacle". David Learmount, expert de la Royal Air Force, n'a pas mâché ses mots, dans un entretien à Sky News, jugeant la construction d'une telle structure comparable "à un acte criminel".

Le mur en béton armé endommagé après le crash aérien survenu à l'aéroport de Muan, le 29 décembre 2024. (CHRIS JUNG / NURPHOTO / AFP)

Cette construction servait de support pour un localizer, un dispositif chargé de fournir une assistance dans le guidage des atterrissages. Par ailleurs, "les deux extrémités de la piste ont des zones de sécurité avec des zones tampon vertes avant d'atteindre le mur extérieur", a fait valoir Joo Jong-wan, Joo Jong-wan, vice-ministre en charge de l'aviation au sein du ministère des Transports. "L'aéroport est conçu conformément aux lignes directrices standard en matière de sécurité aérienne, même si le mur peut sembler plus proche qu'il ne l'est en réalité."

Il faudra peut-être des semaines, voire des mois, pour établir avec clarté les causes de cet accident. L'enregistreur de données de vol a été retrouvé à 11h30 et l'enregistreur de voix du cockpit a été retrouvé à 14h24, selon le ministère des Transports sud-coréen, cité par Reuters. Ces boîtes noires devraient fournir des données précieuses pour reconstituer les dernières minutes du vol Jeju Air 2216. L'Agence nationale de sécurité des transports des Etats-Unis, de son côté, a composé "une équipe d'enquêteurs américains", incluant Boeing, pour "aider" les autorités sud-coréennes.

Une partie de l'épave sera laissée sur place pour les besoins de l'enquête, précise la chaîne MBC. Plus loin, soldats et secouristes ont étendu leurs zones de recherche jusqu'aux champs alentour, afin de retrouver des restes humains. "Il y a de nombreux cas où les bras et les jambes ont été sectionnés", a déclaré un responsable auprès des familles, réunies dans les salons de l'aéroport. "Nous estimons que nous pourrons reconstituer 80 à 90% des corps en dix jours."

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