Barrage de Sivens : retour sur une bataille judiciaire en sept actes
La justice a annulé la déclaration d'utilité publique, un an et demi après l'abandon du projet.
A Sivens (Tarn), le projet de barrage a été enterré il y a plus d'un an. Mais la justice vient de donner raison a posteriori à ses opposants, vendredi 1er juillet.
Le tribunal administratif de Toulouse a annulé la déclaration d'utilité publique du barrage de Sivens (Tarn). En fait, il a annulé trois arrêtés préfectoraux : la déclaration d'utilité publique (DUP), l'autorisation de défrichement et la dérogation à la loi sur les espèces protégées (la zone humide de Sivens en comportait une centaine). Retour sur une longue bataille.
Acte 1 : un arrêté de déclaration d'utilité publique
Le 2 octobre 2013, la préfecture du Tarn prend un arrêté de déclaration publique pour un projet de construction d'un barrage. Une retenue d'eau de 1,5 million de mètres cubes sur 34 hectares dans la forêt départementale de Sivens. C'est un vieux projet, envisagé depuis 1989. Le barrage doit profiter aux agriculteurs, qui font du maïs en majorité.
Acte 2 : des associations se mobilisent
Le problème, c'est que la retenue d'eau doit passer sur une zone humide, un réservoir de biodiversité, dont 13 hectares sont menacés par le déboisement et la construction du lac. Il y a là 90 espèces protégées (insectes, couleuvres, amphibiens, chauve-souris...). Des associations se mobilisent, d'autant que, dès 2013, le Conseil national de protection de la nature, commission administrative consultative, a émis deux avis défavorables. De plus, pour les opposants, ce projet n'est pas du tout d'utilité publique. Il est destiné à 80 agriculteurs qui consomment beaucoup d'eau.
Acte 3 : des opposants au projet s'installent sur le site
Quand la date du début des travaux approche, des opposants s'installent sur le site. Objectif : en faire une ZAD, une "zone à défendre", comme à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Ils dressent des barricades, s'installent dans les arbres.
Acte 4 : les travaux commencent
Le 1er septembre 2014, les travaux commencent au milieu des jets de cocktails Molotov, pétards et gaz lacrymogènes. Les 200 militants présents ne parviennent pas à empêcher les bûcherons de tronçonner les premières branches.
Acte 5 : un militant tué
Les jours passent et la pression monte. La justice ordonne d'expulser les opposants. Les militants affluent. Les manifestations sont violentes. Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, 21 ans, est tué par une grenade de désencerclement lancée par les forces de l'ordre.
Acte 6 : le projet enterré
La mort de Rémi Fraisse conduit le gouvernement à faire baisser la pression. Fin 2014, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, décrète la fin du projet. En mars 2015, le conseil général adopte un projet de "Sivens light", car pratiquement réduit de moitié. Les opposants sont expulsés.
Acte 7 : un projet qui n'était pas d'utilité publique
Finalement, la justice donne raison aux opposants au projet. L'État est condamné à verser à plusieurs organisations d'opposants requérantes la somme globale de 3 750 euros. "C'est la confirmation par la justice que ce projet était bien illégal et que, donc, les opposants, y compris les zadistes, avaient raison", réagit Ben Lefetey, porte-parole du Collectif Testet, qui réunit de nombreux opposants. La députée écologiste Cécile Duflot salue elle aussi cette décision.
La déclaration d'utilité publique est annulée par la justice. Les opposants avaient raison sur le fond. #Sivens était un projet illégal
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 1 juillet 2016
L'annulation des arrêtés par le tribunal devrait maintenant compliquer la mise en place du nouveau projet de barrage allégé. Les autorités locales avaient émis le souhait de se fonder sur la déclaration d'utilité publique de l'ancien barrage pour ériger le nouveau. Son annulation obligera à "repartir de zéro", a souligné Ben Lefetey. Car le nouveau projet est lui aussi combattu par les opposants au barrage initial, qui estiment que des moyens alternatifs existent pour alimenter en eaux les terres agricoles alentour.
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