COP27 : trois questions sur le fonds sur les "pertes et dommages", une "avancée historique" dont les contours restent flous
L'accord signé lors de la COP27 à Charm-el-Cheikh prévoit la création d'un "comité de transition". D'ici fin 2023, celui-ci doit déterminer les contours de ce fonds de réparation des conséquences déjà subies du réchauffement climatique.
C'est la grande avancée de cette COP27. La création d'un fonds dédié à la réparation des dégâts causés par le réchauffement climatique a été adoptée lors de cette nouvelle session de négociations climatiques, dimanche 20 novembre, à Charm-el-Cheikh, en Egypte. Le texte final de ce sommet, qui intègre donc le concept des "pertes et dommages", très cher aux pays du Sud, constitue ainsi un accord "historique", comme l'ont salué de nombreux chefs d'Etat. Le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, a notamment approuvé cette "première étape décisive vers l'objectif de justice climatique".
Les pays les plus touchés par le réchauffement de la planète sont souvent les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre. Mais au-delà du symbole, "tout reste à faire", estime l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, car l'accord ne précise pas les contours de ce fonds. Qui seront les contributeurs ? Pour quels montants ? Et avec quels types de financements ? Franceinfo vous détaille les points qu'il reste à déterminer avant que ce fonds ne voie le jour.
Pourquoi l'accord sur les "pertes et dommages" est-il "historique" ?
C'est la première fois que tous les pays entérinent le principe d'un fonds pour compenser les "pertes et dommages", les dégâts déjà causés par le réchauffement climatique dans les pays les plus vulnérables. "Ces pays sont en même temps touchés par les conséquences socio-économiques terribles des multiples crises, comme la pandémie, la guerre en Ukraine", a détaillé sur franceinfo Sébastien Treyer, directeur général de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). "C'est effectivement historique à ce titre-là, à la fois en termes de justice et de l'investissement pour l'avenir, absolument indispensable pour ces pays."
Historiquement, le geste est aussi important car "les pays les plus développés ont toujours bloqué tout progrès sur le sujet", explique à franceinfo Inès Bakhtaoui, chercheuse associée au Stockholm Environment Institute (SEI). "Ce ne sera clairement pas assez, mais c'est un signal politique plus que nécessaire pour reconstruire la confiance qui avait été perdue" entre le Nord et le Sud, a déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU, à la fin de cette COP27.
Pour les pays vulnérables, dont la survie même est parfois menacée par le réchauffement climatique, c'est une "mission de 30 ans" désormais "accomplie", a assuré le représentant de l'Alliance des petits Etats insulaires (Aosis), le ministre de l'Environnement d'Antigua-et-Barbuda, Molwyn Joseph.
"Bien que les détails du fonds restent à définir et qu'il ne serait opérationnel qu'à partir de 2023, cette décision démontre que l'appel des communautés vulnérables a enfin été entendu et que les pollueurs vont devoir répondre de leurs actes et payer", s'est félicité sur franceinfo Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de l'association Care France. L'accord est "certes bienvenu, mais encore tellement flou qu'il ne peut guère être un sujet de réjouissance", a toutefois relativisé Marie Toussaint, eurodéputée écologiste.
Qui financera ces compensations climatiques ?
L'accord ne le précise pas. "Pour l'instant, ce fonds est une coquille vide, souligne Inès Bakhtaoui. Tout reste à déterminer : quels seront les pays contributeurs, les pays éligibles pour recevoir un support financier, les montants, si l'agent sera déversé sous forme de subvention-bourse ou bien sous forme de prêt..." Afin d'en dessiner les contours, les Etats ont décidé de créer un "comité de transition" qui devra livrer ses propositions lors la COP28, qui aura lieu en novembre-décembre 2023 aux Emirats arabes unis.
D'ores et déjà, la question des contributeurs promet d'être sensible. Au cœur des négociations se trouve le classement des pays par l'ONU dans les catégories "développés" ou "en développement", qui date de 1992. Faut-il suivre aujourd'hui cette classification pour attribuer les financements ? L'Arabie saoudite, le Qatar, la Russie, le Brésil, l'Indonésie mais aussi l'Inde et la Chine figurent parmi les pays "en développement", selon les règles de l'époque, rappelle The Guardian (en anglais).
Pour le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, il faudrait plutôt prendre en compte la situation économique des pays en 2022. "Si vous gelez les choses à 1992, alors des pays qui ont aujourd'hui des moyens financiers énormes, qui ont eu une très forte croissance, seraient exonérés de contribuer au soutien aux plus vulnérables. Je trouve ça inacceptable", dénonce le dirigeant européen.
Quel montant sera alloué (et à qui) ?
"La question des montants qu'on va y mettre peut être une source de divisions", a estimé dimanche sur franceinfo Sébastien Treyer, directeur général de l'Iddri. L'accord signé à la COP27 (en anglais) reconnaît que les financements existants ne permettent pas de "répondre aux impacts actuels et futurs du changement climatique". L'objectif est donc d'aider les Etats concernés à faire face "aux pertes économiques et non économiques, aux dommages causés par les effets du réchauffement climatique, y compris les événements météorologiques extrêmes".
Quels pays y auront alors accès ? Inès Bakhtaoui, autrice d'un rapport sur le sujet (en anglais), plaide pour des financements accessibles à toutes les personnes dans le besoin, pas simplement dans les pays les plus vulnérables comme les Etats insulaires, mais aussi dans les pays en développement. Un niveau de revenus sera-t-il nécessaire pour définir la liste des pays bénéficiaires ? Rien n'est pour l'heure défini.
Pour la chercheuse, ce fonds doit aussi exclure "toute forme de prêts ou toute modalité d'accès qui aggrave la dette ou la vulnérabilité des pays récepteurs (...), et surtout [il faut] que les pays et les industries pollueurs soient ceux qui contribuent financièrement en conséquence".
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