COP24 : "On accouche d'un manuel d'application basé sur le plus petit dénominateur commun"
Le porte-parole climat de Greenpeace regrette la présence des lobbies et du secteur privé au sein de la COP24, "qui viennent entraver les discussions".
Après deux semaines de discussions, les 196 États de la planète sont parvenus à un accord, samedi 15 décembre au soir, au terme de la 24e conférence sur le climat, qui se déroulait à Katowice, en Pologne.
Le but était de déterminer un mode d'emploi pour appliquer les mesures décidées à Paris il y a trois ans, qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 2%. "On accouche d'un manuel d'application basé sur le plus petit dénominateur commun", regrette Clément Sénéchal, chargé de campagne et porte-parole climat pour Greenpeace France, invité dimanche 16 décembre sur franceinfo.
franceinfo : Êtes-vous déçus face au manque de réactivité des dirigeants de la planète ou finalement n'en attendiez-vous pas plus ?
Clément Sénéchal : On est très déçus. On accouche d'un manuel d'application basé sur le plus petit dénominateur commun. Or, le changement climatique a lieu aujourd'hui, pas demain. Ce sont déjà des centaines de milliers de vies qui sont menacées et atteintes par le changement climatique, il y a des États insulaires qui sont en train de disparaître. On a l'impression que les États les plus riches essaient de gagner du temps en permanence. On a une COP24 incapable de demander aux États de réviser à la hausse leur feuille de route et leurs efforts climatiques.
À quoi sert cette COP24, quand on sait par exemple que l'un de ses principaux sponsors est le premier producteur de charbon de l'Union européenne ?
Il y a un vrai problème, qui est la présence des lobbies et du secteur privé, qui viennent entraver les discussions. Le Medef avait d'ailleurs laissé fuiter une feuille de route sur comment saborder ces négociations climatiques. Pour autant, ça reste un espace multilatéral et ça nous permet d'entendre la voix des petits pays, qui sont les plus menacés par les conséquences du changement climatique. C'est un endroit où les pays riches sont obligés d'écouter ce qu'ont à leur dire les petits États.
Les climatologues l'ont dit et redit, si on n'agit pas maintenant, d'ici 30 ans des territoires entiers ne seront plus habitables, notamment en Asie du Sud. Que peuvent-ils dire de plus pour être entendus ?
Il doit y avoir un certain désarroi au sein de la communauté scientifique. L'un des grands regrets de cette COP24 est que les États n'ont pas été capables d'accueillir favorablement le dernier rapport spécial du GIEC, le rapport 1.5, qu'ils avaient eux-mêmes commandé lors de la COP de Paris en 2015. Il prône la diminution de moitié des gaz à effet de serre d'ici 10 ans. Aujourd'hui, on n'a pas un accord, on n'a pas un résultat des discussions. Il faut continuer à faire monter la pression dans la société civile. Les derniers sondages d'opinion montrent que l'enjeu climatique fait partie des priorités des Français.
La majorité des populations veut voir des actions politiques. Ce qui s'est passé dans la séquence climat, ce n'est pas ce qui s'est passé dans l'enceinte des négociations elles-mêmes mais ce qui s'est passé en dehors, avec des marches climat qui ont été nombreuses et massives. Les citoyens sont convaincus car ils perçoivent les signaux des médias, des ONG, des scientifiques. Il faut obtenir une action politique. La plus mauvaise idée, ce serait de renoncer face à l'incapacité de nos dirigeants à construire un projet de société qui place la lutte contre le changement climatique en son cœur.
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