"Recours" contre l'Etat sur le dérèglement climatique : "Attendre du juge une solution, je suis extrêmement dubitatif !"
L'avocat Arnaud Gossement a rappelé mardi sur franceinfo après le recours formé par des ONG contre l'Etat pour inaction face au réchauffement climatique, qu'à ce jour aucun Etat n'avait jamais été condamné dans ce cadre à des peines contraignantes.
Alors que quatre ONG ont annoncé leur intention de déposer un recours contre l'Etat français pour inaction face au dérèglement climatique, l'avocat Arnaud Gossement a rappelé mardi 18 décembre sur franceinfo qu'en l'état aucun recours n'avait effectivement été déposé et qu'aucun Etat n'avait jamais, jusqu'à aujourd'hui, été condamné dans ce cadre à des peines contraignantes, malgré le fait que plus d'un millier de recours ont été déposés dans le monde. "Attendre du juge une solution, je suis extrêmement dubitatif en tant qu'avocat", a estimé Arnaud Gossement, également professeur à l'Université Paris 1.
franceinfo : Un recours en justice contre un Etat sur la question du dérèglement climatique peut-il pousser les responsables politiques à agir ?
Arnaud Gossement : Dans le monde, il y aurait déjà eu - selon les chiffres qui circulent - près de 1 000 recours pour demander essentiellement aux Etats d'agir contre le changement climatique. À ce jour, il n'y a eu aucune décision de justice sauf aux Pays-Bas, et encore, parce que l'Etat n'a pas écopé d'une sanction financière, c'est une décision de justice symbolique. Il faut rester prudent. Ma crainte, c'est qu'on ne désigne qu'un responsable: l'Etat, alors qu'il y aussi une responsabilités d'autres acteurs, à commencer par les entreprises. Ma crainte aussi, c'est si jamais ce type de démarche échoue. Vous imaginez bien l'exploitation qui pourrait être faite d'une décision de justice qui rejetterait un tel recours, vous imaginez ce que des climato-sceptiques pourraient dire. Il faut être très prudent, très rigoureux, et faire attention aux termes juridiques que nous utilisons.
Comment la justice peut déterminer s'il y a bien action défaillante de l'Etat en la matière ?
Dans la lettre des ONG, il est d'ailleurs écrit qu'il n'est pas contesté que l'Etat agit. Mais il est souligné des retards, et le fait que l'action n'est pas suffisante. Tout cela est vrai, mais une fois qu'on l'a dit, que peut faire le juge ? Aujourd'hui le problème du juge est de savoir s'il y a un préjudice subi par quelqu'un, est-ce qu'il y a une demande financière en face, quel est le lien de causalité, quelle est la faute ? En l’occurrence, si la faute de l'Etat c'est de ne pas agir, l'arme, c'est l'élection, ce sont les citoyens, ce sont les ONG par leurs actions médiatiques ou militantes. C'est comme ça que l'on fait bouger les choses. Mais très sincèrement, attendre du juge une solution, je suis extrêmement dubitatif en tant qu'avocat.
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