Crise climatique : le blanchissement des coraux, symptôme inquiétant des températures record des océans
Les récifs coralliens du monde se meurent. Dans une publication datée du lundi 15 avril, l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) alerte sur un épisode massif de blanchissement des coraux dans le monde en raison des températures record des océans. Ce phénomène de dépérissement des coraux menace la survie même des récifs.
"À mesure que les océans du monde continuent de se réchauffer, le blanchissement des coraux devient de plus en plus fréquent et grave. Lorsque ces événements sont suffisamment graves ou prolongés, ils peuvent provoquer la mortalité des coraux", s'est alarmé le chercheur Derek Manzello, qui coordonne de l'observatoire des récifs coralliens de la NOAA. Ce blanchissement global des coraux à l'échelle planétaire est le quatrième enregistré par l'agence depuis 1985, le troisième en quinze ans après 2010 et 2016.
Condamnés à disparaître avec le réchauffement climatique
Alors que la température à la surface des océans a atteint un niveau record en février (21,06°C), sous l'effet du réchauffement climatique provoqué par les activités humaines, le phénomène de blanchissement est dû à la hausse des températures de l'eau dans les mers et les océans. En raison du stress thermique provoqué par la chaleur, les colonies de corail, qui sont constituées de minuscules créatures appelées polypes, éjectent les algues symbiotiques qu'elles abritent et qui leur procurent des nutriments. "Sans ces algues, qui ont diverses couleurs, ces coraux deviennent transparents et on aperçoit leur squelette de calcaire, ce qui leur donne cette teinte blanche", explique Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes).
"Les récifs coralliens sont des sentinelles, ce sont les premiers affectés de manière aussi négative et globale sur le plan climatique."
Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Merà franceinfo
Le phénomène n'est pas irréversible : les coraux touchés peuvent survivre si les températures baissent et si d'autres facteurs de stress (surpêche, pollution, activités humaines) se réduisent. Mais la tendance n'est pas bonne.
Dans un rapport publié en 2018, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) prédisait la disparition de 70 à 90% des coraux si la hausse de la température moyenne atteignait 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, et 99% à + 2°C. Une étude encore plus pessimiste, publiée en 2022 dans la revue PLOS Climate, expliquait que plus de 99% des coraux seraient incapables de se remettre des vagues de chaleur marines avec une hausse de la température moyenne de 1,5°C. Une barre pour la première fois atteinte sur douze mois consécutifs entre février 2023 et janvier 2024, selon l'observatoire européen Copernicus.
Même si des travaux sont réalisés pour déplacer des coraux vers des eaux plus profondes, où la température est plus fraîche, ou en replanter, Jean-Pierre Gattuso prévient que le meilleur moyen de préserver les coraux passe par "une réduction des émissions de gaz à effet de serre".
Réservoirs de biodiversité et alliés de la vie humaine
Selon l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique, la Grande barrière de corail au large de l'Australie figure parmi les récifs les plus touchés, tout comme ceux situés dans les Caraïbes, en Floride ou en mer Rouge. Le Pacifique Sud, où se situe la Polynésie française, subit également un blanchissement de ses coraux, dont les conséquences sont multiples.
Ce phénomène bouleverse d'abord la vie sous-marine et les écosystèmes, car de nombreuses espèces se réfugient dans les coraux pour se nourrir et se reproduire. "Ces récifs coralliens sont des formidables réservoirs de biodiversité, un peu comme les forêts tropicales sur terre", appuie le chercheur Jean-Pierre Gattuso. Selon une publication de l'Institut de recherche pour le développement datant de 2022, ils "hébergent la plus grande diversité en poissons marins alors qu'ils ne couvrent que 0,1 % de la surface des océans".
Mais ces récifs coralliens sont aussi des alliés pour la vie humaine. Selon le CNRS, "plus de 500 millions de personnes dépendent de ces écosystèmes" à travers le monde, pour leur alimentation avec la pêche, leur emploi avec le tourisme ou pour leur sécurité, les récifs coralliens agissant comme une protection contre les risques de submersion, notamment en cassant la houle.
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