Dôme de chaleur, feu zombie, canicule… Le lexique pour comprendre les phénomènes liés aux hautes températures

Article rédigé par Zoé Aucaigne
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 10 min
Contrairement aux vagues de chaleur, un épisode de canicule ne touche pas forcément tout le territoire, car les seuils de température qui le définissent dépendent de chaque département. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)
A cause du réchauffement climatique, ces événements climatiques et météorologiques sont de plus en plus fréquents et intenses. Mais savez-vous ce qu'ils désignent exactement ?

La France a connu son premier pic de chaleur, jeudi 18 juillet. Pas loin de 40 degrés dans le Sud-Est, 30 à 34 degrés dans les terres… De hautes températures ont été enregistrées dans tout le pays entre jeudi et samedi. Mais Météo-France n'a pas pour autant employé le terme de "vague de chaleur". Pour quelles raisons ? Quand peut-on parler de canicule ?

Le retour de ces températures intenses s'accompagne en tout cas d'autres phénomènes climatiques et météorologiques, amplifiés par le réchauffement de la planète. Pourquoi un feu zombie porte-t-il le nom d'un mort-vivant ? Comment se forme le retrait-gonflement de l'argile, qui fissure les maisons ? Qu'est-ce qu'un îlot de chaleur ? Pour y voir plus clair, voici un lexique de ces événements.

Température sous abri

• Qu'est-ce que c'est ? Il s'agit de la température de l'air qui figure dans les bulletins météorologiques. Elle tient son nom de la technique utilisée pour la déterminer. La température sous abri est mesurée à l'aide d'un thermomètre ou d'une sonde, installée à 1,5 mètre du sol, dans une zone qui empêche la pluie et les rayons du soleil de fausser les relevés. Elle ne doit pas être confondue avec la température de surface ou du sol. A la différence de la température sous abri, la température de surface est déterminée avec des capteurs infrarouges embarqués dans des satellites. 

• Comment est-elle accentuée par la crise climatique ? Les températures mensuelles à l'échelle mondiale ne cessent de battre des records en raison du réchauffement climatique, et les mois d'été n'y échappent pas. Selon les données de Copernicus, un observatoire européen, on voit que, depuis les années 1990, le mercure grimpe de plus en plus par rapport aux normes de la période préindustrielle.

En 2023, les températures moyennes mondiales pendant les mois de juin, juillet et août ont été les plus élevées jamais mesurées, d'après Copernicus, qui a relevé "une température moyenne mondiale de 16,77°C".

Vague de chaleur

• Qu'est-ce que c'est ? Lorsque pendant plusieurs jours consécutifs les températures sont supérieures aux normales de saison, on parle de vague de chaleur. "Les niveaux de température et la durée de l'épisode qui permettent de [la] caractériser varient selon les régions" du monde, précise Météo-France. Pour l'institut, deux conditions doivent être réunies : la température moyenne sur l'ensemble du territoire doit être au moins de 25,3°C pendant un jour, et au moins de 23,4°C pendant trois jours ou plus.

Quand la température repasse sous les 23,4°C pendant deux jours de suite ou sous les 22,4°C pendant une journée, alors on sort de la vague de chaleur. 

•  Comment est-elle accentuée par la crise climatique ? Les vagues de chaleur gagnent en intensité, en fréquence et en durée sous l'effet de la hausse des températures. "Alors que la France [hors territoires d'outre-mer] connaissait en moyenne 1,7 jour de vagues de chaleur par an avant 1989, elle en a subi 7,95 jours par an depuis 2000 et 9,4 sur la dernière décennie", souligne Météo-France.

Cette dynamique n'est pas près de changer. "La fréquence des événements devrait doubler d'ici à 2050, prévient Météo-France. En fin de siècle, ils pourraient être non seulement bien plus fréquents qu'aujourd'hui, mais aussi beaucoup plus sévères et plus longs, avec une période d'occurrence étendue de la fin mai au début du mois d'octobre. Le contrôle des émissions de gaz à effet de serre sera déterminant pour leur stabilisation dans la seconde moitié du XXIe siècle. "

Canicule

• Qu'est-ce que c'est ? On parle de canicule lorsque les températures sont "élevées" pendant au moins trois jours consécutifs, rappelle Météo-France. Contrairement aux vagues de chaleur, un épisode caniculaire ne touche pas forcément tout le territoire, car les seuils de température qui le définissent dépendent de chaque département.

A Toulouse, par exemple, on parle de canicule quand "les températures maximales [de jour] sont supérieures à 36°C et les températures minimales [de nuit] supérieures à 21°C", explique Météo-France. A Lille, les températures doivent être au-dessus de 33°C la journée et au-dessus de 18°C la nuit, rappelle la municipalité sur son site.

La canicule "est liée soit à un anticyclone persistant, qui bloque des perturbations atlantiques plus fraîches, soit à un courant chaud persistant venu de régions plus chaudes", détaille le ministère de la Transition écologique.

•  Comment est-elle accentuée par la crise climatique ? Les canicules qui ont frappé l'Europe et les Etats-Unis à l'été 2023 auraient été "pratiquement impossibles" sans le réchauffement climatique, selon le réseau scientifique World Weather Attribution (WWA). Sans cela, les canicules de 2023 auraient étaient moins chaudes de 2,5°C en Europe du Sud, de 2°C en Amérique du Nord et d'environ 1°C en Chine, précise le WWA. Ce dernier, par ailleurs, se veut alarmiste quant au futur : les températures augmentant sur le globe, les périodes caniculaires seront encore plus chaudes, longues et fréquentes si "le monde ne cesse pas rapidement de brûler des énergies fossiles".

Feu zombie

• Qu'est-ce que c'est ? Il s'agit "d'un incendie qu'on appelle 'zombie', car on ne le voit pas à la surface", résume Anthony Collin, enseignant et membre de l'équipe de recherche Feux à l'université de Lorraine. Situé jusqu'à un mètre sous terre, ce phénomène se nourrit des sols qui regorgent de matière riche en carbone – tourbe, veines de charbon ou de lignite – et peut se consumer pendant des mois.

A Hostens (Gironde), le 21 mars 2023, le feu se propageait toujours sous terre, dans la zone ravagée par un incendie de forêt pendant l’été 2022. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

"Quand l'humidité et la température sont assez élevées dans le sol, le feu peut s'allumer naturellement, explique Anthony Collin. Mais il arrive aussi qu'un incendie de surface allume la mèche", comme ce fut le cas à Landiras (Gironde) en 2022. Lorsque les conditions météorologiques sont réunies – sécheresse, vent, chaleur – le feu zombie peut ressurgir et brûler la végétation extérieure, parfois plusieurs mois après son allumage.

• Comment est-il accentué par la crise climatique ? "Comme le réchauffement rapide du climat entraîne des périodes de feux de forêt plus importantes, plus longues et plus intenses, les feux hibernants se multiplient", expliquent, dans The Conversation, des scientifiques ayant travaillé sur le sujet dans les zones boréales. Et cela, entre autres, car la sécheresse récurrente et des fortes chaleurs liées au dérèglement du climat fragilisent la végétation, qui devient plus inflammable. Un cercle vicieux se met alors en place, car "la réinflammation de feux hibernants déclenche la saison des incendies plus tôt que par le passé", notent les chercheurs, tout en précisant que "des recherches supplémentaires" sont nécessaires sur ce sujet. 

Dôme de chaleur

• Qu'est-ce que c'est ? Imaginez une très grande cloche sous laquelle les températures augmenteraient jour après jour. Un dôme de chaleur se forme avec l'apparition d'un anticyclone : les hautes pressions atmosphériques qui l'accompagnent "font l'effet d'un couvercle (...) Cette compression fait chauffer l'air dans le dôme et le réservoir de chaleur s'épaissit", explique Météo-France. Bloquée par la pression de l'anticyclone, la forte chaleur ne parvient pas à s'échapper et l'air se comprime, libérant encore plus de chaleur.

Les nuages ou la pluie, également chassés par le dôme, ne peuvent tempérer le phénomène. "En d'autres termes, un dôme de chaleur peut être vu comme une sorte de serre dans laquelle la température est plus importante qu'à l'extérieur", illustre le climatologue Matthieu Sorel auprès de Geo

• Comment est-il accentué par la crise climatique ? Il n'y a pas de consensus dans la communauté scientifique sur le lien entre la fréquence de ce phénomène et le réchauffement du globe, avance Matthieu Sorel. Mais "ce que l'on peut dire avec un degré de confiance relativement fort, c'est que les dômes de chaleur ont tendance à être plus puissants à cause du changement climatique. La température de base étant plus chaude, ce phénomène va la porter encore plus haut", assure le climatologue. 

Ilot de chaleur urbain

• Qu'est-ce que c'est ? Ce terme désigne la différence de température de l'air entre une ville et la campagne qui l'entoure. L'îlot de chaleur urbain, exprimé en degrés, est plus marqué la nuit, car "l'évacuation de la chaleur est bloquée dans des villes très compactes et denses", là où la campagne se rafraîchit plus facilement, note Erwan Cordeau, chargé d'études sur le climat, l'air et l'énergie à l'Institut Paris Région.

En plus des immeubles qui gardent l'air chaud, d'autres facteurs peuvent intensifier ce phénomène : les matériaux de construction qui emmagasinent la chaleur, le manque d'eau et d'espaces verts, la climatisation qui rejette la chaleur dans la rue, la circulation automobile, etc. "Dès qu'il y a une différence de +1°C la nuit [entre la ville et sa campagne environnante], on parle d'îlot de chaleur urbain, poursuit le spécialiste. Il peut être de +3°C, et monter jusqu'à +10°C dans les grandes agglomérations".

• Comment est-il accentué par la crise climatique ? Les canicules risquant d'être plus fréquentes, "le développement d'îlots de chaleur dans les milieux urbains accroîtra donc fortement la surchauffe urbaine" la journée, avance Météo-France. Une fois le soleil couché, "on va plus régulièrement faire face à des nuits tropicales, caractérisées par une température élevée, ce qui veut dire que la ville aura encore plus de mal à évacuer la chaleur", ajoute Erwan Cordeau.

Retrait-gonflement de l'argile

• Qu'est-ce que c'est ? Les sols sont des écosystèmes composés d'une multitude de minéraux. Certains sont très concentrés en argile, on parle alors de sol argileux. Ce type de sol "change de volume et de consistance selon sa teneur en eau. Humide, il gonfle. Desséché, il se rétracte", explique le ministère de la Transition écologique. C'est ce qu'on appelle le retrait-gonflement de l'argile (RGA).

Ces variations de volume peuvent provoquer des fissures sur les bâtiments ou les routes qui se trouvent sur ces terrains. D'après un rapport (PDF) du Haut Conseil pour le climat , en 2022, les dommages causés par la sécheresse des sols sur les bâtiments en France ont entraîné "8 000 demandes de communes pour la reconnaissance de 'catastrophes naturelles' pour les effets du retrait-gonflement des argiles".

• Comment est-il accentué par la crise climatique ? Le phénomène "s'intensifie avec l'accentuation des cycles aléatoires de sécheresses-pluies intenses, engendrée par le réchauffement climatique", note le ministère. D'un côté, la sécheresse des sols est favorisée "par la baisse des précipitations au printemps et en été et par la hausse des températures", souligne le climatologue Simon Mittelberger à franceinfo. De l'autre, "plus l'air est chaud, plus il contient de vapeur d'eau... qui se transformera potentiellement en averses intenses", pointe le ministère.


Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s'est réchauffée de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l'avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.

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