"Ça a exacerbé les divisions" : dans la Drôme, un arrêté anti-pesticides crée des crispations entre agriculteurs et habitants
Dans la commune de Saoû près de Montélimar, l'arrêté anti-pesticides pris par le maire a ouvert le débat mais suscité des crispations au sein de la population.
Sous les beaux platanes de la place du village de Saoû (Drôme), au pied de la dent rocheuse des Trois-Becs, le marché du vendredi soir est le rendez-vous des produits bio. En déambulant au milieu des exploitants et des clients, on peut constater le soutien d'une partie de la population à l'arrêté anti-pesticides pris par le maire. "Depuis des années on mange des choses qui nous empoisonnent, ce n'est pas drôle. L'avenir, qu'est-ce que ça va donner ?", s'inquiète une passante.
Le maire, Daniel Gilles, a longtemps hésité avant de prendre son arrêté. La décision prise par le maire de Langouët lui a fait sauter le pas. Le 18 mai dernier, Daniel Cueff a en effet interdit l'épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations sur sa commune bretonne, devenant ainsi le premier édile à prendre un tel arrêté avant d'être suivi par plusieurs dizaines de maires
Daniel Cueff comparaît à nouveau lundi 14 octobre devant le tribunal administratif de Rennes, après la demande de la préfecture d'Ille-et-Vilaine d'annuler l'arrêté municipal.
Un arrêté qui "casse des tabous" et "crée du clivage"
A Saoû, cela fait un an que des habitants se rassemblent chaque premier vendredi du mois contre les pesticides. Daniel Gilles s’est donc senti libéré quand le maire de Langouët a ouvert la voie. Il a perçu cet arrêté comme une façon de faire sauter un verrou au risque d'entacher l'harmonie de sa commune. "C'est un arrêté qui fait des vagues, qui fait bouger les lignes, qui ouvre des débats, qui casse des tabous, qui pour certains, crée du clivage. Ce n'est pas de "l'agri-bashing" c'est juste qu'il y a un éveil des consciences alors que le sujet était tabou," explique Daniel Gilles.
Car il faut dire que cet arrêté suscite des crispations au sein de ses administrés. Au milieu des allées du marché, Ludovic Raillon, jeune éleveur de poulets, explique qu’il se sent un peu rejeté. Il fait pourtant partie de ceux qui poussent pour une sortie progressive de l’agriculture conventionnelle. "Ça a complètement changé l'état d'esprit, je trouve"
Ça a exacerbé les divisions au sein de la population, entre les agriculteurs et les habitants.
Ludovic Raillon, éleveurfranceinfo
"On trouve que les mentalités ont énormément évolué au sein du monde agricole, c'est vraiment incomparable avec ce qui se faisait autrefois. Maintenant la plupart des gens font au moins une partie de leur ferme en bio, c'est dommage qu'on soit partis là-dessus," regrette le jeune éleveur.
Un choix de société qui divise
Cette commune drômoise de moins de 600 habitants a échappé au déclin il y a moins de 20 ans, avec l’arrivée d’une nouvelle population. Des habitants venus pour beaucoup des villes. C’est cette greffe qui se retrouve aujourd’hui fragilisée, estime Yohan, constructeur de maisons en bois originaire de Paris. "Peut-être que de façon illusoire, on a pu croire qu'il y avait une collaboration saine et franche entre ces différentes populations. Et ce vernis était sans doute assez fragile parce que ça a très violemment brutalisé et stigmatisé toutes ces différences", analyse ce Parisien d'origine.
Car derrière cette affaire, c'est un choix de société qui devrait être piloté au plan national, estime le maire de Saoû, dont l'arrêté à été finalement suspendu il y a quinze jours.
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