SUV : Isabelle Autissier, présidente du WWF, demande au gouvernement de "faire rentrer la question du poids" des véhicules "dans le bonus-malus"
Elle invoque trois raisons : la question écologique mais aussi l'impact sur le budget des ménages et l'occasion de relancer l'industrie automobile française dont les voitures sont plus légères que ses concurrents européens.
Invitée de franceinfo mardi 6 octobre, la présidente du WWF France, Isabelle Autissier, a appelé le gouvernement à "faire rentrer la question du poids dans le bonus-malus" lors de l’achat d’un véhicule, alors que les ventes des SUV représentent désormais 38% des ventes en France, selon une étude publiée par l’ONG qui évoque une "catastrophe climatique". "Le problème de ces véhicules, c’est qu’ils sont plus lourds pour faire la même chose : pour emmener les enfants à l'école, aller au boulot, aller chez mamie, on se déplace dans une voiture qui fait 200 kilos de plus et qui dégage 20% de plus de gaz à effet de serre", a dénoncé Isabelle Autissier.
franceinfo : On apprend dans votre étude que les SUV sont non seulement un poids pour la planète, mais qu'ils sont également mauvais pour le pouvoir d'achat de ceux qui les conduisent... Pour quelles raisons ?
Isabelle Autissier : Le problème de ces véhicules, c’est qu’ils sont plus lourds pour faire la même chose. Pour emmener les enfants à l'école, aller au boulot, aller chez mamie, on se déplace dans une voiture qui fait 200 kilos de plus et qui dégage 20% de plus de gaz à effet de serre. Et ce qui nous inquiète aussi, c'est qu’en termes de justice sociale, ce sont ces voitures-là qui vont arriver dans 5 ou 10 ans comme des voitures d'occasion, achetées en général par des gens qui ont des difficultés financières, qui sont souvent ces fameuses personnes qui habitent loin et qui sont obligées d'avoir des voitures. Ils ne vont se retrouver avec quasiment que des SUV et ça va leur coûter plus cher. Et quand on se souvient du mouvement des "gilets jaunes" qui est parti un peu sur des histoires comme celle-là, ça va être bien pire. 400 euros [supplémentaires pour l’entretien] par an [par rapport à une voiture classique], c'est énorme pour une famille modeste.
Votre étude tente justement de montrer que la fin du mois et la fin du monde ne sont pas toujours antagonistes. On peut sauver la planète tout en faisant des économies ?
Le WWF a toujours pensé ça. On doit à la fois avoir évidemment les questions environnementales en ligne de mire parce que c'est ce qui, globalement, pour l'ensemble de nos sociétés, va être important, mais aussi la justice sociale. Et là, les SUV, je suis désolée, c'est mauvais pour les deux. Nous demandons donc au gouvernement de faire rentrer la question du poids dans le bonus-malus.
Réclamez-vous également au gouvernement de limiter ou d'interdire les publicités pour les SUV ?
Les limiter, certainement. Par exemple, sur l'alimentation ou sur le vin, on a considéré qu'il fallait mettre un message pour dire aux gens : Attention ! Là, je pense qu’il faudrait, a minima, mettre un message pour dire aux gens : Attention ! Et certainement les limiter. Il faut absolument qu'on descende de ces presque 40% [de ventes] à environ 10%, c'est-à-dire ce que c'était il y a dix ans. Je crois franchement que la publicité nous vend tellement ces voitures comme étant formidables et merveilleuses qu'on peut facilement se laisser avoir. Encore une fois, le signal prix à l'achat, en termes de bonus-malus sur le poids, c'est ça qu'on demande à Bruno Le Maire. C'est extrêmement important et c'est intéressant pour la compétitivité des voitures françaises parce que, par exemple, les voitures allemandes, nos fameuses concurrentes, elles, sont plus lourdes. Donc, si on met le critère poids, on va quelque part favoriser en moyenne l'industrie française. Et il faut rapatrier en France la construction de ces petites voitures légères, de ces petites citadines qui sont très largement suffisantes pour se déplacer.
Les députés vont voter aujourd'hui le retour des néonicotinoïdes. Leur usage sera réservé aux champs de betteraves, dont les rendements se sont effondrés depuis un peu plus d'un an à cause d'un puceron. Est-ce un renoncement, selon vous ?
Oui c'est un renoncement, parce qu'on n'a rien fait. Comme d'habitude, on se fixe des objectifs ambitieux, puis après, on ne fait rien. Vous savez ce qu'il faut pour lutter contre les pucerons ? Il faut des coccinelles. Votre grand mère savait ça. Pourquoi il n'y a pas de coccinelles dans ces champs-là ? C'est parce qu'il y a déjà énormément d'autres pesticides et herbicides qui tuent les insectes. La recherche n’avance pas, les essais dans les champs n'avancent pas. Et puis, tout d'un coup, on se retourne et on dit : "On n’a pas de solution". Je crois que c'est exactement la même chose que ce dont on parle avec les SUV. On se fixe des objectifs climat ambitieux et puis après, on ne fait pas ce qu'il faut pour aller dans ce sens-là.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.