Quatre questions sur l'arrestation du leader indépendantiste catalan Carles Puigdemont en Italie
Principale figure de la tentative de sécession de la Catalogne en 2017, Carles Puigdemont avait été destitué par Madrid et vivait depuis en exil en Belgique. Son immunité parlementaire d'eurodéputé avait été levée en mars.
L'eurodéputé indépendantiste et ex-président de la région catalane, Carles Puigdemont, exilé en Belgique depuis 2017 après la tentative de sécession de la Catalogne, a été arrêté jeudi 23 septembre en Sardaigne (Italie). Il a été remis en liberté le lendemain, dans l'attente d'une audience qui doit se dérouler le 4 octobre. Que lui reproche la justice espagnole ? Que risque-t-il ? Franceinfo fait le point.
Dans quelles circonstances a-t-il été arrêté ?
"Le président Puigdemont a été arrêté à son arrivée en Sardaigne, où il se rendait en tant qu'eurodéputé", a déclaré son avocat Gonzalo Boye sur Twitter, expliquant que son arrestation avait eu lieu sur la base d'un mandat d'arrêt européen datant du 14 octobre 2019. Le leader catalan, âgé de 58 ans, a été arrêté à Alghero, une ville du nord-ouest de l'île italienne, a confirmé sur Twitter son chef de cabinet, Josep Lluis Alay. L'homme politique devait y participer à un festival culturel et s'entretenir avec des élus sardes.
Les autorités italiennes ont détecté l'arrivée de Carles Puigdemont en Sardaigne depuis la Belgique grâce au fichier sur les passagers aériens (PNR), selon El Pais (en espagnol). Il s'agit d'un programme de contrôle des personnes entrant ou quittant l'Union européenne par voie aérienne qui permet de détecter la présence de présumés terroristes et criminels, et qui a été approuvé par la Commission européenne en 2016. L'homme politique catalan a été libéré le lendemain, mais il devra se présenter à une audience devant la justice italienne le 4 octobre. L'Espagne réclame son extradition.
Que lui est-il reproché ?
Principale figure de la tentative de sécession de la Catalogne en 2017, Carles Puigdemont a été destitué par Madrid après la déclaration d'indépendance de la région, consécutive à un référendum d'autodétermination jugé illégal par la justice espagnole. Il s'était alors enfui en Belgique pour échapper à des poursuites judiciaires. La justice a condamné à la prison plusieurs anciens membres de son équipe gouvernementale pour sédition en octobre 2019 (avant de les grâcier deux ans plus tard).
Le Parlement européen a levé l'immunité parlementaire de Carles Puigdemont et de deux autres eurodéputés indépendantistes le 9 mars 2021 à une large majorité, mesure qui avait été confirmée le 30 juillet par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Mais la décision du Parlement européen a fait l'objet d'un recours dont le jugement définitif sur le fond de la part de la justice de l'UE est encore attendu. Selon l'interprétation de l'avocat de Carles Puigdemont, Gonzalo Boye, la décision du Parlement est donc "suspendue".
Quelles sont les réactions après son arrestation ?
L'arrestation du leader indépendantiste a provoqué de nombreux remous dans son camp. Le nouveau président régional de la Catalogne, Pere Aragones, un séparatiste de tendance plus modérée que Carles Puigdemont, a immédiatement "condamné fermement la persécution et cette répression judiciaire", sur Twitter. Un ancien président de la région catalane, Quim Torra, a qualifié de "catastrophique" une éventuelle extradition de Carles Puigdemont vers l'Espagne et appelé les indépendantistes à être "en alerte maximale". Des appels à manifester vendredi, jour férié en Catalogne, devant le consulat d'Italie à Barcelone circulent également sur les réseaux sociaux.
A Madrid, le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sánchez a de son côté exprimé "son respect pour les décisions des autorités et des tribunaux italiens". "L'arrestation de M. Puigdemont correspond à une procédure judiciaire en cours qui s'applique à tout citoyen de l'UE devant répondre de ses actes devant les tribunaux", a affirmé dans un communiqué le palais de la Moncloa, siège du gouvernement espagnol.
Que risque-t-il ?
"Le président sera présenté [vendredi matin] aux juges de la Cour d'appel de Sassari, qui est compétente pour décider de sa libération ou de son extradition" vers l'Espagne, a précisé le directeur de cabinet du chef de gouvernement espagnol.
La tentative de sécession de la Catalogne, en octobre 2017, a été l'une des pires crises vécues par l'Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975, et le gouvernement espagnol a appelé Carles Puigdemont à "se soumettre à l'action de la justice comme tout autre citoyen". Mais l'arrestation du leader indépendantiste survient une semaine seulement après la reprise des négociations entre le gouvernement central de gauche et l'exécutif régional catalan, dont l'objectif est de trouver une issue à la crise politique en Catalogne. Une extradition serait donc un signal politique très fort, qui rendrait impossible le bon déroulement de ces négociations.
L'arrestation du responsable politique n'est d'ailleurs pas une première, mais jusque-là les partenaires européens de l'Espagne ne se sont pas risqués à l'extrader, préférant attendre la décision définitive de la justice européenne. En mars 2018, Carles Puigdemont avait ainsi été arrêté une première fois en Allemagne, à la demande de l'Espagne, alors qu'il revenait de Finlande. Mais il avait été libéré quelques jours plus tard après l'abandon par la justice allemande de l'accusation de "rébellion" à son encontre. Carles Puigdemont s'était aussi rendu en France, sans rencontrer de problème avec la justice, rappelle sur Twitter le journaliste Henry de Laguérie, correspondant d'Europe 1 en Espagne.
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