Crise politique en Géorgie : on vous explique pourquoi la colère gronde contre le parti au pouvoir depuis les élections législatives

Pour la troisième soirée consécutive, les Géorgiens ont manifesté samedi contre la décision prise par le gouvernement de repousser les discussions sur l'adhésion de la Géorgie à l'UE.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des manifestants contre le gouvernement géorgien, à Tbilissi (Géorgie), le 1er décembre 2024. (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

Tbilissi en ébullition. Pour la troisième soirée consécutive, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de la capitale géorgienne, samedi 30 novembre. La colère populaire a explosé après la décision gouvernementale, prise jeudi, de repousser les discussions sur l'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne à 2028.

Le pays avait obtenu le statut de candidat en 2023, avant de voir le processus gelé par Bruxelles un an plus tard à cause de l'adoption d'une loi controversée sur "l'influence étrangère". "Nous continuerons à avancer vers l'Union européenne, mais nous ne laisserons personne nous maintenir dans une situation de chantage et de manipulation permanente", a déclaré le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, lors d'une conférence de presse.

Des affrontements entre manifestants et policiers, à Tbilissi (Géorgie), le 1er décembre 2024. (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

Cette annonce est intervenue après l'adoption par le Parlement européen d'une résolution rejetant les résultats des élections législatives, qui se sont tenues fin octobre. Elles ont vu triompher à nouveau Rêve géorgien, le parti au pouvoir depuis 2012, accusé de dérive autoritaire prorusse par ses détracteurs. Le scrutin a été entaché d'irrégularités, selon de nombreux observateurs locaux et internationaux. Bruxelles a donc exigé la tenue de nouvelles élections et la prise de sanctions européennes contre, entre autres, le chef du gouvernement géorgien.

La présidente du pays, fer de lance de la mobilisation

Depuis les élections, le climat dans le pays est électrique. La cheffe d'Etat, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, s'est faite le fer de lance de la mobilisation populaire. Cette pro-européenne, qui dispose de pouvoirs limités, a estimé vendredi soir que "le mouvement de résistance a commencé" et boycotte avec ferveur les résultats des législatives, qu'elle a cherché à faire annuler par la Cour constitutionnelle. "Personne en dehors de la Géorgie, parmi nos partenaires démocratiques, n'a reconnu les élections", a rappelé samedi Salomé Zourabichvili, qui se présente comme la "seule institution légitime du pays".

La présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, participe à une manifestation du camp pro-européen, le 28 novembre 2024, à Tbilissi (Géorgie). (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

Le Parlement nouvellement élu a annoncé qu'il choisirait le prochain chef d'Etat, pour un mandat de cinq ans, le 14 décembre. "Tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra", a prévenu l'ancienne diplomate française dans un entretien à l'AFP. Elle a annoncé avoir mis en place un "conseil national" composé de partis d'opposition et de représentants de la société civile, qui assurera "la stabilité dans ce pays". "Faites des affaires avec nous, nous représentons la population géorgienne", a lancé la présidente.

Des fonctionnaires vent debout

Des élus pro-européens s'opposent, eux aussi, largement aux résultats des législatives. Mi-novembre, le président de la Commission électorale géorgienne a été aspergé de peinture noire par un membre de l'opposition, alors qu'il annonçait les résultats du scrutin. Les opposants à la majorité ont par ailleurs renoncé à siéger au Parlement. 

Au-delà des élus, des centaines de fonctionnaires, notamment des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Education, ainsi que des juges, ont publié des déclarations communes pour dénoncer le choix de suspendre l'adhésion de la Géorgie à l'UE. Quelque 160 diplomates géorgiens ont critiqué cette décision, estimant qu'elle était contraire à la Constitution et conduisait "à l'isolement international" du pays. De nombreux ambassadeurs géorgiens ont également démissionné en signe de protestation. 

Des manifestations réprimées avec force 

La société civile n'est pas en reste : des manifestations ont éclaté dans de nombreuses villes et plus d'une centaine d'écoles et d'universités ont suspendu leurs activités en signe de protestation. La mobilisation est réprimée avec force par le régime. Selon le ministère de l'Intérieur géorgien, 107 personnes ont été interpellées vendredi pour "désobéissance à la police" et "vandalisme" et dix policiers ont été blessés. La police anti-émeute a utilisé gaz lacrymogène et canons à eau contre les manifestants, qui de leur côté jetaient des œufs et lançaient des fusées d'artifice, ont constaté des journalistes de l'AFP. 

Des milliers de personnes qui manifestent contre le gouvernement géorgien à Tbilissi (Géorgie), le 30 novembre 2024. (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a dénoncé "l'usage disproportionné et indiscriminé de la force" par la police, ce qui constitue selon elle "une grave violation à la liberté de réunion".

"Il est clair que le recours à la violence contre des manifestants pacifiques n'est pas acceptable et que le gouvernement géorgien doit respecter la volonté du peuple", a réagi dimanche la nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas. La France avait appelé vendredi au "respect du droit de manifester pacifiquement" et souligné "soutenir les aspirations européennes" de la Géorgie, "qui ne doivent pas être trahies". D'après un sondage de l'Institut national démocratique, une ONG, 79% des Géorgiens soutiennent l'adhésion de leur pays à l'UE. 

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