: Vidéo Brexit, les nouvelles frontières
En votant pour le Brexit, les Anglais n'avaient pas pensé à Gibraltar… En découlent pour cette presqu'île britannique, mais revendiquée par l'Espagne, une foule de complications. Et pour l'Union européenne, de nouvelles frontières. Un reportage du magazine "Avenue de l'Europe".
La Línea de la Concepción, extrême sud de l'Espagne : le plus gros taux de chômage de tout le pays. A trente-deux minutes à pied (du moins pour Miguel, un Espagnol qui se rend chaque matin à son travail d'informaticien) de là, en allant vers le sud : le Rocher, El Peñon, alias Gibraltar − en territoire britannique. Que va changer le Brexit pour Miguel et les autres travailleurs, pour les touristes, pour les Gibraltariens ? Le magazine "Avenue de l'Europe" a enquêté.
Sur le trajet de Miguel, deux check-points à passer, mais pour un Européen comme lui, il suffit de montrer son passeport. Gibraltar ne faisant pas partie de l'Union douanière, ni de la zone euro ou de l'espace Schengen, les autorités espagnoles doivent en effet contrôler le passage entre La Línea et le territoire britannique (d'autant que la contrebande de tabac et d'alcool y fait rage). Plus de 10 000 personnes franchissent cette frontière, exception européenne, chaque matin. Les policiers finissent même par connaître beaucoup de ces passagers réguliers.
L'Espagne va-t-elle fermer sa frontière ?
Au bout de la demi-heure de trajet de Miguel, c'est donc l'Angleterre… mais avec du soleil ! Ce caillou de 7 kilomètres carrés, revendiqué par Madrid − qui menace de fermer la frontière depuis le Brexit − est britannique depuis plus de trois cents ans. Et devrait le rester, si l'on en croit la légende, tant que les singes peupleront le sommet du Rocher.
On a beaucoup entendu parler de cette bizarrerie géopolitique en 2013, quand des blocs de béton jetés dans la baie pour recréer de la biodiversité avaient créé un incident diplomatique avec les pêcheurs espagnols. Madrid avait alors décidé de paralyser la frontière − pénalisant ses propres citoyens. Les Gibraltariens, eux, n'ont que faire des poussées nationalistes hispaniques et se verraient bien indépendants, à l'instar de Monaco. Passer derrière la frontière extérieure de l'Union européenne ne leur dit rien qui vaille...
Une économie en danger, l'UE redessinée
Gibraltar… insolente bulle de plein-emploi, ex-paradis fiscal et capitale mondiale des jeux en ligne. Un îlot de prospérité très pro-européen : on y a voté à 96% pour rester dans l'Union, et le Brexit a causé un choc violent. Les Anglais n'ont pas pensé aux conséquences de leur choix pour le Rocher, qui va maintenant devoir quitter l'Union européenne. La péninsule vit surtout du tourisme, qui sera immanquablement affecté si la frontière terrestre cesse d'être fluide : beaucoup de ces visiteurs, en majorité britanniques, viennent à pied de la Costa del Sol. Sans parler des travailleurs résidant à La Línea comme Miguel… Quant à l'Union européenne, avec Gibraltar, c'est une magnifique sentinelle à la pointe de l'Europe qu'elle va perdre.
Une enquête d'Isabelle Baechler et Pascale Conte, diffusée dans "Europe : le retour des frontières ?", le numéro du 14 septembre 2016 du magazine "Avenue de l'Europe"
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