Le traité européen n'aura pas la peau de Cécile Duflot
Même si Jean-Marc Ayrault exclut le départ des ministres écologistes, la cohésion de la majorité est clairement menacée par cette nouvelle faille entre les Verts et le PS.
TRAITE EUROPEEN - La tension monte encore entre les Verts et la majorité socialiste. Après les débats sur le nucléaire ou le gaz de schiste, c'est le traité budgétaire européen qui sème la zizanie. En s'opposant, samedi 22 septembre, à la ratification du traité, les Verts ont provoqué un énième clash entre les deux alliés. Mais celui-ci est plus grave que les précédents : pour la première fois, la question de la cohésion de la majorité est clairement posée. Même si pour le moment, Matignon n'entend pas demander la démission des ministres écologistes.
Un traité négocié par "Merkozy"
La motion adoptée samedi par le conseil fédéral d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à une large majorité (77 voix pour, 24 contre et 8 votes blancs) estime qu'une "lecture stricte" du traité "ne répondra pas durablement aux crises auxquelles est aujourd'hui confrontée l'Union européenne et constitue un obstacle à la transition écologique".
Pour les Verts, l'austérité représente tout sauf le remède à la crise de la zone euro. Ils ont au moins le mérite de la constance : ils ne disaient pas autre chose lorsque ce traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) fut négocié par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy l'hiver dernier.
Le budget, ciment d'une majorité
En refusant le traité européen, les écolos attaquent directement la politique budgétaire du gouvernement. Si le traité européen est adopté, il aura de lourdes conséquences sur les budgets présentés à l'avenir, puisqu'il soumet les administrations publiques (et donc l'Etat) à la règle d'or. A savoir : adopter un budget "en équilibre ou en excédent". Concrètement, une loi organique, qui sera votée par le Parlement immédiatement après la ratification du traité, transposera en droit français les dispositions de ce texte international.
Viscéralement opposés aux politiques de rigueur, les écologistes demandent également que le gouvernement diffère l'objectif de réduction du déficit budgétaire à 3% du PIB, prévu pour le budget 2013. Or, cet objectif est la pierre angulaire de la politique budgétaire du gouvernement, l'un des engagements les plus importants de François Hollande.
Si l'Europe a toujours suscité des tensions au sein des blocs politiques, à gauche comme à droite, le débat sur le TSCG est particulier car il aborde de front ces questions budgétaires qui forment la base d'une ligne gouvernementale. De facto, un parlementaire qui s'oppose à une loi de finances s'exclut lui-même de la majorité. Le président socialiste de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a ainsi évoqué "une fêlure dans la majorité".
La balle dans le camp des parlementaires
Malgré leur opposition au traité budgétaire, les écologistes n'entendent pas demander à leurs deux représentants au gouvernement, Cécile Duflot et Pascal Canfin, de démissionner. Bien au contraire. Le coprésident du groupe Verts à l'Assemblée nationale, François de Rugy, ne voit "même pas pourquoi on se pose la question", arguant que ce traité "ne fait pas partie du pacte majoritaire que nous avons passé avec nos amis socialistes".
Il est de toute façon un peu tôt pour en discuter. Car la décision prise par le conseil fédéral d'EELV ne préjuge pas du vote des parlementaires. Sur les 29 élus écologistes (17 à l'Assemblée, 12 au Sénat), une moitié devrait voter contre le texte, un tiers s'abstenir, et une petite minorité voter pour, selon un pointage non officiel du gouvernement. Mais d'ici au vote, dans la semaine du 2 octobre, les ministres Bernard Cazeneuve (Affaires européennes) et Alain Vidalies (Relations avec le Parlement) espèrent en faire changer d'avis quelques-uns.
Les ministres écologistes poussés vers la sortie ?
Pris en étau entre la ligne de leur parti et la solidarité gouvernementale, Cécile Duflot et Pascal Canfin, eux, se retrouvent dans une position inconfortable. Lundi matin, la ministre a annulé à la dernière minute une conférence de presse sur le logement. "Je ne démissionnerai ni du gouvernement ni d’EELV", a-t-elle finalement confié à Paris-Match dans l'après-midi. Elle sera l'invitée lundi soir du journal de France 2. De son côté, Matignon a assuré que la question de leur participation au gouvernement "ne se pose pas".
Même si une majorité d'écologistes votaient contre le traité, il est peu probable que François Hollande et Jean-Marc Ayrault se séparent de leurs ministres EELV. Quatre mois seulement après l'arrivée de la gauche au pouvoir, un tel remaniement ministériel ferait tache. Il serait en outre difficilement justifiable puisqu'une vingtaine de députés PS envisagent, eux aussi, de voter contre le traité.
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