Crise politique en Ukraine : le jour où Kiev s'est (à nouveau) embrasée
Policiers et manifestants hostiles au président se sont affrontés dans le centre de la capitale. Il y a au moins quatorze morts, dont six policiers. Le pouvoir resserre son étau sur les manifestants. La communauté internationale s'inquiète.
Kiev renoue avec la violence. Après plusieurs semaines d'accalmie dans la crise politique en Ukraine, des affrontements ont de nouveau éclaté, mardi 18 février, dans la capitale ukrainienne entre les opposants du président Viktor Ianoukovitch et les policiers. Au moins 25 personnes ont été tuées dans les affrontements entre la police et les manifestants. Récit de cette journée enflammée.
L'"offensive pacifique" dégénère
Mardi matin, l'opposition rassemble 20 000 manifestants dans le centre de la capitale. Elle veut organiser un défilé en direction du Parlement, où les députés d'opposition sont engagés dans un bras de fer avec les élus loyaux au président. L'opposition entend lancer une "offensive pacifique" afin de mettre la pression sur les députés. Elle exige des élus qu'ils débattent des amendements constitutionnels réclamés par les opposants pour réduire les pouvoirs du chef de l'Etat.
Mais les forces de l'ordre empêchent les manifestants de marcher vers le parlement. Postées devant les accès du bâtiment, elles utilisent du gaz lacrymogène, jettent des grenades assourdissantes et tirent des balles de caoutchouc pour tenter de disperser la foule.
Des milliers de manifestants ripostent à coup de pavés et de cocktails molotov. Plus de 200 opposants prennent aussi brièvement le contrôle du siège du Parti des régions du président, non loin du parlement. Les locaux sont en partie incendiés par des jets de cocktails molotov.
Les autorités lancent un ultimatum
Dans l'après-midi, les affrontements se poursuivent. Les forces de l'ordre brisent des barricades proches du stade du Dynamo Kiev et avancent vers le Maïdan, la place de l'Indépendance, haut lieu de la contestation entouré de barricades où campent des milliers de manifestants depuis près de trois mois.
Mais les policiers s'arrêtent au bord du site. Le ministère de l'Intérieur et le service de sécurité de l'Etat ordonnent aux manifestants de mettre fin aux "troubles", avant 18 heures, heure locale (17 heures, heure de Paris), sous peine de s'exposer à des "mesures sévères". Dans un communiqué commun, ils menacent de "rétablir l'ordre par tous les moyens légaux".
Dans la soirée, le parquet assure qu'il exigera "les peines les plus sévères" contre les organisateurs des violences. Les leaders de l'opposition devront "assumer la responsabilité de ce qui se passe", prévient le parquet.
Le retour au calme est précaire
En début de soirée, à l'expiration de l'ultimatum, les affrontements cessent mais le calme est précaire. Les redoutables unités anti-émeute Berkout cernent le Maïdan, appuyées en deuxième ligne par des policiers armés de fusils d'assaut kalachnikov.
Plus de 20 000 manifestants sont toujours rassemblés sur la place de l'Indépendance. Les leaders de l'opposition prennent la parole à tour de rôle devant la foule. Vitali Klitschko déclare ne pouvoir exclure que l'exécutif ait recours à la force contre les manifestants. L'ancien boxeur demande aux femmes et aux enfants de quitter le site où sont rassemblés des milliers de manifestants "pour éviter de nouvelles victimes".
Un peu plus tard, on apprend que des manifestants ont repris la mairie de Kiev, qu'ils avaient évacuée, dimanche, dans le cadre d'une loi d'amnistie. Une trentaine de protestataires occupent le bâtiment, gardé par des unités d'autodéfense des manifestants.
L'"opération antiterroriste" est déclenchée
Dans la soirée, des policiers, équipés de porte-voix, demandent aux femmes et aux enfants de quitter les lieux. Ils annoncent le lancement d'une "opération antiterroriste". Et lancent l'assaut sur le Maïdan.
Précédés de trois véhicules blindés équipés de canons à eau, plusieurs centaines de Berkout progressent vers la place de l'Indépendance, dépassant plusieurs barricades dressées en vain pour les arrêter.
Les policiers font reculer les manifestants en première ligne, à coup de grenades lacrymogènes et assourdissantes, ainsi que des canons à eau. Les protestataires ripostent à l'aide de pavés et de cocktails Molotov. Derrière eux, plusieurs milliers de manifestants entonnent l'hymne national ukrainien. La police pénètre lentement dans le camp des opposants.
This scene in Kiev looks like a battlefield in an apocalyptic movie. (via @ruspIt) pic.twitter.com/dHY650tGyj
— Anup Kaphle (@AnupKaphle) February 18, 2014
Kiev Now. Europe's second largest state sliding into civil war. pic.twitter.com/TFUZ9K6jt2
— Ben Judah (@b_judah) February 18, 2014
Le quartier général de l'opposition est en feu EADQUARTERS OF UKRAINIAN OPPOSITION IN KIEV INDEPENDENCE SQUARE IS ON FIRE - TV
La communauté internationale s'émeut
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, appelle à la retenue et à un "dialogue véritable". Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la France "condamne" "l'usage indiscriminé de la force". La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, se déclare elle "très préoccupée" par cette "inquiétante escalade" de la violence. La Maison Blanche se dit "consternée" et le secrétaire d'Etat américain, Joe Biden, a appelé Viktor Ianoukovitch "à la retenue" et "à retirer les forces de l'ordre de Kiev". Même préoccupation de la part du secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen.
Paris, Washington et Bruxelles appellent ainsi à la reprise du dialogue entre le président Ianoukovitch et ses opposants. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, brandit même la menace de "sanctions personnelles" de l'Union Européenne contre des dirigeants ukrainiens.
La Russie aussi condamne mais attribue ce regain de violences à la politique des Occidentaux, "qui ferment les yeux sur les actes agressifs des forces radicales en Ukraine, encourageant de fait l'escalade et les provocations envers le pouvoir légal".
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