Faut-il craindre une guerre avec la Russie ?
Les Etats baltes redoutent de subir le même sort que l'est de l'Ukraine. L'Otan, dont les pays se réunissent jeudi, à Newport (pays de Galles, Royaume-Uni), se dit prête à réagir.
"On peut véritablement imaginer, maintenant, des scénarios très noirs." La mise en garde est signée Didier Burkhalter, le président en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Alors que la Russie nie toute implication dans le conflit en Ukraine, la perspective d'un nouveau front à la frontière russo-balte inquiète les pays occidentaux. "Moscou est pratiquement en guerre contre l'Europe", a avancé la présidence lituanienne, le 30 août.
Un sommet de l'Otan s'ouvre, jeudi 4 septembre, à Newport (pays de Galles, Royaume-Uni). Il devrait notamment acter la naissance d'un "plan de réactivité" permettant d'envoyer rapidement plusieurs milliers de soldats dans l'est de l'Europe. Le spectre d'un conflit entre la Russie et les pays membres de l'Alliance atlantique se précise-t-il ?
Oui, la Russie montre ses muscles
"Si je le veux, en deux semaines, je prends Kiev." La petite phrase du président russe, Vladimir Poutine, rapportée par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, apparaît comme une nouvelle démonstration de force de Moscou. Après avoir annexé la Crimée, la Russie est accusée d'être à la manœuvre dans l'est de l'Ukraine, aux côtés des séparatistes, ce qu'elle dément.
"Mieux vaut ne pas nous chercher", a prévenu le président russe, le 29 août, devant de jeunes militants réunis près de Moscou. "Je vous rappelle que la Russie est l'une des premières puissances nucléaires mondiales", a-t-il ajouté, avant de révéler "un renforcement de la force de dissuasion nucléaire" du pays. Le 14 août, il avait déjà promis à l'Occident une "surprise" avec "de nouvelles armes nucléaires offensives", selon le site américain Salon (en anglais).
Quelles sont ses intentions ? "Poutine envisage vraiment la possibilité de frappes nucléaires ciblées, peut-être contre une capitale balte ou une ville polonaise, pour prouver que l'Otan est une coquille vide qui n'osera pas répliquer par peur d'une plus grande catastrophe", avance une chroniqueuse du Washington Post (en anglais), citant l'analyste et dissident russe Andreï Piontkovski.
Une incursion dans les pays baltes constituerait une nouvelle manœuvre de la Russie pour étendre sa zone d'influence. Après l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud, la Crimée et l'est de l'Ukraine, Moscou pourrait chercher à reprendre dans son giron les minorités russes vivant dans l'est de l'Union européenne. Vladimir Poutine "clame haut et fort que la Russie a le droit de protéger les minorités russes 'menacées' hors de ses frontières", rappelle Libération (article payant).
Oui, l'Otan se prépare à intervenir
A la veille du sommet de l'Otan, le président américain, Barack Obama, s'est rendu, mercredi, en Estonie, où vit une importante minorité russe. Le Premier ministre estonien, Taavi Roivas, a demandé à être "sûr à 101% que tous les membres de l'Alliance seront également et fortement protégés". A Tallinn, Barack Obama a assuré que "l'Estonie ne serait jamais seule". Il a réaffirmé l'importance de l'article 5 de l'Alliance atlantique, selon lequel les Etats membres sont tenus de porter secours à l'un des leurs s'il est attaqué.
L'Alliance atlantique, qui estime que la Russie a déployé plus de 1 000 hommes en territoire ukrainien, envisage d'adopter un "Readiness Action Plan" pour pouvoir déployer "en quelques jours" des milliers de soldats des armées de l'air, de terre, et de la marine, appuyés par des forces spéciales, selon son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen. "Il s'agit d'être plus visible et de frapper fort si nécessaire", a-t-il expliqué. Des manœuvres de l'Otan ont déjà eu lieu, en juin, dans les pays baltes, et la Pologne a annoncé, mercredi, un exercice militaire international, courant septembre, en Ukraine.
"Nous courons le risque de répéter les erreurs commises à Munich en 1938", quand la passivité des Français et des Britanniques face à l'Allemagne nazie avait conduit à la seconde guerre mondiale, a affirmé le Premier ministre britannique, David Cameron, au sujet de l'Ukraine, selon des propos rapportés par La Repubblica (en italien). "Nous ne savons pas ce qui peut se produire ensuite, a-t-il ajouté. Vladimir Poutine a déjà pris la Crimée, nous ne pouvons pas le laisser prendre tout le pays."
Non, l'escalade est surtout dans les discours
Vladimir Poutine envisage-t-il vraiment de cibler des pays membres de l'Otan ? "La Russie est loin d'être impliquée dans un conflit à grande échelle, nous ne le souhaitons pas, ni ne l'envisageons", a assuré le président russe, le 29 août, tout en se disant "prêt à repousser toute agression contre la Russie". Toujours dans la nuance, le président russe reste "irrationnel et imprévisible", estime la chancelière allemande, Angela Merkel, citée par La Repubblica.
Dans le dossier ukrainien, Vladimir Poutine a présenté, mercredi, un plan en sept points de règlement de la crise, disant espérer un "accord final" entre Kiev et les rebelles pro-russes vendredi. Plus tôt dans la journée, l'Ukraine et la Russie ont fait état de progrès sur la voie d'un arrêt des hostilités. En affichant cette posture pacifiste et en gelant le conflit en Ukraine, Moscou peut espérer un statu quo et le maintien d'une présence pro-russe dans l'est du pays. Il éviterait surtout une confrontation militaire directe avec l'Occident.
"Vladimir Poutine espère que le cauchemar d'une longue guerre et de l'anarchie fera peur à l'Occident, l'obligeant à accepter ses faits accomplis", explique à La Repubblica l'ancien dissident polonais Adam Michnik. La menace sur les pays baltes, purement rhétorique, pourrait ainsi relever de cette stratégie.
Non, l'économie russe est vulnérable
En s'exposant sur un nouveau front, la Russie risquerait des sanctions occidentales et ferait face à une hausse de ses dépenses militaires. Or, le pays souffre d'une grave crise économique. Le rouble est tombé, fin août, à un niveau jamais vu face au dollar, ce qui menace d'accentuer l'inflation, déjà à plus de 7%. La hausse des prix devrait en outre être dopée par l'embargo décrété par Moscou sur la plupart des produits alimentaires des pays qui sanctionnent la Russie.
L'escalade des sanctions déjà prises contre la Russie a provoqué d'importantes fuites de capitaux, et limite l'accès de certaines entreprises, dont les grandes banques publiques, aux marchés financiers occidentaux. Les investisseurs russes pourraient ainsi faire pression sur Vladimir Poutine pour éviter une aggravation de la situation.
Enfin, "la croissance, qui a atteint 4,5% en 2010 et 4,3% en 2011, est retombée à 3,4% en 2012 et même à 1,3% en 2013", avant de friser 0% en 2014, note le site Slate, qui estime que "la Russie n'a pas les moyens de ses menaces".
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