Guerre en Ukraine : cartes d'identité russes, déploiement vers Koursk, pertes importantes… Ce que l'on sait de l'implication des soldats nord-coréens dans le conflit

Plus de 3 000 soldats nord-coréens ont été tués ou blessés depuis qu'ils combattent aux côtés de la Russie contre l'Ukraine, selon le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Article rédigé par franceinfo
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Des soldats prêts à être déployés dans la région de Donetsk (Ukraine) par Moscou, le 16 novembre 2024, à Rostov-sur-le-Don (Russie). (ARKADII BUDNITSKII / ANADOLU / AFP)

La Corée du Nord aux côtés de son allié russe. Pyongyang compte intensifier son aide militaire à Moscou, d'après les informations de la Corée du Sud. "Il y a des signes que [la Corée du Nord] s'oriente vers la fabrication et la fourniture de drones suicides", a annoncé, lundi 23 décembre, le comité des chefs d'état-major interarmées (JCS en anglais), selon l'agence sud-coréenne Yonhap. Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, "se prépare à faire tourner ou à augmenter le déploiement de troupes [en Russie], tout en fournissant en ce moment des lance-roquettes et de l'artillerie" à Moscou, a ajouté le JCS. 

Ces effectifs supplémentaires doivent s'ajouter aux quelque 10 000 soldats nord-coréens déjà envoyés en Russie – une information confirmée fin octobre par l'Ukraine et ses alliés occidentaux. Où ces combattants sont-ils déployés ? Quelles sont leurs méthodes de combat ? Combien d'entre eux sont déjà tombés sur le champ de bataille ? Franceinfo revient sur ce que l'on sait des hommes de Pyongyang impliqués dans le guerre qui oppose Moscou à Kiev.

Plus de 3 000 soldats nord-coréens tués ou blessés dans les combats

Depuis leur déploiement sur le front ukrainien fin octobre, plus de 3 000 soldats nord-coréens ont été tués ou blessés au cours des combats, a annoncé lundi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans un communiqué publié sur Telegram. Plus tôt dans la journée, l'état-major sud-coréen avait quant à lui recensé 1 100 combattants nord-coréens touchés sur le front. Le 16 décembre, les forces spéciales ukrainiennes annonçaient déjà sur X avoir tué 50 soldats de Pyongyang et en avoir blessé 47 autres. 

Si le Kremlin et Kim Jong-un n'ont jamais reconnu officiellement la présence de ces troupes sur le sol russe, le Pentagone a estimé qu'il y avait environ 10 000 soldats nord-coréens en Russie lors d'une conférence de presse, fin octobre. Au même moment, Kiev avait appelé tout soldat nord-coréen envoyé par Moscou sur son territoire à se rendre, d'après l'AFP. "Nous avons vu ces soldats nord-coréens passer de la deuxième ligne du champ de bataille à la première ligne du champ de bataille, censés être activement engagés dans des opérations de combat", a déclaré John Kirby, un porte-parole de la Maison Blanche, mi-décembre. 

"Il n'est pas surprenant que des soldats nord-coréens subissent aujourd'hui des pertes sur le champ de bataille."

John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche

lors d'un point-presse

Selon les renseignements sud-coréens, Pyongyang, qui possède la quatrième plus grande armée du monde, prépare actuellement l'envoi de nouveaux contingents militaires en Russie. Cette nouvelle aide militaire semble s'inscrire dans un traité de défense mutuelle entre Pyongyang et Moscou, entré en vigueur début décembre. 

Des troupes mobilisées dans la région de Koursk

Début novembre, le président ukrainien avait dénoncé l'envoi de soldats nord-coréens dans la région russe de Koursk, où Moscou a intensifié ses opérations face à la contre-offensive ukrainienne lancée en août. Volodymyr Zelensky a assuré dans une allocution, mi-décembre, que le Kremlin avait "commencé à utiliser un nombre significatif de soldats nord-coréens dans des assauts".

Le commandant en chef de l'armée ukrainienne, Oleksandre Syrsky, a également déclaré mi-décembre que l'armée russe menait "des opérations offensives intenses dans la région de Koursk, en utilisant activement des unités de l'armée nord-coréenne". Dans le détail, ils sont mobilisés "dans le cadre d'unités combinées de marines et de troupes aéroportées", ont précisé les services de renseignements ukrainiens (GUR) sur Telegram. Pour l'heure, ils sont "seulement là-bas", a précisé le chef d'Etat ukrainien avant de poursuivre : "Mais nous avons des informations suggérant qu'ils pourraient être déployés sur d'autres parties de la ligne de front."

Des hommes détenteurs d'une carte d'identité fournie par la Russie 

Prénoms, noms, lieux de naissance russes… Des soldats nord-coréens ont reçu de faux papiers lors de leur arrivée sur le front, dissimulant ainsi leur réelle identité, selon Kiev. Les forces spéciales ukrainiennes ont annoncé dimanche sur Telegram avoir saisi ces documents sur trois soldats nord-coréens, tués lors des combats dans la région de Koursk.

Une carte d'identité militaire d'un soldat nord-coréen saisie par les forces d'opérations spéciales ukrainiennes et partagées sur Telegram, le 22 décembre. (FORCES SPECIALES UKRAINIENNES / TELEGRAM)

Ces papiers militaires "ne comportent pas de timbre, ni de photo. Les noms patronymiques sont donnés à la manière russe et le lieu de naissance est signé comme étant la République de Touva", une région russe de Sibérie méridionale, près de la Mongolie, précise l’armée. Seules les signatures sur ces documents sont en nord-coréen.

"Cette affaire confirme une fois de plus que la Russie recourt à tous les moyens pour dissimuler ses pertes sur le champ de bataille, ainsi que la présence étrangère", conclut l'armée. Volodymyr Zelensky accuse la Russie d'essayer de dissimuler l'implication de la Corée du Nord dans le conflit, notamment en essayant de "brûler littéralement les visages des soldats nord-coréens morts", a-t-il écrit sur Telegram.

"Pendant leur formation, il leur a même été interdit de montrer leur visage. L'armée russe a essayé d'effacer toute preuve vidéo de leur présence."

Volodymyr Zelensky, président ukrainien

sur Telegram

Le GUR a expliqué sur Telegram que Moscou avait mis en place "un régime spécial de contre-espionnage". "Pour l'admission dans les zones où se trouvent les unités nord-coréennes, les soldats et officiers russes sont contrôlés par des agents du FSB, les téléphones et autres appareils sont saisis", ont-ils précisé. 

Des militaires issus du "Storm Corps", pas habitués aux guerres modernes 

Selon les services de renseignements sud-coréens, ces combattants font partie du "Storm Corps", une unité d'élite des forces spéciales de la Corée du Nord, rapporte l'Institute for the Study of War (ISW). Ils sont principalement utilisés "dans un rôle d'infanterie" – unité militaire qui combat à pied –, a déclaré Patrick Ryder, un porte-parole de la Maison Blanche, lors d'un point-presse. "La Russie a recours depuis longtemps à l'infanterie pour ses forces d'élite dans des assauts frontaux, explique Christina Harward, analyste à l'ISW, au Telegraph. Il y a peu de chances que la Russie déploie les forces nord-coréennes différemment."

Par ailleurs, Lee Woong-gil, un ancien membre du "Storm Corps" réfugié en Corée du Sud, a assuré en novembre au Washington Post que ces soldats n'étaient "pas formés avec la meilleure technologie, ni à des équipements avancés". "S'ils sont déployés sur le champ de bataille, où les Ukrainiens utilisent des technologies avancées, des drones et des missiles, ils n'auront jamais eu cette expérience auparavant", ajoute-t-il. 

"La barrière linguistique reste un obstacle difficile à la gestion et à la coordination des actions."

Les services de renseignement ukrainiens

sur Telegram

De là à parler de chair à canon ? Les troupes nord-coréennes "changent le jeu, car elles utilisent des tactiques différentes de celles auxquelles les Ukrainiens sont habitués", juge à l'inverse Pasi Paroinen, analyste au Black Bird Group, un collectif utilisant des sources d'information publiques basé en Finlande, dans The Kyiv Independent. Pour Lee Hyun-seung, ancien instructeur des forces spéciales en Corée du Nord, ces combattants "s'habitueront au champ de bataille". "Ils apprendront à combattre l'ennemi et trouveront des moyens de survivre"estime-t-il auprès de la BBC.

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