Guerre en Ukraine : "Ce jour-là, j'ai voulu me suicider", enfin libérées, ces Ukrainiennes racontent les sévices subis sous l'occupation russe
Après le départ des soldats russes, repoussés par la contre-offensive ukrainienne, les habitantes racontent les horreurs subies sous l'occupation aux envoyés spéciaux de franceinfo.
Ces petits villages de l'Est de l'Ukraine, au nord de Kharkiv, ont vécu cinq mois sous occupation Russe. Désormais, ces milliers d’habitants ont été libérés grâce à la contre-offensive de l'armée ukrainienne, alors ils peuvent raconter ce qu’ils ont vécu.
La liberté retrouvée dans le village de Stansya se résume peut-être à ça : une discussion entre voisins dans la cour devant les petites maisons en brique rouge, prendre le temps de profiter du soleil de septembre, sortir enfin de l’obscurité de ces cinq mois d’occupation russe. "À 17h, le couvre-feu commençait. Interdit de sortir de chez soi, interdit d’allumer la lumière, raconte Marina. Obscurité totale ! S’ils voyaient une petite lumière à la fenêtre, ils tiraient sans sommation."
Sans gaz, sans électricité, la nuit dans le noir
Et c’est ce qu’ont fait ces soldats russes, un soir de mars, à quelques rues de là, selon Marina : "Ils sont entrés dans une maison où il y avait de la lumière et ils ont abattu un homme et une femme parce qu’une veilleuse ou une bougie était allumée."
Les habitants ont donc vécu dans le noir, sans gaz également, sans électricité, et toujours dans la crainte. "La journée, on pouvait juste sortir dans la cour. Il fallait se dépêcher pour nourrir les poules et les chiens et vite rentrer à la maison, relate Valentina, la voisine de Marina. Il y avait des bombardements tous les jours."
"On vivait dans la peur, la peur totale, la peur au plus profond de soi"
Marina, habitante de Stansyaà franceinfo
Les deux voisines se dirigent au fond de la cour, derrière le jardin potager grâce auquel les habitants ont pu se nourrir. On y trouve une petite usine, un silo à grains et, au sommet, un poste d’observation. "Voilà la guérite. Ils étaient là-haut. Les soldats nous observaient, explique Valentina. On était en permanence sous surveillance." Les habtitants étaient également coupés du monde : aucun moyen de s’informer, hormis un journal de propagande russe distribué aux habitants. Son nom : Kharkiv Z.
"Si tu te refuses à moi, je vais t'arracher la tête"
Dans le village voisin de Nova Hnylytsya, franceinfo a recueilli le témoignage d'une femme qui a subi des violences sexuelles par un soldat russe pendant l'occupation. Dans la cour de la petite maison de Natalia, aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul chien qui aboie quand des inconnus s’invitent chez elle et son frère. Le deuxième chien a été tué en juin par les séparatistes pro-russes durant l’occupation. Ils soupçonnaient Natalia d’être une espionne ukrainienne. Elle est sûre qu'elle a été dénoncée par sa voisine Nina.
Un mois après cet épisode avec le chien, c’est à Natalia que les Russes s’en sont pris. Le soir du 24 juillet, le chef des séparatistes dans le village, entre dans la cour de Natalia. Il s'appelle Olexander, son surnom "le Vieux". "Il m’a dit "je te veux, t’es comme-ci, t’es comme-ça", témoigne Natalia. Je lui ai répondu que je n’étais pas une prostituée. Il m’a dit "si tu te refuses à moi, je vais t’arracher la tête". Alors, qu’est-ce que vous voulez que je fasse… Il avait une kalachnikov, des grenades. J’ai cédé. Il m’a déshabillée, il m’a mise à genoux et j’ai dû assouvir tous ses désirs.. Ce jour-là, j'ai voulu me suicider."
C’est grâce à sa fille que Natalia n’a pas mis fin à ses jours. Sa fille qui lui a aussi conseillé de porter plainte auprès des autorités russes, mais son agresseur "le Vieux" n’a jamais été inquiété. Il est resté là, dans le village, en face de chez Natalia, car c'était son voisin juste en face. Il s’était installé en concubinage avec Nina, la voisine - Nina qui vit avec son fils, un trentenaire nommé Valera. Pendant l’occupation russe, ces trois-là étaient devenus omnipotents ici. Mais tout cela, c'est terminé.
Le jour où les Russes sont partis, Natalia est allée voir Nina et elle lui a dit : "Ton pouvoir est terminé. Le mien ne fait que commencer. Attends de voir." Aujourd’hui Nina et son fils rasent les murs. Natalia et son frère Vitali ne pensent qu’à une chose : se venger. "Si je pouvais, si j’avais une arme, j’irais d’abord lui casser les jambes et après je l’abattrais, lui et toute sa famille", explique Vitali. Natalia n'a qu'une obsession : "Punir ! Les traîtres à la patrie doivent être punis ! Leur pardonner ? Non, je ne pardonnerai jamais… Jamais !" Ici, certains habitants pro-russes ont préféré quitter la région pour passer la frontière. La cohabitation est impossible, il y a des choses qui ne s’oublient pas.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.