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Guerre en Ukraine : ce que l'on sait des déportations d'enfants ukrainiens par la Russie, auxquelles s'attaque l'Union européenne

Plusieurs milliers d'enfants ukrainiens ont été transférés en Russie. Parmi eux, à peine plus de 300 seraient rentrés en Ukraine.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 8min
Un adolescent ukrainien retrouve sa famille à son retour à Kiev, le 22 mars 2023, après avoir été retenu en Russie. (SERGEI CHUZAVKOV / AFP)

"Un rappel horrible des périodes les plus sombres de notre histoire." La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a condamné vendredi 24 mars les enlèvements d'enfants en Ukraine par la Russie depuis le début du conflit. Elle a par ailleurs annoncé l'organisation d'une conférence par l'Union européenne, la Pologne et l'Ukraine pour "que toutes les mesures soient prises" afin de retrouver les enfants déportés et de les reconduire dans leur pays. La responsable européenne n'a néanmoins pas donné de précision sur la date ou la localisation de cet événement.

>> Guerre en Ukraine : la déportation d'enfants ukrainiens, l'arme de "russification" massive du Kremlin

Voici ce que l'on sait de ce qui "constitue un crime de guerre", pour l'ONU. Un crime pour lequel Vladimir Poutine est poursuivi et fait l'objet d'un mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale. 

Des transferts contraires au droit international

Depuis le début des hostilités, en février 2022, les autorités russes déportent des enfants ukrainiens depuis des zones qu'elles contrôlent en Ukraine vers la Russie. Et ce, alors que le droit international interdit l'évacuation d'enfants durant des conflits armés, à de très rares exceptions liées à leur santé ou à leur sécurité, rappelle la Commission d'enquête de l'ONU sur le conflit, dans un rapport (PDF, en anglais) publié mi-mars. "Dans les situations que la Commission a examinées, aucun transfert d'enfant ne semble avoir satisfait aux exigences posées par le droit international humanitaire", précise-t-elle.

L'ONU rapporte plusieurs situations dans lesquelles ces transferts ont lieu. Lorsque "des enfants ont perdu leurs parents ou ont temporairement perdu contact avec eux pendant les hostilités". Lorsque les mineurs "ont été séparés à un point de filtrage à la suite de la détention d'un parent". Ou encore lorsque l'armée russe prend le contrôle d'une zone où des enfants sont "placés dans des institutions"Enfin, des enfants des territoires passés sous le contrôle de la Russie dans les régions de Kharkiv, Kherson et Zaporijjia "ont voyagé temporairement, avec le consentement de leurs parents", pour rejoindre "des camps de vacances en Crimée ou dans la Fédération de Russie", écrit la Commission d'enquête de l'ONU. 

Les déportations ont eu lieu au moins depuis les régions de Donetsk, Kherson et Kharkiv, selon la Commission, qui a étudié le cas de 164 enfants issus de ces territoires. Des "mineurs ont été emmenés dans au moins 57 régions de Russie", précise de son côté l'avocate ukrainienne Ekaterina Rashevskaya, interrogée fin décembre par le média Hromadkse (en russe).

Plusieurs milliers de mineurs concernés

Combien d'enfants ont ainsi été déportés ? Difficile de le savoir. Mi-novembre, Moscou affirmait, d'après l'agence de presse russe Interfax, que plus de 4,7 millions de réfugiés, dont environ 712 000 enfants, étaient entrés sur son territoire "via les points de contrôle" depuis le début de la guerre. Toujours selon Interfax, l'Ukraine évoquait au printemps 240 000 mineurs déportés en Russie, sans préciser s'ils étaient accompagnés d'un parent. De son côté, le Bureau national d'information ukrainien recense 16 200 enfants déportés en Russie jusqu'à fin février, pour lesquels il assure disposer de données confirmées par l'équipe du procureur général ou le ministère de l'Intérieur. 

L'ONG américaine Conflict Observatory recense de son côté "6 000 enfants" déportés, selon un rapport (PDF, en anglais) publié avec le laboratoire de recherche humanitaire de Yale, en février. Et l'ONG Human Rights Watch (HRW) évoque, dans son propre rapport publié en mars, un transfert de "plusieurs milliers d'enfants", dont "plus de 4 500" jeunes Ukrainiens qui étaient placés dans des orphelinats avant la guerre. La Commission d'enquête des Nations Unies reconnaît ne pas avoir pu vérifier les chiffres avancés par les autorités ukrainiennes. 

Des conditions d'accueil douteuses

Entre la Crimée et la Russie, "43 centres de détention" sont chargés d'accueillir les enfants ukrainiens, estiment le laboratoire de recherche humanitaire de Yale et l'ONG Conflict Obervatory. "La plupart sont des camps de loisirs où les enfants sont emmenés pour de prétendues vacances, tandis que d'autres sont des installations utilisées pour héberger des enfants placés dans des familles d'accueil ou adoptés", détaille ce rapport. Ils y sont soumis à une "rééducation" visant à rendre "leurs croyances personnelles et politiques davantage pro-russes", pouvant inclure un entraînement militaire.

Les communications entre les enfants détenus et les parents sont très rares. "Certains parents ont reçu l'ordre de ne pas fournir de téléphones portables à leurs enfants", détaille le rapport de Yale et Conflict Observatory.

Les parents des enfants emmenés en "vacances" ont par ailleurs déclaré à la commission onusienne que "dans certains lieux de transfert, les enfants portaient des vêtements sales, qu'on leur criait dessus et qu'on les insultait. Les repas étaient médiocres et certains enfants handicapés ne recevaient pas les soins et les médicaments nécessaires".

Des déportations qui visent la "russification" des enfants

Selon l'avocate ukrainienne Ekaterina Rashevskaya, les mineurs qui rejoignent des "centres pour la promotion de l'éducation familiale" peuvent ensuite être ajoutés à la banque fédérale d'adoption (en russe), une plateforme en ligne qui met à disposition du public les données de ces mineurs (âge, particularités, etc.). Mais la loi interdit en principe aux Russes d'adopter des enfants étrangers. Vladimir Poutine a donc signé un décret (en russe), le 30 mai, prévoyant une procédure de naturalisation simplifiée pour les orphelins et les enfants ukrainiens privés de soins parentaux. Un processus faussé, puisqu'"il ne semble pas que les autorités russes aient cherché à établir un contact avec les parents des enfants ou avec les autorités ukrainiennes", précise le rapport de la commission onusienne.

La commissaire présidentielle russe aux Droits de l'enfant, Maria Lvova-Belova, a ensuite laissé entendre sur Telegram (en russe) que la présence de ces enfants en Russie serait permanente. "Maintenant qu'ils sont devenus des citoyens russes, la tutelle temporaire peut devenir permanente", a-t-elle assuré en juillet. En décembre, au moins "400 enfants" avaient été adoptés par des familles russes, selon le rapport d'HRW, dont le comptage est fondé sur des déclarations de responsables russes.

Cette politique de naturalisation, menée en toute hâte, est l'un des outils utilisés par la Russie dans son "effort coordonné pour absorber [ces mineurs] dans la société russe", dénonce Amnesty International dans un rapport (PDF) publié en novembre.

Des retours en Ukraine au compte-goutte

Parmi les enfants déportés, seuls 308 ont regagné l'Ukraine, rapporte le 21 mars l'agence Interfax, qui cite le Bureau national d'information ukrainien. Les parents des enfants qui avaient été envoyés en "vacances" en Crimée ou en Russie ont déclaré à la Commission d'enquête des Nations Unies que, "lorsque ces régions sont revenues sous le contrôle du gouvernement ukrainien, les autorités russes ont exigé que les parents ou les tuteurs légaux se déplacent en personne pour récupérer leurs enfants". Cette démarche "impliquait des déplacements longs et compliqués, ainsi que des risques pour la sécurité. Tous les parents n'ont donc pas pu le faire, ce qui a entraîné des séparations familiales prolongées, voire indéfinies".

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