Guerre en Ukraine : face à l'offensive russe sur Kharkiv, où en est l'aide militaire promise par les alliés de Kiev ?
L'armée ukrainienne est à la peine. Comme Kiev le redoutait, Moscou a lancé une offensive terrestre dans la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine, vendredi 10 mai. Ce territoire frontalier avec la Russie, particulièrement disputé depuis le début de la guerre, avait été repris en grande partie par l'armée ukrainienne en septembre 2022. Entre samedi et dimanche, la Russie a annoncé la prise de neuf villages dans la région, dont plus de 4 000 habitants ont été évacués, selon le gouverneur.
"Perturber les plans d'offensive russes est désormais notre tâche numéro un", a assuré samedi soir Volodymyr Zelensky, assurant que les troupes ukrainiennes avaient mené des contre-attaques dans les villages frontaliers. Mais le président ukrainien a aussi exhorté, une nouvelle fois, ses alliés à accélérer les livraisons d'armes, qui tardent à arriver sur le front.
Washington tente de compenser des mois de tergiversation
Ces difficultés d'approvisionnement découlent en partie des divisions aux Etats-Unis. Le 20 avril, les parlementaires américains ont finalement accepté d'accorder 61 milliards de dollars pour aider militairement et économiquement l'Ukraine. Demandée par Joe Biden, cette aide a longtemps été bloquée par une partie des républicains, au point que le Congrès n'avait pas voté de grande enveloppe pour son allié depuis près d'un an et demi.
L'acheminement des armes promises va cependant prendre un certain temps. Citant des analystes et des responsables militaires, le New York Times croit savoir que les livraisons seront effectives au plus tôt dans l'été. "Les Russes savent qu'ils ont moins de deux mois pour attaquer. Car après, nous disposons des moyens promis par les Américains", espère quant à lui le commandant ukrainien Iouri Fedorenko.
D'ici là, Washington tente de compenser en multipliant les initiatives. La Maison Blanche a annoncé vendredi une aide de 400 millions de dollars, comprenant des armes dont l'Ukraine a un besoin "urgent", notamment de systèmes antiaériens Patriot, selon le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. La troisième nouvelle enveloppe depuis fin avril, pour un total de plus de 7 milliards de dollars.
Les Européens cherchent de nouvelles ressources
L'enjeu est stratégique, car les Etats-Unis sont, de très loin, le premier soutien militaire de l'Ukraine, qui ne peut pas attendre une aide aussi conséquente de ses soutiens européens. Fin avril, le Royaume-Uni a bien promis 500 millions de livres d'aide militaire supplémentaire. Mais cette contribution porte à trois milliards de livres le soutien annuel de Londres à Kiev, une somme sans commune mesure avec l'enveloppe américaine.
Principal financeur européen de l'Ukraine, l'Allemagne a aussi débloqué 500 millions d'euros supplémentaires mi-mars, mais refuse toujours d'envoyer des missiles de croisière Taurus, ces armes de longue portée réclamées depuis un an par l'armée ukrainienne. Le chancelier allemand, ainsi qu'une partie du Bundestag, estiment que leur utilisation en Ukraine nécessiterait la mobilisation de militaires allemands. "J'ai la responsabilité d'empêcher que l'Allemagne participe à cette guerre", a réaffirmé Olaf Scholz devant le Parlement, mi-mars.
Le soutien de l'Union européenne est aussi compliqué par la difficulté des Vingt-Sept à s'accorder sur des aides communes. Après des semaines de tractations, un accord a finalement été trouvé, le 13 mars, pour ajouter 5 milliards d'euros à un fonds commun visant à rembourser aux Etats membres les armes données à l'Ukraine. Mais les exigences de Paris et Berlin sur la manière d'utiliser cet argent ont retardé la conclusion de l'accord.
Les Européens, conscients de l'urgence sur le terrain, ont cherché des financements tous azimuts. Mercredi, ils ont conclu un accord "de principe" pour utiliser les avoirs russes gelés dans l'UE pour armer les forces ukrainiennes, un sujet âprement débattu entre les Vingt-Sept. Mais si la valeur cumulée de ces avoirs est estimée à 200 milliards d'euros, Bruxelles estime pouvoir en tirer une manne de 2,5 à 3 milliards d'euros par an en faveur de Kiev.
Des pays réticents à se séparer de certains équipements
Washington met la pression à ses alliés en Europe pour accélérer la livraison des fameux Patriot, ces systèmes de défense antiaérienne qui ont l'avantage d'être connus de l'armée ukrainienne. Le président Zelensky a déclaré, le 19 avril, que l'Ukraine avait besoin de "sept Patriots supplémentaires ou de systèmes de défense aérienne similaires" pour protéger ses villes.
Ces systèmes permettraient à l'Ukraine de "contrer les bombes russes, que [Moscou] utilise pour pilonner les positions défensives et les cibles civiles, telles que les centrales électriques", explique Marina Miron, chercheuse au département d'études sur la guerre du King's College de Londres, à la BBC.
Si ces missiles sont fabriqués par les Etats-Unis, plusieurs armées européennes en possèdent dans leur arsenal, comme l'Espagne, la Grèce, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède. Certains de ces pays se montrent réticents se séparer de ces équipements, vitaux pour leurs plans de défense régionaux. Les médias espagnols ont ainsi rapporté fin avril que le gouvernement de Pedro Sanchez aurait subi de fortes pressions de la part de l'Union européenne et de l'Otan pour faire don de ses systèmes de défense.
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