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Guerre en Ukraine : pourquoi Volodymyr Zelensky joue gros avec son discours devant l'ONU

Le président ukrainien monte pour la première fois, mardi, à la tribune de l'ONU. Après un an et demi de guerre, il entend faire une "proposition concrète" pour améliorer la capacité de l'organisation à arrêter "l'agression" d'un Etat.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Volodymyr Zelensky intervient en visioconférence à la tribune de l'ONU, à New York (Etats-Unis), le 21 septembre 2022. (ANGELA WEISS / AFP)

"Il est très important que nos paroles, tous nos messages, soient entendus par nos partenaires". A la veille de l'Assemblée générale annuelle des Nations Unies, Volodymyr Zelensky ne minimisait pas la portée de son prochain discours. Pour la première fois, le président ukrainien va s'adresser en personne à la tribune de l'ONU, mardi 19 septembre, à 15 heures (heure de Paris). Il y a un an, il avait exceptionnellement été autorisé à intervenir, mais via un message vidéo. 

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Cette prise de parole intervient alors que le monde reste divisé sur la position à adopter face à la guerre en Ukraine, qui dure depuis un an et demi, et que la contre-offensive ukrainienne n'avance pas aussi vite qu'espéré. A travers cette intervention, Kiev entend donc consolider le soutien de ses alliés, et proposer des mesures pour renforcer l'intégrité territoriale des Etats. Franceinfo revient sur les enjeux de cette intervention diplomatique pour le chef de l'Etat ukrainien.

Il veut consolider l'aide des alliés occidentaux

Depuis le début de l'invasion russe, l'Ukraine a reçu plusieurs dizaines de milliards d'euros d'aide de la part de ses alliés occidentaux. Les Etats-Unis, premier partenaire de Kiev, ont fourni près de 70 milliards d'euros d'aide, rappelle l'institut Kiel, centre de recherches allemand. De leur côté, les pays de l'Union européenne ont fourni au total 124,07 milliards euros d'aide. 

Mais, alors que l'Otan estime que la guerre en Ukraine va être "longue" et que la contre-offensive menée par Kiev est plus lente que prévu, Volodymyr Zelensky continue d'appeler ses partenaires à intensifier leur soutien. Le 8 septembre, il a blâmé la "lenteur" des livraisons d'armes occidentales, demandé des armes à longue portée ainsi que de nouvelles sanctions contre Moscou. "Il y a la crainte que la lassitude s'installe côté occidental", observe Ulrich Bounat, chercheur associé à l'Institut Open Diplomacy. 

Volodymyr Zelensky estime également que le temps joue contre son pays, puisque la Russie mise sur une victoire républicaine à la présidentielle de 2024 pour affaiblir le soutien américain à l'Ukraine. Mais l'attitude pressante du président ukrainien a suscité l'agacement de ses alliés. "Nous ne sommes pas Amazon (…) Les gens veulent voir de la gratitude", avait ainsi dénoncé le ministre de la Défense britannique, Ben Wallace, cité par le Financial Times lors du sommet de l'Otan à Vilnius (Lituanie). Une mise en garde que Volodymyr Zelensky pourrait prendre en compte lors de son discours devant les Nations Unies, souligne le New York Times. Durant de la visite du secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken à Kiev, le 6 septembre, le président ukrainien avait déjà opéré un changement de ton en remerciant huit fois Washington pour son soutien lors du conflit.

Il va plaider la cause de l'Ukraine auprès des Etats "neutres"

Depuis l'invasion russe, une écrasante majorité de pays a adopté à l'Assemblée générale de l'ONU plusieurs résolutions soutenant l'Ukraine et son intégrité territoriale, ou réclamant un départ des troupes de Moscou. Mais plusieurs pays en Afrique, Asie et Amérique latine ont refusé de condamner l'initiative du Kremlin. A la tribune de l'ONU, Volodymyr Zelensky aura donc l'occasion de réitérer sa demande de soutien aux dirigeants de ces pays.

Il pourrait faire valoir que la guerre n'est pas seulement une question de sécurité européenne, mais une crise économique mondiale, analyse Ulrich Bounat. "Certains pays du Sud ne voient la guerre en Ukraine qu'à travers ses répercussions : inflation, augmentation du prix des céréales et des hydrocarbures", énumère le chercheur. 

"Volodymyr Zelensky a toujours eu pour volonté de s'adresser aux pays neutres qui ne soutiennent ni la Russie, ni l'Ukraine, afin de les rallier à sa cause."

Ulrich Bounat, analyste en relations internationales

à franceinfo

Certains pays du Sud, comme le Brésil, plaident par ailleurs pour une solution diplomatique. Le 15 avril à Shanghai (Chine), le président brésilien Lula avait estimé que les Etats-Unis et l'UE devaient "cesser d'encourager la guerre et commencer à parler de paix", cite France 24. Mais l'Ukraine, comme ses alliés occidentaux, s'opposent à tout règlement pacifique de la guerre. "Cela reviendrait à geler le conflit et donner la victoire à la Russie. Moscou conserverait les territoires ukrainiens annexés depuis 2014, et ceux gagnés pendant la guerre", pointe Ulrich Bounat. L'intervention de Lula, premier chef d'Etat à prendre la parole à l'ONU, sera donc particulièrement scrutée. 

Il va appeler à renforcer l'intégrité territoriale des Etats

"L'Ukraine présentera une proposition concrète aux Etats membres de l'ONU sur la façon de fortifier le principe d'intégrité territoriale et d'améliorer la capacité de l'ONU à déjouer et arrêter une agression", a prévenu Volodymyr Zelensky sur X (ex-Twitter). En s'exprimant dans l'enceinte des Nations unies, le président ukrainien "a l'occasion de situer le sort de son pays dans un cadre auquel les autres peuvent s'identifier (…) comme le respect de la souveraineté", qui constitue l'un des principes fondateurs de l'ONU, souligne auprès de Libération Stewart Patrick, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace.

Diffusée dans de nombreux pays, la propagande russe affirme que Moscou était légitime à envahir l'Ukraine, souligne le spécialiste. "Volodymyr Zelensky va avoir l'occasion de décrire la nature des atrocités et des crimes que la Russie a infligés à son pays. Il peut aussi rappeler (…) que son pays est celui qui subit le plus, aujourd'hui, la violation des principes fondateurs de l'ONU. "

"C'est une belle démarche sur le papier, mais certainement illusoire", commente Ulrich Bounat. Le Conseil de sécurité de l'ONU, qui est notamment chargé de prévenir une aggravation d'un conflit et de maintenir la paix, est "sans cesse bloqué par les Russes et les Chinois, qui y ont un droit de veto", rappelle le chercheur.

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