Guerre en Ukraine : quatre questions sur la Transnistrie, cette région de Moldavie qui pourrait basculer dans le conflit
Le gouvernement moldave redoute que ce petit Etat indépendant autoproclamé devienne une base arrière des forces russes, à l'image de la Biélorussie dans le Nord.
La guerre en Ukraine risque-t-elle de déborder sur la Moldavie ? La France a annoncé, mercredi 27 avril, soutenir ce petit pays de 2,6 millions d'habitants face "aux risques de déstabilisation", a fait savoir le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, après une série d'explosions dans la région séparatiste prorusse de Transnistrie. Washington met également en garde contre une "escalade des tensions" autour de ce territoire, enclavé entre la Roumanie et l'Ukraine.
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La Moldavie subit déjà les conséquences de la guerre en Ukraine, avec l'afflux de plus de 400 000 personnes ayant fui les combats. Mais le pays redoute désormais d'être gagné par le conflit, d'autant que ses relations avec la Russie se sont tendues depuis l'arrivée à la tête de l'Etat en 2020 de Maïa Sandu, pro-européenne. Franceinfo vous explique pourquoi la situation dans la région de Transnistrie est source d'inquiétudes.
1Où se situe la Transnistrie et quelle est son histoire ?
La Transnistrie est une bande de terre longue de 450 kilomètres sur 10 kilomètres de large, coincée entre l'Ukraine et la Moldavie, où résident quelque 470 000 personnes. En 1991, ce territoire a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Moldavie, car sa population, essentiellement russophone, réclamait son rattachement à la Russie. Une brève guerre civile a alors éclaté, de mars au 21 juillet 1992, date de proclamation du cessez-le-feu entre les forces russes, venues soutenir les séparatistes transnistriens, et l'armée moldave.
Depuis, il n'y pas eu d'autres épisodes d'affrontements et, comme au Donbass, la Transnistrie est désormais considérée comme une république séparatiste autoproclamée. Elle a sa propre capitale, Tiraspol, son gouvernement, son armée et sa monnaie, le rouble de Transnistrie. Elle est "de facto indépendante, mais reconnue par aucun Etat, pas même la Russie, qui la soutient pourtant largement", souligne Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof et chercheur-associé au centre HEC Paris de géopolitique, dans Le Journal du dimanche.
Depuis trente ans, des forces russes sont en effet stationnées sur ce territoire : 1 500 hommes assurent, officiellement, une mission de maintien de la paix entre les deux camps. En réalité, ces effectifs servent "surtout à gêner le gouvernement moldave", car "le Kremlin supporte mal l'idée que la Moldavie se tourne vers l'Union européenne", analyse un diplomate occidental pour L'Express. Des milliers de tonnes d'armements russes anciens y sont également entreposées.
La région est maintenue sous perfusion de la Russie, qui exerce une forte influence et y fournit gratuitement du gaz. Le principal conglomérat du pays, Sheriff, détenu par des anciens des services de sécurité soviétiques, "contrôle les médias et possède toutes les entreprises rentables de la région séparatiste : l'unique opérateur télécom de [réseau mobile professionnel], les secteurs du BTP et du textile, des hôtels, des banques, les activités vins & spiritueux et, au-delà, une large partie du secteur de l'élevage", explique Le Monde. Les habitants n'ont d'ailleurs jamais fait mystère de leur volonté d'intégrer la Russie.
2Que se passe-t-il sur place ?
Une série d'explosions s'est produite en début de semaine en Transnistrie. Lundi, un bâtiment officiel a été la cible d'une attaque au lance-roquettes à Tiraspol. Mardi, deux détonations ont endommagé une tour radio dans le village de Maïak. Deux "puissantes" antennes qui relayaient les fréquences radio russes y ont été mises hors service, selon le gouvernement moldave.
La situation a continué de s'aggraver mercredi, alors qu'un village de Transnistrie, situé à environ deux kilomètres de la frontière ukrainienne, a été la cible de tirs. "La nuit dernière, plusieurs drones ont été repérés au-dessus du village de Kolbasna", a écrit le ministère de l'Intérieur de Transnistrie dans un communiqué, ajoutant que "des coups de feu ont été tirés depuis l'Ukraine", sans faire de victimes. Un grand dépôt d'armes, datant de la période soviétique, s'y trouve sous le contrôle de soldats russes déployés sur ce territoire.
3Pourquoi ces attaques font craindre une extension du conflit ukrainien ?
Ces explosions restent inexpliquées et la situation est confuse. S'agit-il d'actions dirigées contre la Russie ? Ou bien les Russes les auraient-ils eux-mêmes provoquées dans le but de justifier une intervention en Transnistrie ? C'est ce que Kiev avance, accusant Moscou de chercher à "déstabiliser" le territoire. "Si l'Ukraine tombe, demain les troupes russes seront aux portes de Chisinau", la capitale moldave, s'est inquiété le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak. Les soldats russes présents en Transnistrie ont été placés en "état d'alerte totale", a affirmé de son côté le ministère de la Défense ukrainien.
Signe de l'inquiétude qui règne en Moldavie, la présidente Maïa Sandu affiche une certaine retenue, dénonçant une "tentative pour accroître les tensions". Elle a annoncé une série de mesures, comme le renforcement des contrôles sur les routes et dans les transports, des patrouilles frontalières et des dispositifs supplémentaires pour protéger les infrastructures essentielles.
Sans aller jusqu'à attribuer la responsabilité des explosions à Moscou, le porte-parole du département d'Etat américain Ned Price a déclaré devant la presse : "Nous demeurons préoccupés face à toute tentative potentielle d'engendrer une escalade des tensions."
De son côté, la Russie dit suivre "attentivement" la situation, a souligné mardi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, ajoutant que "les informations qui en proviennent suscitent l'inquiétude". Les autorités locales, prorusses, ont décidé de relever pour 15 jours le niveau d'alerte "terroriste", renforçant ainsi les pouvoirs des forces de sécurité.
4La Russie cherche-t-elle à s'emparer de cette région ?
C'est ce que la Moldavie redoute, craignant d'être submergée par l'offensive militaire que mène la Russie en Ukraine depuis plus de deux mois. Certains analystes estiment que la Transnistrie pourrait servir de tête de pont à l'invasion du sud de l'Ukraine, à l'image de la Biélorussie pour le Nord.
La semaine dernière, un général russe a affirmé que la population russophone de Moldavie était "victime d'oppression", l'un des prétextes invoqués par le Kremlin pour intervenir en Ukraine afin de "défendre" la minorité russe.
D'autres observateurs pensent que la Russie pourrait aussi tenter de déstabiliser la Moldavie. Jusqu'à présent, Chisinau avait réussi à préserver un certain apaisement avec la Transnistrie, laissant même entrevoir une possible réunification. Mais les tensions semblent reprendre, alors que Maïa Sandu vient de signer une demande formelle d'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne afin de se protéger d'une éventuelle avancée de l'armée russe. La Transnistrie s'est alors immédiatement tournée vers l'ONU pour demander la reconnaissance de son indépendance, rapporte Courrier International.
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