Guerre en Ukraine : "Tout ira bien, je crois en la victoire", le journal intime d'un écrivain ukrainien exhumé après son exécution par les forces russes
Un journal intime a été exhumé dans la région d'Izioum, dans le nord-est de l'Ukraine, après le retrait des soldat russes en septembre dernier. Son auteur, Volodymyr Vakulenko, y décrivait méthodiquement la guerre avant d'être exécuté par les forces russes pour ses positions anti-Moscou.
C'est un manuscrit d'une trentaine de pages écrites sur le vif, que Volodymyr Vakulenko a pris soin d'enterrer dans le jardin de la maison de ses parents, sous un cerisier, avant son arrestation. Viktoria Amelina – également écrivaine – a déterré ce journal intime après le retrait chaotique des forces russes en septembre dernier. "J'étais la première Ukrainienne à venir dans sa maison après la libération et son père m'a montré où il l'avait caché. Il avait bien creusé pour le trouver mais sans succès, il était désespéré. Je me suis mis à creuser à mon tour, que faire d'autre ?" Elle a fini par trouver le précieux document. "Volodymyr l'avait enveloppé dans un simple sac plastique de supermarché, il y avait de la terre noire dessus et quand j'ai ouvert le paquet, le papier était un peu mouillé. J'étais donc inquiète pour sa préservation, c'est la raison pour laquelle je l'ai confié au musée littéraire de Kharkiv."
Récit de la vie sous l'occupation russe
Volodymyr Vakulenko, qui se savait menacé par l'arrivée des soldats russes, a décidé de rester aux côtés de son fils Vitaly, adolescent et autiste. La guerre fait rage et il le couche dans son journal : "Les combats comme une vipère en colère grimpaient au plus près de ma ville natale. (…) Quelques jours après, des avions ennemis ont visé des quartiers résidentiels. Pas loin de mon village, quatre maisons ont été balayées comme si elles n'avaient jamais été là. il ne restait qu'un énorme cratère et des briques transformés en pierre broyée. La route était couverte d’éclats d'obus (…)Au début de la rue il ne restait qu'un mur et au fond du cratère une canalisation d'eau arrachée d'où un ruisseau d'eau coulait tel du sang s’échappant d'une artère coupée."
Ces écrits de Volodymyr Vakulenko s'inscrivent dans une longue liste d'ouvrages ukrainiens du mouvement de résistance contre l'impérialisme russe, estime Tetiana Pylyptchouk, la directrice du musée littéraire de Kharkiv qui a nettoyé et numérisé le journal pour le mettre à disposition des visiteurs. "Le musée a déjà sauvegardé de nombreux documents qui témoignent des crimes commis par la Russie en Ukraine par le passé et notamment au début du XXe siècle. Ce journal vient compléter la collection. C'est une suite tragique, les écrits de Volodymyr relatent la vie sous l'occupation russe, cette nouvelle tentative d'éliminer l'Ukraine et la littérature ukrainienne qu'il représentait."
Lorsque l'armée russe finit par faire son entrée dans son village de Kapytolivka, Volodymyr Vakulenko se fait plus discret. "Les premiers jours de l'occupation, j'ai pris un coup de vieux, sans doute aussi à cause de la faim ... Maintenant je me suis ressaisi. Je laboure même mon potager un tout petit peu, et j'ai fait mes réserves de pommes de terre dans ma maison", écrit-il.
Volodymyr Vakulenko "a été dénoncé"
Mais son activisme ne plaît pas à tout le monde dans le village. Le 24 mars, il est arrêté par les forces russes et on ne le reverra plus vivant. "Volodymyr savait qu'il serait trahi par quelqu'un car c'est un village où tout le monde se connaît. Ces voisins savaient qu'il ne parlait que l'ukrainien, que c'était un fervent partisan de l'indépendance de l'Ukraine et comme il y avait des collaborateurs parmi les habitants, il a été dénoncé. Quelqu'un a dit aux occupants qu'il était un militant de la cause ukrainienne et a donné son adresse. C'est comme ça", explique Viktoria Amelina.
Il faudra le retour de l'armée ukrainienne dans la région pour apprendre que Volodymyr Vakulenko a été exécuté. Son corps a été découvert dans une fosse commune d'Izioum. Son journal de guerre sera publié dans les prochaines semaines. Voici ses derniers mots : "Les petits oiseaux ne chantent que le matin. L'après-midi, même les corbeaux hargneux se taisent. Pour le reste, c'est la musique dans mon portable qui me permet de tenir. Aujourd'hui, fête de la poésie, j'ai été salué par des grues qui volaient haut dans le ciel et j'ai cru les entendre chanter : 'tout ira bien en Ukraine. Je crois en la victoire'".
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