"L'Ukraine a une liste interminable de besoins en matériels électriques", selon le représentant des distributeurs européens
Roberto Zangrandi est secrétaire général d'E.DSO, qui regroupe les grandes compagnies européennes de distribution d'électricité. Il revient sur l'aide apportée à l'Ukrainien DTEK et sur les difficultés qui entourent cette assistance matérielle.
L'Ukraine bientôt dans le noir ? Après plus d'un mois et demi de frappes russes ciblées, près de la moitié des infrastructures énergétiques sont déjà "hors d'état de fonctionner" dans le pays. Le Premier ministre, Denys Chmygal, a réclamé vendredi un "soutien supplémentaire" de l'Union européenne pour passer l'hiver, et ce alors que les premières chutes de neige ont eu lieu.
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Quels sont les besoins actuels ? Et qu'en est-il de l'aide fournie par les compagnies européennes ? Franceinfo a interrogé Roberto Zangrandi, secrétaire général d'E.DSO, association européenne des principaux distributeurs d'électricité.
Franceinfo : Etes-vous surpris par l'ampleur des destructions ?
Roberto Zangrandi : Dans une guerre de ce type, et dans cette logique d'agression, je pense que c'était malheureusement inévitable. Les infrastructures critiques, c'est-à-dire tout ce qui est fondamental pour la vie des citoyens (électricité, transports, eau...) sont les structures les plus menacées après les installations militaires.
Que faites-vous pour aider l'Ukraine ?
Il y a six ou sept compagnies en Ukraine, mais nous discutons directement avec notre membre DTEK, qui est la plus grande société électrique du pays. Nous avons commencé à apporter une aide substantielle à partir de février, au tout début de l'agression russe. Un comité interne a été mis en place pour intervenir aussi rapidement que possible, là où c'était possible. Cela a permis de restaurer l'électricité dans plusieurs parties du pays, lors de la première phase du conflit.
Il y a eu l'envoi de trois différents générateurs, puis des envois ont été organisés depuis les pays voisins de l'Ukraine (pays baltes, Pologne, Roumanie, République tchèque, Slovaquie). La première liste comportait 600 matériels, et nous avons fait au mieux, sans pouvoir satisfaire l'intégralité de ces demandes. Le dernier grand envoi de 32 tonnes, parti cet été, a été organisé par les membres portugais, qui étaient les mieux dotés pour le matériel réclamé.
Le réseau électrique est ciblé par Moscou. Quels sont les besoins de Kiev aujourd'hui ?
Avec l'intensification des frappes sur le réseau électrique ukrainien, nous avons reçu une liste très longue d'équipements à fournir : des générateurs électriques, des interrupteurs de réseaux sophistiqués, des transformateurs, des isolateurs, 302 kilomètres de câbles et 102 kilomètres d'un autre type... C'est la dotation minimale pour que la compagnie ukrainienne puisse continuer à fonctionner. Nous n'en sommes qu'à la phase de secours, et pas encore à celle de reconstruction du réseau. A l'avenir, les distributeurs européens auront sans doute un rôle important à jouer.
Quel est le volume des aides depuis le début de la guerre ?
Le montant total de l'aide est difficile à évaluer : certains matériels sont neufs, d'autres étaient en réserve... Nous n'avons pas encore d'estimation globale mais c'est sans doute plusieurs centaines de milliers d'euros. Le Français Enedis, par exemple, a mis 100 000 euros à disposition pour les aides techniques.
Quels sont les freins à l'aide européenne ?
La plus grande difficulté est d'abord logistique, car il s'agit de remettre ces équipements entre les bonnes mains. Par ailleurs, il ne suffit pas d'ouvrir une armoire. L'opération est complexe en raison des quantités réclamées et des spécifications du réseau ukrainien, d'héritage soviétique. Les standards ne sont pas forcément les mêmes que ceux utilisés habituellement par nos membres européens. Par exemple, il existe des différences pour les valeurs de tension et de voltage des transformateurs et des interrupteurs. Il est souvent difficile de remplacer les pièces détruites en Ukraine.
Votre aide va-t-elle s'accroître dans les prochaines semaines ?
Nous ne sommes pas encore à 110%, mais notre effort est déjà très élevé. Par ailleurs, la Commission européenne a délégué une grande partie des aides techniques à une organisation qui s'appelle Energy Community, basée à Vienne, en Autriche. Elle coordonne les opérateurs électriques, distributeurs et producteurs, au niveau de l'Union européenne et de pays limitrophes.
Pendant les premières semaines de la guerre, par ailleurs, nous avions également aidé beaucoup de familles – pas seulement celles de travailleurs –, à rejoindre la Pologne, la Roumanie et la République tchèque. La compagnie DTEK vient de nous envoyer une nouvelle requête de support humanitaire pour rouvrir la possibilité d'accueillir des personnes déplacées, qui ont perdu leur logement.
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