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Penser l'Ukraine d'après la guerre : construire une psychiatrie moderne

La Russie a déclenché les hostilités le 24 février 2022. Un an et demi plus tard, alors que les combats se poursuivent, franceinfo vous présente celles et ceux qui imaginent l'Ukraine de l'après-guerre. Pour le Dr Semion Glouzman, défenseur des droits humains et président de l’Association des psychiatres d’Ukraine, il s'agira de panser les plaies d'une société traumatisée.
Article rédigé par franceinfo, Dominique André - Anna Ognyanyk
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Penser l'Ukraine d'après la guerre : la psychiatrie avec le Dr Semion Glouzman. (DR / GRAPHISME STEPHANIE BERLU)

Le Dr Semion Glouzman, 77 ans, est l'une des figures emblématiques de la psychiatrie ukrainienne. Son nom est également inscrit sur la longue liste des dissidents qui furent internés dans les camps du régime soviétique, l'Ukraine ayant décrété son indépendance vis-à-vis de l’URSS le 24 août 1991.   Arrêté en 1972, Semion Glouzman a été enfermé dans un goulag pour avoir refusé de participer en tant que médecin au traitement de choc des opposants enfermés dans des hôpitaux spéciaux pour "schizophrénie à évolution lente" ou "inaptitude à vivre en société". Les organisations de défense des droits humains s’étaient mobilisées à l’époque pour obtenir sa libération .  

Le passé du Dr Glouzman, qui est vénéré par les Ukrainiens, l’autorise à discuter franchement avec le chef de l’État Volodymyr Zelensky pour que les autorités du pays ne se trompent pas dans le programme de reconstruction du secteur de la santé.  

De fait, les conséquences humaines du conflit qui opposent la Russie à l’Ukraine donnent le vertige. Le gouvernement ukrainien ne publie pas le nombre de victimes, mais le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a dénombré en janvier 2023 plus de 18 358 victimes civiles en Ukraine, 7 031 personnes tuées et 11 327 blessées. En avril dernier, des évaluations faites par les services de renseignement américains indiquaient que 15 000 hommes en âge de travailler avaient été tués ou blessés. Le chef d’état-major norvégien, le général Eirik Kristoffersen, parle de son côté de 30 000 civils tués en Ukraine.

Un lourd tribut qui inquiète les professionnels de la santé. Le taux de fécondité du pays, déjà l’un des plus bas du monde du fait du vieillissement de la population, serait passé de 0,9 à 0,7 % depuis le début de la guerre. Que ce soit sur le plan physique ou mental, la santé des Ukrainiens est une priorité dans la reconstruction de la nation. 

>> REPORTAGE. "On ne vit pas, on survit" : après dix mois de guerre en Ukraine, la santé mentale des Ukrainiens est dramatique

Le programme de reconstruction du pays après la guerre est l’occasion d’une réforme de fond de la psychiatrie ukrainienne, souligne le Dr Glouzman, qui insiste pour l’émergence d’une psychiatrie moderne dans une spécialité étouffée par un système qu’il qualifie de "post-soviétique".  

"Il faut faire quelque chose pour qu’ils aient accès aux savoirs des meilleurs spécialistes mondiaux et à des manuels de formation modernes." 

Dr Semion Glouzman

à franceinfo

Le gouvernement ukrainien a lancé une série de discussions pilotées par l’épouse du président, Olena Zelenska, avec les professionnels de la santé et la communauté internationale. Une feuille de route de la santé psychiatrique "pendant et après la guerre" vient d’être rendue publique, mais le Dr Glouzman s’inquiète encore de décisions prises par les autorités, comme la nomination ou le renvoi d’un ministre de la Santé "sans avoir entendu l’avis des médecins".  

Le défi de la reconstruction du secteur est immense. À la nécessité d’une psychiatrie moderne s’ajoute la gestion de l’urgence du quotidien, comme la destruction des hôpitaux par les missiles russes. À Kharkiv et Izioum, les patients psychiatriques en manque de médicaments ont dû vivre dehors, nourris par les équipes médicales qui faisaient réchauffer la nourriture sur un feu de bois.  

Le gouvernement ukrainien a lancé une série de discussions pilotées par l’épouse du président, Olena Zelenska, avec les professionnels de la santé et la communauté internationale. Une feuille de route de la santé psychiatrique "pendant et après la guerre" vient d’être rendue publique, mais le Dr Glouzman s’inquiète encore de décisions prises par les autorités, comme la nomination ou le renvoi d’un ministre de la Santé "sans avoir entendu l’avis des médecins".  

Le défi de la reconstruction du secteur est immense. À la nécessité d’une psychiatrie moderne s’ajoute la gestion de l’urgence du quotidien, comme la destruction des hôpitaux par les missiles russes. À Kharkiv et Izioum, les patients psychiatriques en manque de médicaments ont dû vivre dehors, nourris par les équipes médicales qui faisaient réchauffer la nourriture sur un feu de bois. 

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