: Reportage "C'est l'Ukraine ici !" : près de Kurakhove, dans l'est du pays, les habitants s'inquiètent de l'avancée des Russes
Assaut après assaut, mètre après mètre, l’armée russe poursuit son avancée, lente mais régulière, sur les territoires ukrainiens de la région de Donetsk. L’objectif pour Moscou semble de conquérir toute la région avant d’entamer d’hypothétiques négociations de paix avec Kiev. Dans le secteur de Kurakhove où les combats sont les plus intenses en ce moment, les civils redoutent cette ligne de front qui se rapproche chaque jour un peu plus d’eux.
À une trentaine de kilomètres du front, un tout petit marché se tient sur une place du village, avec quatre étals et où s’attardent quelques grappes de soldats venus souffler un peu, à l’écart du front. Youri, chapka sur les oreilles, tente sans grand succès de vendre les quelques produits de son jardin : "Je cultive des pastèques, des concombres, des framboises, des groseilles, de l’ail, des courges. Je vends aussi de vieilles affaires, des choses qui me restent de mon père".
"Et quoi, je les abandonne ?"
Youri est arrivé ici en 2014, quand il a fui les combats dans sa ville de Donetsk, 100 kilomètres plus à l’est. Forcément, il suit avec appréhension l’avancée des Russes qui semblent le poursuivre depuis 10 ans.
"On n'arrive pas à se débarrasser d’eux, putain !"
Yourià franceinfo
"Tous les jours, on entend les combats. Ils s’approchent de plus en plus. Je pense déjà à où je pourrais encore fuir. Ici, grâce à Dieu, j’ai ma maison. Et si je pars, je devrais louer quelque chose et je n’ai pas les moyens, ni pour louer, ni même pour vivre. J’ai la retraite minimum, c’est pour ça que je suis ici", explique Youri.
Sacha, lui, vit dans le dernier village accessible sans autorisation militaire, qui se trouve au-delà de la rivière Vovcha, autrement dit dans la région de Donetsk que les Russes veulent à tout prix conquérir en entier. "Que dalle ! C’est l’Ukraine ici !" affirme-t-il. "Tous les miens sont enterrés à Donetsk, ma mère, mon père, mes deux sœurs et mon frère. Et quoi, je les abandonne ?"
Sacha aussi est un déplacé de Donetsk, où il a été mineur toute sa vie. Malgré la proximité des combats, il se raccroche à cette vie quotidienne qu’il a reconstruite ici : "Comme n’importe quel retraité, je fais mon potager. Je ne vais plus aux champignons parce que tout a été miné. Il me reste la pêche, et voilà".
Et puis Sacha a de la compagnie dans sa grande maison sans chauffage, il a deux chiens, deux chats, des poules, des canards et un ragondin apprivoisé. "Il est arrivé ici de lui-même, tout petit. Je l’ai gardé pour la viande, mais il vit ici depuis longtemps maintenant. C'est devenu un ami pour ainsi dire", raconte-t-il. Comme Youri, Sacha ne sait pas ce qu’il fera si les Russes arrivent vraiment jusqu’ici. Fuir à nouveau ? Sacha ne veut pas y penser. Il demande : "qu’est-ce que je ferais, alors… de toute cette basse-cour ?"
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