: Reportage Guerre en Ukraine : à Dnipro, des russophones font tout pour ne plus parler russe
Dans une partie de l’Ukraine, la langue la plus couramment parlée est le russe. Mais pour de nombreux habitants, la guerre ravive un élan patriotique qui passe aussi par une réappropriation de la langue ukrainienne. Illustration à Dnipro, en plein cœur du pays.
Dans cette soirée entre amis à Dnipro, ville du centre de l'Ukraine en grande majorité russophone, tout le monde parle russe. Même si elle tente de progresser en ukrainien, Iulia n’est pas prête à y renoncer. "Ma langue natale, celle de mes ancêtres, c’est le russe, dit-elle. Je veux continuer à le parler. Je veux que mes enfants le parlent. Malgré la guerre, je veux conserver en moi la langue russe pour avoir la possibilité de perpétuer la tradition de mes ancêtres." Pour l’instant cela ne lui a pas causé de problèmes.
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Ce conflit met néanmoins en lumière un élan patriotique qui passe aussi par un usage plus important de l’ukrainien dans la vie de tous les jours. "Maintenant, je communique d’avantage en ukrainien avec mes clients ukrainophones, souligne Dimitri présent à cette même soirée. Son père est russe, sa mère ukrainienne, et lui a décidé de changer sa pratique depuis le début de la guerre. "Même si mes clients me disent : 'Passe au russe, parce qu’on voit que tu as du mal à communiquer en ukrainien', je leur réponds, non ! J’ai besoin de m’entraîner."
Une guerre linguistique
Après l'annexion de la Crimée en 2014 et du fait du conflit armé dans l'est avec les séparatistes prorusses soutenus par Moscou, la langue ukrainienne a gagné un terrain considérable et est devenue un élément central de l'unité nationale. Le gouvernement l'a imposée en 2021 en tant que seule langue de communication dans les magasins, restaurants et autres services, sauf demande expresse du client. Et le basculement vers l'ukrainien s'est accéléré depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février.
Se réapproprier sa langue, par fierté nationale et comme un acte de guerre, c’est exactement ce que fait Lila. "Parler en ukrainien c’est une toute petite partie de ce que je peux faire pour renforcer mon pays, explique cette habitante de Dnipro. Tôt ou tard, les gens passeront à l’ukrainien. Peut-être pas cette génération, mais celle d’après. Il y a de plus en plus d’écoles ukrainiennes." Et dans cette guerre linguistique, la ville de Dnipro prend aussi sa part. "Nous avons changé les dénominations d’une trentaine de rues, confirme Mirailo Lysenko, maire adjoint en charge de l’aménagement.
"Il y avait des noms russes ou de personnages controversés y compris soviétiques qui n’ont aucun rapport avec la ville."
Mirailo Lysenko, maire adjoint de Dniproà franceinfo
"La plupart [des rues] ont pris le nom de nos villes martyres et d’autres ont pris le nom d’importantes personnalités ukrainiennes, conclut Mirailo Lysenko. Les nouvelles plaques sont en train d’être fabriquées. Dans quelques semaines, le passage Moscovite va ainsi devenir passage Azovstal, du nom de cette usine métallurgique symbole de la résistance de Marioupol.
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