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Reportage "Ici, c'est mon coeur, je ne peux pas partir" : dans l'enfer de Bakhmout, des irréductibles ukrainiens s'organisent pour survivre dans la ville ravagée par les bombardements

Article rédigé par Omar Ouahmane, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Un "centre d'invincibilité" de Bakhmout, où les habitants ont accès à l'électricité, au chauffage, au réseau web et de téléphonie mobile et à des médicaments. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Les combats font rage à Bakhmout, dans le Donbass, depuis que la ville martyre est devenue une priorité pour les Russes pour accéder aux villes-clés de Kramatorsk et Sloviansk. Sur place, ne subsistent qu'une dizaine de milliers d'habitants, que franceinfo a rencontrés.

Le paysage est apocalyptique, et les explosions se font entendre à intervalles réguliers. Après bientôt un an de guerre en Ukraine, dans l’Est du pays, les combats font rage à Bakhmout : sa conquête est devenue la priorité de Moscou, car elle permettrait aux troupes russes de s’ouvrir la voie vers les villes-clés de Kramatorsk et Sloviansk.

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Moins de 10 000 habitants sont encore présents cette ville en ruines du Donbass, alors qu'elle en comptait plus de 73 000 en 2020. Beaucoup sont aujourd'hui dans l’incapacité de fuir ou ne le veulent pas, tout simplement.

Partout, des cratères et la désolation

Pourtant, Igor se risque dans les rues, engoncé dans son anorak, et tire péniblement un chariot rempli de boîtes de conserve.

"Je n'ai pas le choix : mes parents sont âgés et c'est inimaginable de les évacuer. Nous vivons coupés du monde et ma rue est sans cesse bombardée. On ne sait pas qui tire, ni pourquoi. On n'a aucune information."

Igor

à franceinfo

Et quand ils ne marchent pas, les habitants circulent sur des vélos au milieu des cratères. Anatoli, un des derniers résidents du centre-ville, montre sa bicyclette. "On a le même âge, avec ce vélo : 68 ans au mois de février !, indique-t-il. On n'a jamais été dans cet état-là. On ne dort pas, on vit sans chauffage, sans lecture, mais malgré tout ça, je n'envisage pas d'évacuer : c'est ma ville."

Des volontaires livrent de la nourriture et des médicaments dans les centres de distribution d'aide humanitaire de Barkhmout. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Une ville que Natalia et sa famille ont tenté à plusieurs reprises de quitter, mais sans succès à Kramatorsk. "On a perdu notre fils aîné lors de l'attaque de la gare de Kramatorsk, il y a neuf mois, soupire-t-elle. Trois mois après, on a eu un accident de voiture en tentant de fuir..."

"On a survécu miraculeusement, on est revenus à la maison et on s'est dit que c'était une malédiction, qu'on était condamnés à rester à Bakhmout."

Natalia

à franceinfo

Et pour échapper au froid glacial, les civils se pressent dans les centres de distribution d'aide humanitaire, un de ces "centres d'invincibilité" où les habitants ont accès à l'électricité, au chauffage, au réseau web et de téléphonie mobile et à des médicaments. 

Parmi eux, Ilana, la soixantaine, s'est installée près d'un poêle à bois et recharge son téléphone : "Le plus dur, ce sont les bombardements, indique-t-elle. C'est difficile psychologiquement, mais ici, c'est ma maison, c'est mon cœur. Je ne peux pas partir : mes parents sont enterrés dans cette ville, alors comment pourrais-je partir d'ici ?" Les combats, qui ont redoublé d'intensité, pourraient pousser certains récalcitrants à quitter cet enfer dans les prochains jours.

Prisonniers dans l’enfer de Bakhmout : écoutez le reportage d’Omar Ouahmane et Gilles Gallinaro

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