Reportage "Nous voulons appartenir au monde libre" : à Kharkiv, malgré la guerre, les salariés d'une station de radio poursuivent les diffusions

À Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, Radio Nakypilo raconte le quotidien des habitants sous les missiles russes.
Article rédigé par Vanessa Descouraux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Sur les 26 salariés de Radio Nakipilo, aucun n’a quitté la ville depuis le début de la guerre. (VANESSA DESCOURAUX / RADIO FRANCE)

Après la mort de deux humanitaires français dans le sud de l'Ukraine, lors d'un bombardement russe, Paris dénonce un acte de "barbarie" de Moscou, des faits sur lesquels le parquet antiterroriste va ouvrir une enquête. Les deux victimes sont mortes lors d'une frappe sur Beryslav, petite commune située sur la rive nord du fleuve Dniepr, près de la ligne de front. Ce drame illustre la persévérance des Russes à attaquer l'Ukraine sur tout son territoire : Kherson au sud, mais également dans le nord du pays. À Kharkiv, 2e ville du pays, quotidiennement attaquée par missiles ou drones, Radio Nakypilo chronique, au jour le jour, l'exaspération des habitants.

Il y a deux sens au nom qu’a choisi cette radio : en avoir marre mais avoir tant de choses à dire. C’est toute la ligne éditoriale de Radio Nakypilo et le parfait résumé de l’état d’esprit des habitants de Kharkiv. À l’image d’Anna Gubanova, l’une des voix de l’antenne : "Tout le monde à Kharkiv a appris à coexister avec ça. Les gens qui sont restés à Kharkhiv se disent 'Ok si on doit mourir on meurt, mais avant faisons tout ce qu’on peut.' La vie est revenue à Kharkiv, les restaurants, les cafés ont rouvert. Dans la nuit, tu es réveillé car une roquette a touché l’immeuble voisin. Tu es réveillé et tu vas ensuite travailler."

La radio est, aujourd’hui, installée dans un sous-sol. L’immeuble où elle était dans les premiers mois de la guerre a dû être évacué. Un missile russe a touché un bâtiment voisin. Par précaution, ils ont dû déménager, se souvient Ehven Streltsov, le rédacteur en chef : "Je suis fatigué mais je fais ce que je dois faire. C'est notre pays, c'est notre ville et nous voulons faire partie de l'Ukraine, appartenir au monde libre."

"S'ils me tuent, qu'ils me tuent ici."

C’est la fin de l’émission de Natalka Marynchak, consacrée à la santé mentale d’une manière générale. Le thème, ce matin-là : comment se protéger du déluge d’informations, vraies ou fausses qui tombent sur les téléphones des Ukrainiens.

Natalka n’a jamais quitté sa ville et ne s’habituera jamais à la guerre pour autant : "Cette invincibilité, cet entêtement, me rendent fière. Cette obsession à se dire 'j'y étais, j'y suis et j'y resterai'. C'est ça qui m'a soutenue au début et m'a empêchée de partir d'ici. Je me suis levée et je me suis dit : 'C'est ma terre'. S'ils me tuent, qu'ils me tuent ici. Je ne bougerais pas de chez moi." Sur les 26 salariés de Radio Nakypilo, aucun n’a quitté la ville depuis le début de la guerre. L'un d'eux est parti sur le front, il a rejoint une unité à la frontière où il pilote des drones.

A Kharkiv, malgré la guerre, les salariés d'une station de radio poursuivent les diffusions

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