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Témoignage franceinfo "Chérie, je suis rentré en Ukraine'" : Katerina raconte les retrouvailles avec son mari, prisonnier pendant près d'un an en Russie

En mars, franceinfo avait interrogé Katerina Plechistova lors d'un reportage en Ukraine. Deux mois plus tard, la jeune femme de 25 ans nous a recontactés pour annoncer la libération de son mari.
Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Après 349 jours d'attente, Katerina Plechistova étreint son mari, libéré des geôles russes, dans un lieu d'Ukraine tenu secret, en mai 2023. (COLLECTION PRIVEE / FRANCEINFO)

Ensemble, de nouveau, enfin. Katerina Plechistova a reçu, courant mai, l'appel qu'elle n'attendait plus. Au bout du fil : son mari Oleg, ancien combattant de l'usine Azovstal de Marioupol, libéré des geôles russes après 349 jours de captivité. "C'était impensable, inimaginable", confie à franceinfo la jeune femme de 25 ans.

Nous avions croisé Katerina Plechistova lors d'un reportage en Ukraine, en mars. A l'époque, elle avait accepté de nous montrer le journal intime qu'elle tenait en attendant la libération de son "chéri". "Tous les jours, je lui envoie sur Telegram des moments de ma vie. J'enregistre des messages vocaux, des photos, des vidéos...", témoignait-elle alors. De l'ombre de la captivité à la lumière de la libération, la jeune femme raconte depuis Kiev ces retrouvailles inespérées.

Franceinfo : Comment avez-vous appris que votre mari avait été libéré ?

Katerina Plechistova : C'était il y a quelques jours. Il m'a appelée vers 15h20, 15h30. J'ai décroché le téléphone et il m'a dit : "Chérie, je suis rentré en Ukraine". J'ai crié de joie dans la rue. Il a fondu en larmes et moi aussi. Mes premiers mots ont été : "Je t'attendais tellement". Mon mari a été échangé en compagnie de 45 autres personnes. J'ai immédiatement reconnu sa voix, et c'était un délice.

Comment se sont passées vos retrouvailles ? 

J'avais peur de ne pas le reconnaître. Tous nos gars qui sortent de captivité ont un autre visage, un autre regard. Ils perdent du poids aussi. Mon mari a perdu 15 kilos, certains de ses frères d'armes en ont perdu 45.

Le jour de nos retrouvailles, je lui ai apporté ses barres chocolatées préférées, des Kinder Bueno. J'ai couru jusqu'à lui. J'en ai encore la chair de poule.

Comment va-t-il ? 

Il n'est pas encore autorisé à parler. ll a passé plusieurs jours en soins à l'hôpital. Il en est sorti il y a quelques jours. Pour être honnête, nous ne nous attendions pas à ce que sa sortie survienne si rapidement, car il a encore besoin d'un traitement et d'une surveillance médicale. Je suis avec lui tous les jours. Le matin, sa journée commence avec un examen médical, puis les autorités militaires continuent de recueillir des éléments sur sa captivité. 

Justement, que vous a-t-il dit sur ses conditions de détention ?

Je n'ai pas le droit de divulguer ces détails, car beaucoup d'amis proches de mon mari sont toujours en captivité. Il était d'abord enfermé à Yelenovka (à environ 200 km au nord de Louhansk), avant d'être transféré à Taganrog (dans la région de Rostov).

"Quand les geôliers apprennent que ceux qui ont été libérés évoquent la torture, ceux qui sont encore en captivité subissent deux fois pire. Mon mari l'a vécu."

Katerina Plechistova

à franceinfo

Je ne peux vous dire qu'une chose : c'était terrible.

Et après quelques jours ensemble, comme vous sentez-vous ?

Aujourd'hui, on est ensemble à Kiev. Les premiers jours ont été compliqués pour nous deux. Emotionnellement, c'est difficile. Pendant un an, nous avons vécu l'un sans l'autre. C'est un mélange de sentiments : il y a d'une part une joie incroyable, et d'autre part une douleur totale par rapport à tout ce qui s'est passé, et à la façon dont cela nous a affectés. En ce moment, nous recherchons un bon psychiatre pour Oleg. 

Et vous ?

Je suis accompagnée par un psychologue, et je continue de prendre des antidépresseurs. Le retour à la vie normale est progressif. Les activités quotidiennes aident à récupérer et à reprendre le fil de la vie. Aller au magasin, discuter avec des amis... Maintenant, tout est nouveau pour lui, il doit reprendre contact avec la vie.

Comment voyez-vous l'avenir ? 

L'un de nos principaux objectifs communs, c'est de soigner notre santé, à la fois mentale et physique. Car elle a souffert pour nous deux. Ce ne sera plus comme avant. On verra avec le temps. Désormais, la priorité la plus importante dans sa vie est une famille, il veut vraiment des enfants.

En mars, vous nous aviez montré le journal intime que vous teniez. Lui avez-vous montré ?

En effet, tous les jours, je lui envoyais sur Telegram des moments de ma vie. J'enregistrais des messages vocaux, des photos, des vidéos... Mais moralement, c'est difficile pour lui de lire ça. Il a regardé seulement quelques messages et il s'est arrêté. Cela lui fait mal de voir ma douleur, il m'a dit qu'il n'était pas encore prêt.

Devra-t-il reprendre du service dans l'armée ? 

Selon la loi ukrainienne, il ne peut pas quitter complètement le service militaire. Par conséquent, après son traitement, après sa rééducation, il repartira se battre.

Pendant sa captivité, vous nous aviez raconté l'espoir suscité par chaque annonce d'échanges de soldats, et finalement, la déception. Quel message souhaiteriez-vous adresser aux proches qui attendent encore actuellement un fils ou un mari ? 

Mon message pour ces femmes, ces mères, ces épouses, ces sœurs, c'est : "Battez-vous ! Battez-vous pour leurs vies, n'abandonnez jamais, faites de votre mieux. Et ces câlins, ces bisous finiront par devenir réels."

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