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Témoignage "Ils nous ordonnaient de creuser des trous et disaient que ce serait nos tombes", raconte un habitant de Boutcha

Des civils de Boutcha témoignent de l'horreur vécue dans cette ville de la banlieue de Kiev au moment de l'invasion russe, alors que la communauté internationale découvre les exactions des soldats de Vladimir Poutine.

Article rédigé par franceinfo - Thibault Lefèvre et Benjamin Thuau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Artem a fui la ville de Boutcha, dans la banlieue de Kiev, le 12 mars 2022. (THIBAULT LEFEVRE / BENJAMIN THUAU / RADIO FRANCE)

Les yeux cernés et rougis par le manque de sommeil, Artem laisse transparaître une colère contenue. "Je me sens vide et j'ai la rage", explique-t-il la voix grave, caverneuse, par moments hésitante. Le jeune Ukrainien a fui Boutcha, dans la banlieue de Kiev, le 12 mars. Dimanche 3 avril, la communauté internationale a découvert les images tournées dans cette ville dont l'armée russe s'est retirée quelques jours plus tôt : des dizaines de corps de civils jonchant les rues de la ville, certains les mains liées dans le dos. 

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Pour Artem, les civils ont subi l'horreur face aux atrocités commises par les soldats russes. "Il y a eu des jets de grenades dans des caves, des mines étaient installées devant les portails des habitations et, en sortant de chez eux, des civils ont sauté sur ces mines, égrène-t-il lentement. Il y avait aussi un blindé. Il passait et tirait sur les voitures. Les soldats russes voyaient bien qu'il y avait des enfants. Je ne comprends pas comment c'était possible de ne pas les voir."

"Comment peut-on tuer une femme qui essaie de s'enfuir avec ses enfants ?"

Artem, Ukrainien qui a fui Boutcha le 12 mars

à franceinfo

Artem a vécu dix-sept jours sous occupation russe, avant de partir à pied avec sa sœur, sa mère et une voisine. Ils ont traversé Boutcha, qui était déjà jonchée de cadavres. Moscou, de son côté, affirme qu'il s'agit d'une mise en scène du pouvoir ukrainien. Or, d'après Artem, ce sont bien des soldats russes qui ont commis ces crimes.

Les habitants terrorisés par les soldats

Le jeune Ukrainien décrit des hommes parfois très jeunes qui, pendant plus d'un mois, ont terrorisé une population réfugiée dans les sous-sols, les caves ou les abris de fortune. "Souvent, quand je voyais des soldats russes, ils étaient saoûls. Ils nous ordonnaient de creuser des trous et de nous cacher dedans parce que notre quartier allait être bombardé. Si on ne se cachait pas, ils nous disaient que ces trous seraient nos tombes", se remémore-t-il.

Il affirme actuellement que certains de ces soldats russes "cherchaient des femmes pour assouvir leur désir mais, merci à Dieu, la plupart des femmes et des enfants étaient déjà partis". Il semble soulagé que les images de Boutcha aient été diffusées : "Désormais, le monde entier est au courant." Dans ce conflit, Artem a perdu deux amis : Vitali, qui avait pris les armes, et Sacha, fauché par un obus alors qu'il ramenait de l'eau à une vieille dame. Il n'a aucune nouvelle d'une trentaine de connaissances de son quartier. 

Des cadavres "minés par les Russes"

Anatoli Fedorouk a lui aussi été témoin direct de ce qui s'est passé à Boutcha. Le maire de la ville ne savait plus quoi faire des 350 cadavres qu'il a découverts. Samedi soir, il les a inhumés à la hâte près de l'église. "Nous n'arrivons même plus à les compter", raconte Anatoliy Kushnirchuk, aumônier de l'armée, qui s'est chargé de l'inhumation. Il décrit des actes barbares et documentés qui, clairement, relèvent de crimes de guerre. "Plusieurs de ces cadavres sont dans des caves ou dans des endroits où les terroristes russes ont jeté des grenades", poursuit-il expliquant que "beaucoup des corps" présents dans les rues "ont été minés par les Russes"

Face à l'ampleur et l'horreur de la situation, Anatoli Fedorouk appelle à l'aide. Le fossoyeur de Boutcha a besoin de respirateur, de gants en caoutchouc et de sacs mortuaires.

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