: Témoignages L'incompréhension des habitants russophones de Mykolaïv sous les bombes : "Nous sommes massacrés par les Russes, pourquoi ?"
Dans cette ville très russophone où les bombardements continuent, les habitants ont souvent le sentiment d’être frappés par leurs "frères".
La longue roquette est plantée au milieu de la mauvaise route en terre. Depuis quelques jours, les habitants du quartier modeste de Koulbakino, à Mykolaïv, vivent à côté de cette bombe qui n’est plus explosive. "Quand l’obus est tombé, je jouais avec mon fils de trois ans. J’ai tout de suite mis ma famille à l’abri derrière le bâtiment", raconte Alexeï, dont la maison est à seulement une dizaine de mètres.
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Mykolaïv est une ville où s’illustrent les difficultés de l’armée russe à prendre l’avantage en Ukraine : cet important port du sud, qui permettrait à l'armée russe de s'ouvrir l'accès à Odessa, reste verrouillé. Si les troupes russes étaient entrées dans certains quartiers, elles sont désormais repoussées dans les campagnes. Depuis quelques jours, les tirs se font moins proches, mais pour Alexeï, c’est loin d’un retour à la normale: "Vous savez, moi, je ne peux toujours pas aller à l’usine. Il y a des tirs intenses là-bas. Heureusement qu’il y a l’aide de l’Etat pour ceux qui ne peuvent pas travailler."
"Trop jeune pour mourir"
Dans le portail métallique bleu des voisins : deux trous d’éclats d’obus. Dacha profite d’un moment sans alerte pour couper un arbre qui menace de tomber : "Le jour, c’est un peu plus calme. Mais la nuit, c’est toujours assourdissant. Au début de la guerre, mon fils de sept ans croyait que c’était des feux d’artifice. Mais un jour de grosse explosion, on a couru se mettre à l’abri dans le couloir. Et il nous a dit qu’il était trop jeune pour mourir."
Nouvelle sirène, Dacha rentre chez elle. il y a quatre jours, un obus a encore éventré une maison, tuant deux occupantes. A quelques pas de là, dans la cour de l'hôpital psychiatrique, un énorme cratère de deux mètres et demi de profondeur : l'explosion a dispersé des débris un peu partout, disloquant la toiture et faisant voler en éclats les fenêtres. Perché sur le toit de sa maison, juste à côté, Michaïl commence à réparer. "Pour le moment, on fait les travaux nous-même. On nous a dit qu’on aurait une compensation après la guerre…Mais personne ne sait pas quand cette guerre va finir !"
Retour en "1941"
Sa maison endommagée par un obus russe, Michaïl, né en Sibérie, l’avait obtenue de l’armée rouge en prenant sa retraite militaire. Devant son balcon effondré dans autre quartier bombardé, Valentina, 75 ans, ne comprend pas cette guerre.
"Mon grand-père est venu s’installer ici de Russie. Mon nom de famille est russe. Je suis Russe. Nous sommes tous Russes et nous sommes massacrés par les Russes. Pourquoi ?", pleure-t-elle.
"Mon petit-fils soldat vient d’être tué à Kharkiv. Et nos proches en Russie nous écrivent pour dire que c’est notre faute...Vous imaginez ça ?"
Valentina, 75 ansà franceinfo
En rejoignant le sous-sol de sa résidence au son des tirs de défense anti-aérienne, Valentina raconte, qu’avec les sanctions, les Moscovites se plaignent d’être revenus aux années 90. "Nous, c’est 1941", dit-elle.
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