"Aquarius" : comment le ton est monté très fortement entre la France et l'Italie au sujet du navire transportant des migrants
Le président du Conseil italien Giuseppe Conte pourrait annuler une rencontre avec Emmanuel Macron si Paris ne présente pas des excuses à Rome pour des propos critiques.
Entre Paris et le nouveau gouvernement populiste arrivé au pouvoir en Italie, le torchon brûle déjà. Une passe d'armes oppose les deux pays depuis mardi 12 juin, au sujet du refus de l'Italie d'accueillir dans l'un de ses ports l'Aquarius, un navire de sauvetage en mer qui compte 630 migrants à son bord et doit finalement faire route vers l'Espagne. Mercredi, le ministre italien des Finances a annulé une rencontre prévue avec le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire. Et le président du Conseil Guiseppe Conte pourrait faire de même au sujet d'une rencontre avec Emmanuel Macron prévue vendredi. Franceinfo revient sur les épisodes de ce conflit, qui n'est pas encore résolu.
Acte 1 : Macron dénonce le "cynisme" italien
Ce sont des propos rapportés qui ont mis le feu aux poudres. Mardi, alors que l'Aquarius est bloqué entre l'Italie et Malte, qui lui ont fermé leurs ports, le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, explique qu'Emmanuel Macron a dénoncé, en Conseil des ministres, la "part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien". La France ne propose pas elle-même d'accueillir le navire, mais le chef de l'Etat le justifie à ses ministres en rappelant le droit maritime, qui indique "qu'en cas de détresse, ce soit la côte la plus proche qui assume la responsabilité de l'accueil".
Benjamin Griveaux lui-même appuie la critique : "La France prend sa part, mais ce qui est inacceptable, c'est le comportement et l'instrumentalisation politique qui en a été faite par le gouvernement italien", lance-t-il face à la presse.
Acte 2 : Rome juge la France "hypocrite"
La réaction italienne n'attend pas. Dans une note, mardi, la présidence du Conseil (l'équivalent italien de Matignon) juge les déclarations françaises au sujet de l'Aquarius "surprenantes". Les critiques d'Emmanuel Macron n'ont pas plu à Rome : "L'Italie ne peut accepter de leçons hypocrites de pays ayant préféré détourner la tête en matière d'immigration", poursuit le texte.
Sur Facebook, le vice-Premier ministre Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 Etoiles, enfonce le clou. "La France repousse quotidiennement les migrants à Vintimille. (...) La France et l'Espagne ont fermé leurs ports depuis longtemps", juge-t-il, estimant que l'Italie demande seulement que l'accueil des migrants soit mieux partagé au sein de l'Union européenne.
Acte 3 : l'Italie exige des excuses et menace d'annuler la visite de Conte
Le lendemain, c'est au tour du ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, issu de la Ligue, un parti d'extrême droite, de réagir. C'est lui qui, sur les réseaux sociaux, criait "VICTOIRE" quand l'Espagne a accepté d'accueillir l'Aquarius. Et il n'accepte pas plus les propos du président français. "Si les excuses officielles n'arrivent pas, le Premier ministre Conte fera une bonne chose en n'allant pas en France", menace-t-il. Un sommet entre Giuseppe Conte et Emmanuel Macron est en effet prévu à Paris vendredi.
Avant cela, une première rencontre est déjà annulée : celle entre le ministre italien des Finances Giovanni Tria, finalement resté à Rome, et son homologue français Bruno Le Maire. "La visite a été annulée à la demande des Italiens et nous le regrettons", réagit ce dernier. "Nous espérons que cette rencontre pourra avoir lieu très vite", à l'approche d'un sommet européen, les 28 et 29 juin, où des propositions de réformes de la zone euro seront présentées.
A Rome, la numéro deux de l'ambassade de France, Claire Anne Raulin, est reçue au ministère italien des Affaires étrangères. Le ministre, Enzo Moavero Milanesi, souligne devant elle le caractère "inacceptable" des déclarations faites à Paris.
Acte 4 : Paris tente de calmer le jeu
Après les déclarations italiennes, le ministère français des Affaires étrangères tente de nuancer les propos de la veille : "Nous sommes parfaitement conscients de la charge que la pression migratoire fait peser sur l'Italie et des efforts que ce pays fournit. Aucun des propos tenus par les autorités françaises n'a bien entendu remis cela en cause".
En déplacement en Vendée, Emmanuel Macron assure, lui, que "cela fait un an que nous travaillons main dans la main avec l'Italie de manière exemplaire". Mais le nouveau gouvernement italien, en place depuis seulement quelques jours, n'est pas forcément concerné par le compliment.
Sur le fond, le chef de l'Etat ne renie d'ailleurs pas ses déclarations de la veille. Il condamne "la politique du pire qui place tout le monde sous l'empire de l'émotion" et s'interroge : "Si je donne raison à celui qui cherche la provocation" en refusant l'accostage du bateau, "est-ce que j'aide les démocrates ?"
Recevra-t-il finalement Giuseppe Conte vendredi ? Mercredi après-midi, l'Elysée notait n'avoir reçu "aucune information de la présidence du Conseil sur une demande d'excuses ou sur une possible annulation de la visite de Giuseppe Conte".
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