Crise migratoire : "Le gouvernement biélorusse n'a pas peur de jouer la carte de l'escalade" face aux sanctions de l'UE, estime un spécialiste
L'Union européenne prévoit d'élargir les sanctions contre Minsk. Un Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne doit se tenir lundi.
"Le gouvernement biélorusse n'a pas peur de jouer la carte de l'escalade", a déclaré dimanche 14 novembre sur franceinfo Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof-Science Po et spécialiste de la Russie. L'Union européenne prévoit d'élargir les sanctions contre Minsk alors qu'un Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne doit se tenir lundi.
Le ministre biélorusse des Affaires étrangères s'est entretenu avec le chef de la diplomatie européenne dimanche, il estime que les sanctions de l'UE sont "sans espoir et contre productives". Plus de 2 000 migrants sont toujours bloqués dans des camps à la frontière avec la Pologne. Pour lui, cette escalade pourrait aussi "avoir lieu contre les migrants eux-mêmes", alors que le bilan est déjà de dix morts.
franceinfo : Le ministre biélorusse des Affaires étrangère a-t-il raison quand il évoque des sanctions "contre-productive" ?
Florent Parmentier : Il est dans son rôle en essayant effectivement par anticipation de réduire les vertus que pourraient avoir les sanctions pour les Européens. Mais, en même temps, il faut bien comprendre que les sanctions ont des effets.Cela se voit effectivement sur certains comportements que peut avoir la Biélorussie. Très vraissemblablement, s'il n'y avait pas eu des sanctions dès 2020 contre la Biélorussie, Alexandre Loukachenko n'aurait pas eu l'idée de créer sa propre filière migratoire du Moyen-Orient jusqu'à Minsk. Depuis qu'il est au pouvoir, il joue un coup avec les Européens, un coup avec les Russes pour maximiser son pouvoir, et là les sanctions le poussent vers la Russie.
De quels moyens dispose vraiment l'Europe ?
Il y a des choses qui sont déjà en route. Par exemple, empêcher des avions du Moyen-Orient d'aller vers Minsk, c'est déjà en train de se faire parce que les Européens peuvent restreindre l'accès aérien aux compagnies qui collaboraient avec le régime de Loukachenko. Ensuite, l'Europe peut s'attaquer à la trentaine de responsables dont il était question mais aussi aux trafiquants de migrants eux-mêmes, et une enquête est en cours.
Ce qui serait une nouvelle montée dans cette crise, ce serait que la Pologne elle-même décide de fermer sa frontière pour de bon avec la Biélorussie et pas seulement aux migrants. Cela aurait des répercussions à la fois pour les dirigeants biélorusses mais aussi pour la population. C'est pour ça que l'Union européenne ne souhaite pas le faire en première intention, elle veut protéger la population.
Est-ce qu'il y a des risques de représailles ?
Il est entendu que Minsk va essayer de jouer une sorte de va-tout. La Bielorrussie est un régime concentré autour de son président, dont le président doit s'assurer de la loyauté de toutes les personnes qui vont le servir. Dans cette fuite en avant, on a déjà vu il y a quelques mois l'action des autorités biélorusses quand elles avaient fait du piratage aérien en détournant le vol d'un opposant entre Athènes et Vilnius, avec une escale à Minsk. De ce point de vue, le gouvernement biélorusse n'a pas peur de jouer la carte de l'escalade.
Cette escalade aura peut être lieu finalement envers les migrants eux-mêmes. Pour le moment, il y a une dizaine de morts, mais il y a plusieurs milliers de personnes. Je pense que le pouvoir de Loukachenko va essayer d'avoir le soutien de la Russie, qui pourra s'engager jusqu'à un certain point, ce qui pourrait diviser les Européens quant à la marche à suivre vis-à-vis de la Biélorussie, et c'est ce que cherche Alexandre Loukachenko.
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