Migrants : ce que l'on sait du démantèlement du camp brièvement installé place de la République
Avec l'aide d'associations humanitaires, plusieurs centaines d'exilés se sont installés place de la République, à Paris, lundi 23 novembre au soir. Mais les forces de l'ordre sont rapidement intervenues pour enlever les tentes et ont malmené au moins un journaliste.
Des images "choquantes", de l'aveu même du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lequel a annoncé mardi 24 novembre la saisie de l'Inspection générale de la police nationale. Des migrants, qui avaient monté lundi soir des tentes place de la République, dans le centre de Paris, ont été évacués dans la nuit par les forces de l'ordre. Ces dernières sont intervenues à coups de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement, en prenant les tentes et en malmenant au moins un journaliste, selon des images publiées sur Twitter. Voici ce que l'on sait de l'opération.
Des exilés déjà évacués d'un autre camp
Plusieurs centaines de personnes, en majorité afghanes, se sont installées place de la République lundi en début de soirée, aidées par des associations humanitaires. Ces migrants étaient sans hébergement depuis qu'un important campement à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) avait été évacué mardi 17 novembre. Médecins du monde a ainsi expliqué sur Twitter qu'il s'agissait de "visibiliser ceux que l'on cherche à disperser", car il faut rompre avec le cycle "infernal d'évacuations et de campements indignes".
Visibiliser ceux que l'on cherche à disperser.
— Médecins du Monde (@MdM_France) November 23, 2020
Urgence de rompre avec ce cycle infernal d'évacuations et de campements indignes.
➡️ Pour une véritable politique d'hébergement. Maintenant.#Republique #directAN @Utopia_56 pic.twitter.com/HQ3OIymKcQ
"Ils ont été laissés sur le carreau et invisibilisés, mais eux aussi ont besoin d'un hébergement, surtout en pleine crise sanitaire", a exposé de son côté à l'AFP Maël de Marcellus, responsable parisien de l'association d'aide aux exilés Utopia 56, l'une de celles à l'origine de l'installation place de la République.
Un journaliste projeté à terre et frappé
A peine une heure après l'installation, vers 21h30, gendarmes et policiers commencent à enlever une partie des tentes, parfois avec des exilés encore à l'intérieur, sous les cris et huées de militants et de migrants. "C'est trop violent, on veut juste un toit", crient-ils. Le journaliste Clément Lanot, présent sur place, fait état de "tensions".
PARIS - Intervention des gendarmes pour avancer dans le camp : quelques tensions. pic.twitter.com/aR1jKkWbeC
— Clément Lanot (@ClementLanot) November 23, 2020
Les tentes sont enlevées "une à une par les policiers", alors que "certains migrants sont encore dedans", raconte Aude Blacher, journaliste à France 3 Paris, qui a filmé la scène.
Place de la République, les tentes sont enlevées une à une par les policiers. Alors que certains migrants sont encore dedans. pic.twitter.com/95U6PMNwgs
— Aude Blacher (@audeblacher) November 23, 2020
Rémy Buisine, journaliste au média vidéo Brut, tweete de son côté "avoir été pris à la gorge par un policier" et projeté à terre. "C'est la troisième fois de la soirée, par le même policier", décrit-il. Ces images, prises par un autre reporter, Nicolas Mayart, le montrent malmené par la police.
Troisième fois de la soirée par le même policier. Pris à la gorge la première fois, violemment projeté là seconde fois... et ça... c’est vraiment dur ce soir... https://t.co/CEvdFznx4B
— Remy Buisine (@RemyBuisine) November 23, 2020
C'est sous les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement que quelques centaines de personnes sont finalement dispersées par les forces de l'ordre dans les rues alentour. "Les réfugiés se retrouvent par petits groupes sans savoir où dormir après une chasse des policiers durant toute la soirée dans les rues de Paris", écrit Rémy Buisine.
Des avocats repoussés par les forces de l'ordre
Des images tournées au cours de la soirée de lundi montrent des avocats, identifiables par leurs robes, interdits d'accéder au lieu de l'évacuation. Le lendemain, le bâtonnier de Paris a déclaré sur Twitter avoir saisi le ministre de l'Intérieur ainsi que le préfet de Paris à ce sujet.
Les violences sur des avocats et sur des membres du Conseil de l’Ordre sont inadmissibles ! Nous saisissons immédiatement @GDarmanin et @prefpolice. Le devoir des forces de l’ordre c’est d’encadrer sans violence des manifestations pacifiques de citoyens. https://t.co/XNH9PkhFs8
— Bâtonnier de Paris (@batonnierparis) November 24, 2020
Une évacuation assumée par la préfecture de police
"La constitution de tels campements, organisée par certaines associations, n'est pas acceptable. La préfecture de police a donc procédé immédiatement à la dispersion de cette occupation illicite de l'espace public", ont indiqué dans un communiqué conjoint la préfecture de police et celle de la région Ile-de-France, qui gère les opérations de mise à l'abri.
Ce jour, un campement a été installé illégalement à Paris, place de la #République. La @prefpolice a immédiatement procédé à l'évacuation de cette occupation illicite de l'espace public. pic.twitter.com/RrV7Tvz1Dm
— Préfecture de Police (@prefpolice) November 23, 2020
"Toutes les personnes en besoin d'hébergement sont invitées à se présenter dans les accueils de jour où des orientations vers des solutions d'hébergement adaptées à leur situation sont proposées très régulièrement aux migrants", ont-elles ajouté.
L'Inspection générale de la police nationale saisie
Après avoir parlé d'images "choquantes" et demandé lundi soir un rapport au préfet de police, le ministre de l'Intérieur a déclaré mardi sur Twitter que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait été saisie, afin de faire la lumière "sur plusieurs faits inacceptables". "Le rapport du préfet de police sur l’évacuation du campement illicite place de la République m’a été remis ce matin (...). J’ai demandé à l’IGPN de remettre ses conclusions sous 48h et les rendrai publiques", a expliqué Gérald Darmanin.
Le rapport du Préfet de police sur l’évacuation du campement illicite place de la République m’a été remis ce matin.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) November 24, 2020
Celui-ci m’a proposé la saisine de l’IGPN sur plusieurs faits inacceptables. J’ai demandé à l’IGPN de remettre ses conclusions sous 48h et les rendrai publiques.
En plus de sa saisie administrative, l’IGPN a été saisie, judiciairement, d'un cas de violence présumé lors de l'évacuation du camp, selon les informations de franceinfo. Il s'agit du "croche-pied" d'un fonctionnaire de police montré sur une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
Une vive condamnation des associations humanitaires
"C'est la deuxième fois en moins d'une semaine et en plein confinement que plus de 450 personnes exilées se font chasser par les forces de l'ordre, sans aucune proposition d'hébergement ou de mise à l'abri. Pire, les seules tentes données par les assos et citoyens sont confisquées", dénonce Utopia 56. Comme Médecins du monde, la Ligue des droits de l'homme ou France terre d'asile, elle réclame un hébergement durable pour ces migrants.
Expulsé.e.s de la place de la République, nous sommes plus de 300 à marcher vers l'Hôtel de ville pour demander de la dignité humaine à travers des mises à l'abri, hébergements et système d'accueil pérenne pour les personnes exilées. pic.twitter.com/aawkNW72tp
— Utopia 56 (@Utopia_56) November 23, 2020
Cette évacuation a également été dénoncée par Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d'asile, opérateur de l'Etat sur la gestion des campements.
On ne répond pas à la misère par la matraque. La mise à l’abri des migrants du campement de Saint Denis restés à la rue est urgente, indispensable, indiscutable. Il en va de l’honneur de la République française. https://t.co/jGq3UomdAS
— Delphine Rouilleault (@DRouilleault) November 23, 2020
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