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Crise en Ukraine : quelles sont les nouvelles sanctions envisagées par les Etats-Unis et l'Europe en cas d'attaque russe ?

Interdiction de certaines exportations, fin de transactions en dollars et sanctions visant directement le cercle proche de Vladimir Poutine... Plusieurs pistes sont à l'étude pour punir le Kremlin en cas d'offensive en Ukraine. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président américain, Joe Biden, échange avec son homologue russe, Vladimir Poutine, sur les tensions entre Moscou et Kiev, le 30 décembre 2021 à Washington (Etats-Unis).  (EYEPRESS NEWS / AFP)

Les pourparlers se poursuivent pour tenter d'obtenir une désescalade dans la crise opposant l'Ukraine à la Russie. Les menaces de sanctions aussi. Si la Russie "envahit tout le pays" ou "même beaucoup moins" que cela, il y aura "d'énormes conséquences", a prévenu le président américain, Joe Biden, mardi 25 janvier. "Nous sommes prêts à imposer des sanctions aux conséquences massives, que nous n'avions pas envisagées en 2014", lors de l'annexion de la Crimée par la Russie, a renchéri un haut responsable de la Maison Blanche*, sous couvert d'anonymat, lors d'un appel avec des journalistes. "Il n'est plus question de réponse graduée. Cette fois, nous commencerons d'emblée par le haut de l'échelle et nous y resterons", a-t-il insisté.

Une évaluation interne des sanctions américaines de 2014 à l'encontre de la Russie, citée par le New York Times*, a conclu que celles-ci n'avaient pas conduit à un retrait russe. La Maison Blanche semble donc décidée à aller plus loin en cas d'incursion et de déstabilisation du pouvoir en Ukraine.

"En cas d'agression (...), la riposte sera là et le coût sera très élevé", a prévenu à son tour Emmanuel Macron mardi, au côté du chancelier allemand, Olaf Scholz. Le président français s'entretiendra au téléphone avec Vladimir Poutine vendredi matin. En attendant, franceinfo détaille les différentes pistes étudiées pour tenter de faire plier le Kremlin.

L'interdiction des exportations vers la Russie

Selon le haut responsable de la Maison Blanche ayant échangé avec des journalistes mardi, l'une des options envisagées est l'interdiction d'exportation de technologies américaines vers le territoire russe. Cette interdiction pourrait s'élargir à "certains produits fabriqués à l'étranger qui tombent sous le coup des régulations américaines", a-t-il précisé.

Ces options "que nous envisageons avec nos alliés porteraient un coup dur aux ambitions de Poutine d'industrialiser son économie", a développé le haut responsable. "Cela toucherait des domaines comme l'intelligence artificielle, les ordinateurs quantiques, la défense, l'aérospatial et d'autres secteurs clés". La porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, avait déjà évoqué de possibles "mesures de contrôle des exportations sans précédent", lors d'un point presse*.

Ces restrictions rendraient difficiles l'obtention de circuits intégrés ou de produits contenant ces composants, relève l'agence Associated Press* (AP). De quoi toucher l'offre de smartphones, de tablettes, de télévisions ou encore de machines-outils.

La fin de transactions en dollars

Autre menace suggérée par Washington : l'interdiction, pour les banques russes, de réaliser des transactions en dollars, alors que la devise domine les échanges financiers internationaux. Privées d'accès au système bancaire américain, des sociétés russes ne pourraient ni acheter des biens ou services, ni rémunérer leur personnel en dollars.

"Les Etats-Unis agitent en filigrane la menace d'une exclusion du Swift", le système de paiement international, décryptait récemment Christine Dugoin-Clément pour franceinfo. "Cela reviendrait à exclure la Russie du système monétaire international et à la mettre presque au niveau de l'Iran." Une telle mesure, particulièrement lourde, priverait Moscou de revenus internationaux liés à la production de gaz et de pétrole, un secteur qui a représenté en moyenne 43% des revenus annuels du gouvernement russe entre 2011 et 2020, d'après les données de l'administration américaine d'information sur l'énergie* (EIA).

Des sanctions visant le cercle proche de Vladimir Poutine

"Oui. Je peux le concevoir", a répondu Joe Biden mardi, à une journaliste lui demandant s'il pourrait, dans l'éventail des sanctions visant Moscou, cibler précisément Vladimir Poutine. Un gel des avoirs ou l'interdiction de certaines transactions financières sont des leviers déjà employés par les autorités américaines lorsqu'elles souhaitent sanctionner des personnalités.

Un groupe d'élus américains, mené par le représentant républicain Jim Banks à la tête du comité d'études républicain (RSC), propose de lancer les sanctions avant même une éventuelle offensive russe et d'"attaquer directement Poutine et son réseau de 'kleptocrates' et d'oligarques", a insisté le représentant Joe Wilson, membre du RSC, auprès du Washington Post*. "Nous réclamons ces sanctions depuis des années, de nouveaux retards mèneront à la guerre."

Dans une proposition de loi "sur la responsabilité de Vladimir Poutine"*, les élus républicains réclament un rapport public qui décrirait "la richesse personnelle de Vladimir Poutine et des membres de sa famille, y compris sa compagne". Ces informations incluraient "les actifs, investissements, d'autres intérêts commerciaux et informations pertinentes sur la propriété effective" des personnes visées. Le texte appelle également à "créer de nouvelles sanctions obligatoires contre des 'kleptocrates' et des personnalités politiques de premier plan en Russie". D'après le Washington Post, l'ensemble du cabinet de Vladimir Poutine pourrait ainsi faire l'objet de sanctions.

Côté européen, "les sanctions envers les personnes du cercle proche" du pouvoir russe seront peut-être "les plus simples" à mettre en œuvre, souligne auprès de franceinfo la spécialiste de l'Ukraine Christine Dugoin-Clément, chercheuse pour la chaire "normes et risques" à l'IAE Paris-Sorbonne Business School, et pour le groupe de réflexion CapEurope.

L'hypothèse d'un refus d'activation du gazoduc Nord Stream 2

Une sanction fait l'objet de débats en Europe. Faut-il, pour punir davantage le Kremlin, cibler le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne ? La question divise, notamment au sein du nouveau gouvernement de coalition allemand.

Dans le cas d'une "escalade" en Ukraine, le gazoduc ne devrait pas fonctionner, avait plaidé le 12 décembre l'écologiste Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères. Le ministre de l'Economie et du Climat, Robert Habeck, également écologiste, avait appuyé cette position. Un mois plus tard, la ministre allemande de la Défense, la social-démocrate Christine Lambrecht, tenait des propos inverses au micro de la radio RBB. "Nous ne devrions pas entraîner [Nord Stream 2] dans ce conflit", a insisté la ministre, appelant à "résoudre ce conflit (...) dans des pourparlers (...) plutôt que de tisser un lien avec des projets qui n'ont aucun rapport avec ce conflit".

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a aussi été ambigu à ce sujet. S'il a évoqué un possible refus de mise en service du gazoduc (prévue cette année) en cas d'attaque russe en Ukraine, rappelle Le Monde, le dirigeant a aussi fait état d'un projet purement "privé".

*Les liens suivis d'un astérisque renvoient vers des pages en anglais. 

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