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A Athènes, l'amertume générale règne chez les partisans du "non"

L'essentiel des mesures contre lesquelles ils s'étaient érigés ont été validées par Alexis Tsipras, au sein de l'accord conclu lundi matin avec l'Eurogroupe. Francetv info a rencontré ceux qui ont dit "oxi".

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une femme brandit un drapeau grec devant le slogan du "non" au référendum, "oxi", à Athènes (Grèce), le 10 juillet 2013. (PETROS KARADJIAS/AP/SIPA / AP)

"Cet accord, c'est la catastrophe ! La Grèce est humiliée. Nous sommes humiliés." Sur la place Omonia, à Athènes, où ils sont venus retirer leurs 60 euros journaliers, Loula et son mari Alexandros n'ont pas de mots assez durs pour qualifier l'accord arraché à Bruxelles, lundi 13 juillet, par le Premier ministre grec. Galeriste à la retraite, Loula a voté "non" au référendum, il y a huit jours. "Tout ça pour ça... Alexis Tsipras avait fait beaucoup de promesses avant son élection, pour garantir moins d'austérité. Il ne les a pas tenues, il doit démissionner." 

"La Grèce n'a plus rien à faire dans la zone euro"

Parent de trois enfants, "tous au chômage", ce couple plutôt aisé, habitué à voter à droite, est prêt à tenter une sortie de la zone euro "pour en finir avec l'étranglement financier""Ce que l'Allemagne a fait, c'est inqualifiable. La Grèce n'a plus rien à faire dans la zone euro", martèle Loula, dont le cou scintille de trois croix orthodoxes. Alexandros, ingénieur à la retraite, estime comme elle que le retour à la drachme est souhaitable, "vue la situation actuelle".

Les gens ont déjà faim. Je préfère qu'ils aient faim sans dépendre de l'Allemagne, plutôt qu'ils aient faim avec l'Allemagne au pouvoir dans leur propre pays.

Loula, galeriste à la retraite

A Athènes, le 13 juillet

Chez les partisans du "non", l'amertume semble générale. Comment pourrait-il en être autrement ? Les concessions faites par Alexis Tispiras à Bruxelles correspondent peu ou prou aux exigences rejetées par 61,3% des votants lors du référendum du 5 juillet. Au sein du parti Syriza, pourtant sorti renforcé après la consultation nationale, c'est l'abattement. "Tsipras a validé les propositions de Jean-Claude Juncker. Je ne vais pas mentir, c'est un échec pour nous", déplore Angeliki, coordinatrice de Syriza dans le quartier populaire d'Alimou, dans le sud de la capitale.

"Syriza ne peut pas se permettre de se diviser maintenant"

Bien que Syriza ait toujours soutenu le maintien de la Grèce dans la zone euro, la marge de manœuvre de la gauche radicale sur la scène européenne s'est réduite à peau de chagrin. Angeliki ne veut pas croire pour autant que les militants soient tentés par un "Grexit". "Il faut d'abord calmer les choses. Depuis deux semaines, on a l'impression que le pays peut basculer d'une minute à l'autre, argumente cette linguiste, dans un français parfait. Ensuite, on discutera, et on se fixera des objectifs communs. Le principal, c'est de maintenir Syriza à la tête du gouvernement afin de mettre en œuvre des politiques de justice sociale. Le parti ne peut pas se permettre de se diviser maintenant." 

Angeliki, coordinatrice Syriza dans le quartier d'Alimou à Athènes (Grèce), le 3 juillet 2015. (ARIANE NICOLAS / FRANCETV INFO)

Liana, militante Syriza de la même section, entend suivre la ligne officielle du parti mais elle n'écarte pas totalement une sortie de la zone euro, "à très long terme". "Revenir à la drachme n'est pas envisageable tout de suite, car nous ne sommes pas prêts, reconnaît-elle. Peut-être que Syriza devrait réfléchir à un plan B, ou C ou D... Au cas où. Dans tous les cas, la décision devra être prise de façon démocratique au sein du parti. Et en attendant, il faut continuer à se battre." 

"Chaque pays défend son beefsteak"

A Athènes, où le slogan "oxi" ("non") s'affiche à chaque coin de rue, ceux qui défendent une ligne dure face à Bruxelles n'en sont pas encore à demander la tête du Premier ministre. Andreas, âgé de 64 ans, vend des ceintures à la sauvette. "Je suis trop vieux pour travailler, plus personne ne veut de moi", lâche-t-il, la joue tremblante. S'il a apposé "un grand non" au compromis européen le 5 juillet, il dit "comprendre" Alexis Tsipras, "qui reste le seul homme politique en qui je continue de croire, malgré la déception suscitée par l'accord". 

La Grèce doit rester dans la zone euro, sinon ce sera la guerre civile.

Andréas, vendeur de ceintures

A Athènes, le 13 juillet

A l'autre bout de la rue, place Exarchia, Daphné et Zeskoun prennent du bon temps, assis à l'ombre d'un tilleul. Cannabis pour lui, thé glacé pour elle, et des propos politiques étonnamment doux pour ces deux amants qui ont voté "non" au référendum. L'accord signé lundi est, pour cette professeure des écoles, le signe que "la Grèce doit essayer de se développer différemment. La solution doit venir de nous-mêmes, pas des prêts qu'on reçoit de la part de l'Europe". L'Allemagne a-t-elle agi en tyran, comme lui reprochent de nombreux électeurs ? "Pas du tout. Chaque pays défend son beefsteak. On a perdu, on doit se relever."

Zeskoun et Daphné, deux habitants d'Athènes (Grèce), discutent place Exarchia, le 13 juillet 2015. (ARIANE NICOLAS / FRANCETV INFO)

Rétrospectivement, ces millions de voix qui sont allées au "non" révèlent leur aspect disparate, voire leur incohérence. Daphné tente de résumer cette difficulté dans une pirouette verbale : "On était à 100% contre le 'oui', on n'était pas à 100% pour le 'non'." Ce référendum était donc un coup dans l'eau ? Une convocation symbolique des Grecs ? Davantage ? "Tsipras a montré que pour la première fois, le peuple méritait d'être écouté, avance Daphné. Les Européens devaient se rendre compte qu'ils ne pouvaient pas faire tout et n'importe quoi avec notre pays. Je crois qu'ils l'ont compris." 

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