Incendies en Australie : "Ils nous ont dit de quitter le village, parce qu’ils pensent que le feu va arriver, alors on est parti"
La situation s'aggrave d'heure en heure sur le front des incendies qui ravagent le sud-est du pays depuis quatre mois. Des centres d'hébergement ont ouvert autour de la ville de Canberra pour accueillir les réfugiés des zones détruites par les flammes.
Le sud-est de l'Australie brûle, suffoque sous une épaisse fumée noire. Samedi 4 janvier, la moitié des 137 feux déclarés dans le sud-est du pays sont hors de contrôle, le vent continue de souffler, et la température dépasse les 40 degrés. En proie à des incendies dévastateurs depuis le mois de septembre, le pays vient de connaître sa plus grande opération d'évacuation, 100 000 personnes ont dû fuir leurs maisons.
A Canberra, un gymnase en bordure de la ville a été transformé en centre d'hébergement d'urgence. Ici, les réfugiés ont les yeux rivés sur leurs téléphones. Grâce à une application, ils peuvent suivre l’avancée des brasiers. Sylvio et sa femme Christine ont reçu l'ordre vendredi matin d’évacuer leur village des Snowy Montains, situé à une heure de Canberra, asphyxié par les fumées. "Ils ont dit qu’on devait quitter la commune, parce qu’ils pensent que le feu va arriver dans le village, alors on est parti", explique Silvio. A ses côtés, sa femme Christine craint de perdre sa maison. "C’est une possibilité, ça devient jaune regardez, c’est très mauvais signe !" dit-elle, des larmes dans la voie, catastrophée par l’avancée des flammes figurée par une couleur jaune sur l’application de son téléphone.
Le problème c’est quand le feu 'jump', il peut sauter 20 kilomètres.
Silvio, évacué de son villageà franceinfo
Makushla, elle, est coincée ici à Canberra, alors que ses quatre enfants, âgés de 10, 7, 5 et 4 ans, sont réfugiés avec leur père dans une école sur la côte en proie au feu. Les routes sont barrées, les embouteillages monstres. Impossible de les rejoindre. "C’est dur d’être si loin d’eux et de ne pouvoir rien faire. J’aimerais être là pour les rassurer s’ils ont peur", confie cette mère de famille. "Ma plus grande comprend ce qu’il se passe. Elle sait qu’il y a des adultes préparés, même au pire. Les plus jeunes eux ne réalisent pas vraiment. Ils regardent des films dans l’école où ils sont regroupés", raconte-t-elle.
Une gestion de la crise très critiquée
Dans ce centre d’hébergement de Canberra, où 70 personnes ont trouvé refuge, beaucoup sont traumatisées d’avoir perdu leur maison, leur terrain, leurs chevaux aussi, qu’ils n’ont pas pu emmener dans la précipitation. Les chiffres sont dramatiques. Le bilan humain des incendies s’élevait samedi 4 janvier à au moins 22 morts. Les brasiers ont également tué 1,5 million d’animaux, dont 8 000 koalas, une espèce désormais menacée. Au total, ce sont six millions d’hectares qui sont partis en fumée, l’équivalent de deux fois la Belgique.
Alors que le pays reste suspendu aux caprices du mercure et du vent pour encore de longues heures, le Premier ministre australien, Scott Morisson, est très critiqué pour sa gestion de la crise. Il y a d’abord eu cette séquence, jugée impardonnable, où le Premier ministre est parti en vacances à Hawaï pour les fêtes, alors que les feux redoublaient. Scott Morisson, soutien de poids de l’industrie du charbon dans son pays, s’est rendu vendredi dans les zones sinistrées, sous les huées. Les habitants ont refusé de lui serrer la main. Une réaction tout à fait compréhensible, estime Jasmine, bénévole dans ce centre d’urgence de Canberra. "Je crois que beaucoup de gens sont très en colère du manque d’action, de l’absence de leadership (...) On n’a pas de politique climatique et on a en besoin parce que ça va être de pire en pire", dit-elle.
Les gens ont tout perdu et on a un Premier ministre qui ne leur parle pas correctement, qui ne les écoute pas. Il ne nous apporte pas les ressources dont on a besoin.
Jasmine, bénévole dans un centre d'hébergement d'urgence à Canberraà franceinfo
Colère aussi pour le manque d’organisation des évacuations, ou encore le manque de soutien financier aux services d’intervention d’urgence. Ils sont 3 000 pompiers sur le terrain en ce moment à affronter les flammes. 90% sont des bénévoles. Et de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une prise de conscience du gouvernement.
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