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"Ça ne ramènera pas mon frère" : la famille d'une victime de l'effondrement du pont de Gênes contrainte de renoncer au procès

William Pouzadoux, un Français de 22 ans, est mort dans l'effondrement du viaduc autoroutier de Gênes (Italie) il y a un an. Endeuillée, sa famille se sent démunie face aux procédures judiciaires en cours. 

Article rédigé par Ariane Griessel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le pont Morandi accidenté à Gênes, le 14 septembre 2018. (MARCO BERTORELLO / AFP)

Le 14 août 2018, le pont Morandi, qui permettait de traverser Gênes en Italie, s’effondre en pleine journée. Parmi les victimes, 43 personnes perdent la vie, dont quatre jeunes Français qui étaient dans la même voiture, en route vers un festival de musique techno. Parmi eux, William Pouzadoux, 22 ans. Un an après, sa famille se sent très seule, face aux procédures judiciaires. Faute de pouvoir payer des avocats sur le long terme, elle a dû, à contrecœur, accepter une indemnisation.

"Nous avons accepté l'indemnisation, la mort dans l'âme"

"Nous avons reçu un premier courrier dès le mois de novembre, pour nous proposer une indemnisation, que nous avons alors catégoriquement refusée. Ça nous a même choqués à l'époque", explique la mère de William, Véronique Pouzadoux. Car la justice italienne tient compte de ces dédommagements. "Moyennant cette indemnisation, les responsables de la société d'autoroute auront éventuellement le droit à une réduction de peine. Une deuxième relance a eu lieu en février, une troisième en avril, et une dernière en juin", raconte encore Véronique.  

La famille Pouzadoux reçoit des courriers en italien, qu'il faut renvoyer rapidement, alors que la famille ne parle pas la langue. Après plusieurs refus, les parents et les trois frères et sœurs de William doivent se rendre à l’évidence : ils ne pourront pas financer toute une procédure judiciaire.

"Nous avons finalement accepté au bout d’un an, contraints et forcés, et la mort dans l’âme, regrette Véronique Pouzadoux. Parce que si nous n'acceptions pas l'indemnisation, tous les frais d'avocats, après une somme de 16 000 euros qui a été allouée par notre assureur, resteront à notre charge."

Nous n’avons pas les moyens de payer des frais d’avocat pendant dix ou quinze ans.

Véronique Pouzadoux

à franceinfo

La mère de William le répète sans cesse "Nous avons été contraints et forcés d’accepter". Elle dit culpabiliser, avoir la sensation d'avoir abandonné son fils. "J'ai été terriblement malheureuse pendant un an. Là, je suis toujours malheureuse, mais je suis également un peu en colère, parce qu’à partir du moment où nous aurons accepté l’indemnisation, nous ne serons plus considérés comme partie civile, et donc nous n'aurons plus accès au procès," affirme-t-elle, des sanglots dans la voix.

"Je ne me vois pas remuer le couteau sans arrêt"

Clémence, la sœur de William, ressent la même amertume. "Je culpabilise, en ayant l’impression d’être vénale, ou de ne pas faire assez honneur à William, confie-t-elle. Je ne me vois pas du tout partir dans dix ans de procès. Je sais que ça me ferait bien plus de mal que de bien. J’aimerais que cela s'arrête, pour de bon. Même si ça ne ramènera pas mon frère, je ne me vois pas remuer le couteau sans arrêt."

Le montant de l’indemnisation reste pour le moment confidentiel. Aujourd'hui, Véronique Pouzadoux n’a aucun contact avec les familles des trois autres victimes françaises. Ses messages restent sans réponse. Sa plus grande crainte, en acceptant de quitter le processus judiciaire, est surtout que son fils et ses amis sombrent dans l'oubli.

Le reportage d'Ariane Griessel

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